Prix des carburants : pourquoi le gouvernement ne taxe-t-il pas le kérosène des avions ?
L’aviation civile jouit d’un statut fiscal très avantageux, puisque le kérosène est le seul carburant issu du pétrole exonéré de taxes.
C'est une interrogation qui revient à chaque nouvelle flambée des prix à la pompe : pourquoi le kérosène englouti par les avions de ligne n'est-il pas taxé comme tous les autres carburants ? Il échappe en effet à la Taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) ainsi qu'à la TVA.
C'est pourtant l'un des carburants les plus polluants, puisque le transport aérien émet 14 à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée, note le Réseau action climat (RAC). Ainsi, un vol aller-retour Paris-Pékin émet 1 239 kg d’émissions de CO2 par passager, soit l’équivalent des émissions d’une famille pour se chauffer pendant un an en France.
Une taxation des vols intérieurs en France permettrait de recueillir quelque 500 millions d’euros par an. Et le manque à gagner se monte à 3 milliards d’euros par an si l’on prend en compte tous les vols au départ et à l’arrivée sur le territoire français, analyse le RAC. Pourquoi le kérosène est-il épargné par les taxes ? Elements de réponse.
Parce que des accords internationaux empêchent toute taxation
Cette particularité remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous explique Ouest-France, quand les Etats-Unis ont voulu donner de l’activité à leurs usines d’avions militaires en favorisant l’aviation civile et les liaisons internationales. La Convention de Chicago, adoptée en 1944, prévoit ainsi que le carburant d’un avion ne peut pas être taxé à l’arrivée. Et cette convention ne peut être modifiée que par un vote unanime des 191 Etats membres de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
De nombreux pays ont par ailleurs signé des accords bilatéraux excluant la taxation au départ comme à l’arrivée. Pour autant, cela n’a pas empêché les Etats-Unis, le Japon, le Brésil ou la Suisse de taxer les vols intérieurs. En France, le carburant utilisé pour l’aviation est lui totalement exonéré de taxe intérieure sur la consommation, mais aussi de TVA. "Ainsi le kérosène est le seul carburant d’origine fossile dont la consommation ne supporte aucune taxe", regrette le Réseau action climat.
Parce que le secteur aérien est déjà mis à contribution
Si le carburant est exempté de toutes taxes, ce n'est pas le cas des autres composantes du secteur aérien. L'avion est ainsi le seul mode de transport à financer intégralement le coût de ses infrastructures par des taxes et des redevances. Les contrôles de sûreté dans les aéroports sont également financés par ces taxes, rappellent Les Echos, alors que normalement cette tâche est du ressort de l'Etat. Le coût de la sûreté aéroportuaire est estimé à 800 millions d'euros par an, rappelle La Tribune. Un chiffre qui pourrait doubler avec l'installation d'ici à 2020 de nouveaux équipements, imposés par Bruxelles.
L'avion est également le seul moyen de transport assujetti à une taxe de solidarité imaginée par Jacques Chirac. Elle permet de financer l'organisme international Unitaid, une organisation internationale d'achats de médicaments à destination des pays en voie de développement. Sans oublier la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Créée sur le principe "pollueur-payeur", cette taxe doit être payée par tout exploitant d'aéronef et ses recettes sont théoriquement affectées, dans leur intégralité, au financement des aides versées aux riverains de l'aéroport concerné.
Parce que les tentatives de taxation ont toujours échoué
En 2012 et 2015, des députés écologistes ont tenté de supprimer progressivement l'exonération de taxe dont bénéficie le carburant des avions. En vain. Cet amendement au projet de loi de finance a été rejeté en commission : la mesure devait en effet augmenter de 12 % le prix d'un trajet en avion en France.
L'objectif est évidemment de protéger les compagnies aériennes françaises face à la concurrence des compagnies à bas coût qui peuvent se ravitailler à l'étranger. Ainsi, pour Air France, dont le court courrier est déjà la principale source de pertes, cela représentait une charge fiscale supplémentaire de 300 à 400 millions d'euros par an.
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