Vrai ou faux Black Friday : derrière les promesses de prix cassés, des promotions qui sont gonflées

Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Une affiche annonçant les promotions du Black Friday dans un magasin à Poitiers (Vienne), le 23 novembre 2023. (MATHIEU HERDUIN / MAXPPP)
Selon une étude de l'association UFC-Que Choisir, les baisses de prix lors de cette période de promotions sont en moyenne de l'ordre de 0,5% à 3%. Bien loin des rabais affichés par les enseignes.

Un téléphone dernier cri à -20%, des télévisions à moitié prix ou jusqu'à 70% de remise sur des appareils électroménagers... Le Black Friday se tient officiellement vendredi 29 novembre, même si des commerces toujours plus nombreux organisent leur propre "Black Week" ou "Black Month" en magasin comme en ligne. A l'approche des fêtes de fin d'année, certains consommateurs espèrent en profiter pour dénicher de bonnes affaires pour leurs achats de Noël. Pourtant, à y regarder de plus près, les vraies promotions sont rares.

Contrairement aux périodes de soldes d'hiver et d'été encadrées par la loi, "les stocks vendus pendant le Black Friday ne peuvent pas être vendus à perte", explique Pascale Hébel, spécialiste de la consommation et directrice associée au cabinet de marketing C-Ways. "Ça montre déjà qu'on va faire moins d'affaires", avance l'experte. Une étude de l'UFC-Que Choisir publiée le 21 novembre confirme que les remises sont faibles durant cette période. L'association de défense des consommateurs a comparé l'écart des prix de 65 000 articles entre le Black Friday de 2023 et l'ensemble du mois de novembre.

En moyenne, la baisse de prix des téléphones n'était que de 1,6%. Les promotions sur les télévisions et les ordinateurs portables étaient aussi bien loin des "offres chocs" vantées par les enseignes, avec des prix respectivement en recul de 3,7% et 1,9%. Du côté de l'électroménager, les réductions étaient encore moins perceptibles (de l'ordre de 0,5%).

Des prix barrés trompeurs

En 2022, une enquête menée par une autre association de consommateurs, la CLCV, pointait déjà une opération commerciale "en demi-teinte". "Les réductions appliquées ou la diminution des prix restent souvent marginales", concluait-elle, après avoir suivi l'évolution des prix d'environ 200 produits sur 12 plateformes de e-commerce. "La moitié des réductions était de moins de 13%", selon la CLCV, qui ajoute que bien que son "panel de données n'est pas exhaustif", il "permet de donner une tendance"

Si les magasins peuvent afficher des rabais fracassants, c'est parce que le prix barré ne correspond pas nécessairement au dernier prix pratiqué avant la remise. Depuis 2022, les commerces sont soumis à une directive européenne qui les contraint à indiquer clairement aux consommateurs le prix de référence utilisé pour calculer le montant du rabais. En théorie, il correspond au prix le plus bas pratiqué par l'enseigne au cours des 30 jours précédant la promotion.

Toutefois, la loi leur laisse aussi la possibilité d'afficher une comparaison avec les tarifs proposés par leurs concurrents, par exemple via la mention "prix habituellement constaté". Dans ce cas, le prix ne peut être présenté comme une promotion.

"Mais honnêtement, si vous n'êtes pas ultra-attentif, vous allez vous dire que c'est un rabais."

Grégory Caret, directeur de l'observatoire de la consommation de l'UFC-Que Choisir

à franceinfo

Les mentions "prix conseillé" ou "prix fabricant" renvoient quant à elles aux tarifs suggérés par les fabricants en sortie d'usine. "Ce qui ne veut absolument rien dire parce que les prix conseillés par les marques sont rarement appliqués sur les marchés", observe le spécialiste.

Même lorsque le vendeur calcule sa promotion par rapport au prix pratiqué récemment, la vigilance est de mise. L'UFC-Que Choisir rappelle que certains magasins gonflent artificiellement les prix juste avant les soldes pour donner l'illusion de grosses réductions, "bien qu'il s'agisse d'une pratique commerciale trompeuse".

Dans une nouvelle étude parue mercredi, l'association a épinglé cinq grandes enseignes qu'elle soupçonne en partie d'avoir gonflé les prix au cours des dernières semaines afin de proposer de "fausses promotions" dans le cadre du Black Friday. Selon elle, plusieurs produits sont en réalité vendus à des tarifs similaires à ceux déjà pratiqués par ces commerces ou par des concurrents il y a quelques mois.

Comparer et ne pas se précipiter

Pour éviter de tomber dans le panneau, mieux ne pas se ruer vers la première promo venue (même si un compte à rebours vous signale que vous n'avez plus que deux heures pour en profiter), prendre le temps de regarder le détail d'une offre et la comparer avec les prix des concurrents. "Vous constaterez souvent que la promotion affichée n'a rien d'exceptionnel", prévient l'association UFC-Que Choisir. Le site SignalConso.gouv appelle d'ailleurs à la méfiance sur les grosses remises : "Des réductions de plus de 50% peuvent parfois cacher une fausse promotion ou un produit de mauvaise qualité."

Il est aussi conseillé de repérer en amont les produits qui vous intéressent pour suivre l'évolution des prix sur plusieurs semaines. Des sites comme Le Dénicheur, Keepa ou encore Camel Camel Camel proposent des outils pour scruter l'historique des tarifs d'une référence sur les derniers mois. Prenons l'exemple d'une télévision vendue en ce moment dans le cadre du Black Friday à 199 euros par une grande plateforme de commerce en ligne. Le commerçant affiche une promotion d'environ 20% par rapport au tarif le plus bas proposé sur les 30 derniers jours (259 euros). Mais en remontant un peu plus loin, on observe que cette télé était proposée à 208 euros début octobre.

Même constat pour un modèle de friteuse sans huile affiché à -30% par une enseigne d'électroménager. En réalité, ce produit a déjà été proposé au même prix début octobre (139,99 euros). Un concurrent le vendait même encore moins cher (124,27 euros) début septembre, selon le site Le Dénicheur.

Evolution du prix d'une friteuse sans huile vendue par une enseigne d'électroménager (en rouge) et comparaison avec le prix le plus bas proposé sur le marché (en bleu), selon le site de suivi "Le Dénicheur". (LE DENICHEUR)

Grégory Caret souligne toutefois que ces outils de suivi des prix renvoient vers les sites marchands et sont rétribués par ces derniers en fonction du trafic qu'ils génèrent. "Il y a donc le risque qu'ils ne référencent pas la totalité des offres ou qu'ils mettent davantage en avant certaines offres", explique-t-il. Pour une meilleure vue d'ensemble, il est donc préférable de faire des comparaisons sur plusieurs sites.

Si vous êtes peu convaincu par les promos du Black Friday, vous serez peut-être tenté de patienter jusqu'aux soldes d'hiver ou d'été. "On pourrait se dire qu'on peut faire de bonnes affaires pendant les soldes parce que la vente à perte est autorisée et que les enseignes liquident leurs stocks avant de faire rentrer la nouvelle collection, mais cette logique est de moins en moins vraie", relève le spécialiste. Dans le secteur des produits high-tech, particulièrement, "les stocks sont renouvelés régulièrement".

"Il n'y a plus cette logique de brader en fin de saison."

Grégory Caret, directeur de l'observatoire de la consommation de l'UFC-Que Choisir

à franceinfo

Alors pour "afficher de belles promotions", les enseignes ont souvent recours "aux mêmes subterfuges que durant le Black Friday", conclut le spécialiste.

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