SNCF : quatre questions sur le dispositif "équipement agent seul", au centre du mouvement social des cheminots
Les syndicats de cheminots critiquent la présence d'un seul agent à bord de certains trains, comme dans celui accidenté mercredi dans les Ardennes.
Un "mouvement social inopiné" perturbe le trafic ferroviaire dans de nombreuses régions, vendredi 18 octobre. Des cheminots ont fait valoir leur droit de retrait à la suite d'un accident survenu sur un passage à niveau dans les Ardennes, mercredi, où une collision entre un camion et un TER a fait 11 blessés.
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Le conducteur, unique agent à bord du train, a dû gérer la situation. Le train fonctionnait en "équipement agent seul", un système qui permet de faire circuler les trains sans contrôleur. Ce dispositif est vivement critiqué par les syndicats qui évoquent des risques pour les voyageurs et les conducteurs. Franceinfo fait le point sur ce mode d'exploitation des trains.
Pourquoi le conducteur est-il le seul agent à bord sur certaines rames ?
Le système "équipement agent seul" (EAS) permet de faire circuler les trains sans contrôleur. "C'est un dispositif qui existe depuis près de 40 ans en Ile-de-France", explique un porte-parole de la SNCF à franceinfo. La possibilité d'étendre ce mode d'exploitation en province a été évoquée dès 2002, au moment de la régionalisation des transports ferroviaires. Plusieurs régions pilotes, comme la Picardie, ont testé ce dispositif. "Depuis quatre ou cinq ans, il a été progressivement déployé", indique un porte-parole de la SNCF. Aujourd'hui, l'EAS est présent dans toutes les régions, indique la SNCF. "Les trois-quarts des TER sont exploités seuls à bord", ajoute Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d'Etat aux Transports.
L'objectif principal de ce système est de lutter contre la fraude. Il permet "de renforcer et de concentrer la présence humaine dans les trains où fraudes et incivilités sont des phénomènes importants et de l'alléger sur certains autres services", indiquait en 2002 le ministère des Transports. "La SNCF perd chaque année 100 millions d'euros sur les lignes TER à cause de la fraude", justifie un porte-parole de la SNCF.
En mode EAS, le conducteur assure lui-même la fermeture des portes, fait les annonces et surveille les passagers. Des opérations normalement assurées par le contrôleur. Pour que le conducteur soit autonome, les trains sont notamment équipés d'un système de fermeture automatique des portes, d'un dispositif audio et de caméras.
Quels sont les risques dénoncés par les syndicats de cheminots ?
Les syndicats CGT Cheminots, Fgaac-CFDT, FO-Cheminots et SUD-Rail sont vent debout conte la circulation de trains sans contrôleur. "Le rôle du contrôleur ne se limite pas à la vérification des billets, il assure aussi la sûreté du train et la sécurité des passagers", explique Bruno Poncet, secrétaire fédéral du syndicat SUD-Rail, à franceinfo.
"Dans ces nouveaux TER où il n'y a plus de contrôleurs, dès qu'il y a une collision, le conducteur ne peut plus assurer la sécurité", alerte Olivier Maigret, secrétaire général de la CGT Cheminots du secteur de Reims, où le mouvement s'est lancé. "C'est un miracle qu'il n'y ait eu que des blessés", souffle Bruno Poncet, en évoquant l'accident de train dans les Ardennes. "C'est l'agent de conduite blessé, qui est arrivé à appliquer les règles de sécurité pour arrêter un train qui arrivait en face" et éviter le suraccident, explique un communiqué publié par SUD-Rail.
L'absence de contrôleurs dans les trains engendrerait également des tensions entre les passagers, selon les syndicats. "Cela a aggravé les problèmes de sécurité dans les trains. Il y a des agressions physiques, notamment le soir", déplore le secrétaire fédéral de SUD-Rail.
Les syndicats critiquent aussi la mise en place prochaine d'une nouvelle procédure de départ des trains, qui doit entrer en vigueur le 15 décembre, autorisant à supprimer les agents sur les quais. Ce serait alors au conducteur de s'assurer lui-même que le train peut partir en toute sécurité.
Pour Bruno Poncet, cet accident est "la goutte d'eau qui fait déborder le vase". Du côté de la CGT Cheminots, Olivier Maigret pense que l'objectif principal de l'exploitation EAS est la réduction des coûts.
Les gains économiques ne peuvent pas se faire sur le dos de la sécurité et de l'humain.
Olivier Maigret, de la CGT Cheminotsà franceinfo
Que réclament les syndicats ?
Dans un communiqué, la fédération CGT des cheminots, premier syndicat de la SNCF, "exige le retour de contrôleurs sur l'ensemble de ces circulations afin de permettre aux agents de conduite de se concentrer uniquement sur la gestion de la sécurité ferroviaire". Même son de cloche chez SUD-Rail. "On veut que la SNCF prenne des décisions fortes, lance Bruno Poncet, à franceinfo, il faut remettre du personnel dans les trains".
D'autres revendications sont également annoncées. La fédération CGT des cheminots a exigé le "déclenchement immédiat de rencontres en régions sur l'équipement des trains". De son côté, SUD-Rail souhaite "un calendrier d'embauches immédiates de contrôleurs" et l'"abandon de la suppression des autorisations de départs de train dans les gares", indique un communiqué. La Fgaac-CFDT a aussi demandé un "report de la mise en application le 15 décembre prochain des évolutions des règles de départ des trains".
Que répond la SNCF ?
Pour tenter de trouver une issue à ce mouvement social, une réunion de "concertation" entre les syndicats et la direction a été organisée vendredi matin au siège de la SNCF. "On est bien dans une grève qui se passe aujourd'hui sans préavis, et qui, de ce point de vue là, n'est pas acceptable", a cependant dénoncé Franck Lacroix, directeur général des TER à la SNCF.
Il affirme être réceptif aux inquiétudes des cheminots qui dénoncent le manque de sécurité dans les trains faute de contrôleur. Mais pour l'entreprise, l"équipement agent seul" est un "dispositif éprouvé".
Cela fait des années que ce dispositif est déployé en Ile-de-France, avec des rames de RER bien plus remplies que les TER.
Un porte-parole de la SNCFà franceinfo
Dans un communiqué, l'entreprise a promis "une concertation territoriale dans chacune des régions", sur "des questions de sécurité et de sûreté posées par les conducteurs", une "réunion de concertation nationale entre la direction et l'ensemble des organisations" ainsi que l'étude de "la possibilité juridique et technique de repousser de quelques mois la nouvelle procédure de départ des trains".
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