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Pourquoi le FN mise-t-il désormais sur les municipales ?

A six mois du scrutin, le Front national tient ses universités d'été à Marseille entièrement tournées vers cette échéance électorale locale, qui n'est pourtant pas sa spécialité. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Marine Le Pen (G.) et Florian Philippot, respectivement présidente et vice-président du Front national, lors du traditionnel défilé du parti à Paris, le 1er mai 2013.  (ERIC FEFERBERG / AFP)

A chaque jour son communiqué du Front national sur son offensive pour les municipales de 2014 : des dix commandements du FN pour gérer ses alliances locales, au comité rassemblant les fonctionnaires capables de gérer à la régulière les futures villes FN. Au programme des universités d'été du parti, qui s'ouvrent à Marseille (Bouches-du-Rhône) samedi 14 septembre, on trouve essentiellement des ateliers autour de cette échéance : "thèmes de campagne", "comment constituer sa liste" et autres "pièges à éviter". Alors que sous Jean-Marie Le Pen le FN avait toujours méprisé les élections locales, Marine Le Pen semble concentrer tous ses efforts sur le scrutin municipal. Un sondage CSA donne une augmentation de 4 points des intentions de vote en sa faveur. Décryptage.

Le contre-pied de la stratégie de Jean-Marie Le Pen

Jean-Marie Le Pen a toujours privilégié une hyper centralisation du parti autour de sa personne. En 2008, le parti a constitué 125 listes dans tout l'Hexagone pour quelque 60 conseillers municipaux élus. "Il voulait empêcher qu’émergent des baronnies locales qui contesteraient son omnipotence", explique à francetv info Sylvain Crépon, chercheur au Sophiapol de Nanterre et auteur de Enquête au cœur du nouveau FN (2012, Nouveaux mondes éditions). Autre crainte du paternel Le Pen : une certaine notabilisation des cadres, obligés à des compromis avec d'autres partis dans la gestion du local et qui s'éloigneraient ainsi de la pureté idéologique du FN.

De son côté, Marine Le Pen "a compris qu’on ne pouvait pas prendre le pouvoir sans élu, sans culture du gouvernement", pointe le politologue. "Le FN reprend une activité partisane comme les autres", nuance Alexandre Dézé, auteur de Le Front national : à la conquête du pouvoir ? (2012, Armand Colin). En attendant, le parti a déjà investi 623 têtes de liste dont 514 dans des communes de plus de 3 500 habitants et 33 dans les 39 villes de 100 000 habitants ou plus. Selon une enquête de l'Ifop relayée par Europe 1, le Rassemblement bleu Marine serait en mesure de dépasser 40% des voix au second tour dans 75 communes de plus de 3 500 habitants, notamment dans le Nord et dans le Sud-Est.

Le douloureux souvenir de 1995

Pour l'occasion, le Front national ne veut rien laisser au hasard. Mercredi 11 septembre, il a créé le Comité de gestion et de suivi des administrations (CGSA), confié à Steeve Briois. Objectif : "Coordonner un réseau de cadres territoriaux (DGS, DGA, directeur financiers…) amenés demain à compléter les équipes d’encadrement et d’administration déjà existantes des futures municipalités Front national."

Et le communiqué de marteler : cela "atteste de la volonté du Front national de ne rien laisser au hasard, d’anticiper notre arrivée aux commandes dans certaines municipalités et d’y assurer une bonne gestion"

Comprendre : faire oublier la gouvernance calamiteuse des municipalités de Toulon, Orange et Marignane, remportées en 1995 à la faveur de triangulaires, et de Vitrolles en 1997. Promesses non tenues, trous béants dans les budgets, hausses des impôts, le bilan frontiste est désastreux, comme le rappelle une enquête de Mediapart en septembre 2012. Et le parti qui se revendique "tête haute, mains propres" est, à son tour, pris en flagrant délit. En 2003, l'ancien maire de Toulon Jean-Marie Le Chevallier est condamné pour "subornation de témoins" dans l'affaire du meurtre de son directeur de cabinet. En 2007, Bruno Mégret est condamné en appel pour "détournement de fonds publics" : il a pioché dans les moyens de Vitrolles pour financer sa campagne présidentielle.

"Le FN a échoué parce qu'il manquait de compétences", résume Nonna Mayer, chercheuse au Cevipof-Sciences Po interrogée par Le Monde. On ne nous y reprendra pas, promettent les frontistes. Cette fois, "il s'agit d'apporter aux Français les preuves qu’ils attendent, pour démontrer ce que nous sommes capables de faire", confiait Marine Le Pen à francetv info en avril.

Le tremplin idéal pour la suite

Car c'est bien l'objectif, s'emparer du pouvoir étape par étape. Accusé d'être uniquement dans l'invective et la protestation, le FN souhaite faire ses preuves. "Nous ne sommes plus un parti d’opposition et de protestation depuis longtemps", martèle Marine Le Pen, qui soutient à francetv info : "Nous ne sommes pas un mouvement thématique, nous avons dans notre arsenal des réponses à tout."  

En obtenant un maximum de conseillers municipaux, le FN s'assure des candidats bien implantés pour les régionales, et ainsi de suite. "Si on prend trop de villes on est morts", avertit un cadre du FN. Selon Sylvain Crépon, "le défi consiste à prendre 2-3 villes où [le FN] va concentrer tout son  personnel compétent et faire preuve d’une extrême rigueur pour en faire une vitrine mais aussi avoir le plus de conseillers municipaux possibles, pour avoir une notabilisation du parti et surtout une visibilité à moyen et long terme."

Une posture dans la droite ligne de la communication autour de la respectabilité que ferait un parti comme les autres. Avec le risque de perdre son positionnement anti-système si porteur.

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