Européennes : La République en marche prépare le jour d'après
Depuis plusieurs mois, le parti d'Emmanuel Macron mène une campagne de séduction chez nos voisins européens. Objectif : créer un groupe-pivot de 100 à 120 membres au Parlement, force incontournable sans laquelle aucune majorité n'est possible. Cela passe par la refondation d'un groupe existant, l'ALDE, en 4e position dans l'hémicycle. Et par un long et difficile travail de conviction.
À moins de trois semaines des élections européennes, La République en marche dévoile (enfin) son programme. Pas de conférence de presse à Paris, mais des rendez-vous organisés en régions, jeudi 9 mai, à l'occasion de la Journée de l'Europe. L'essentiel du programme a toutefois été rendu public mercredi. Il comprend un fort volet consacré à l'écologie, dont 1 000 milliards d'investissements d'ici à 2024 dans les énergies et transports propres, une taxation du carbone et des produits importés et le refus affiché de nouveaux accords de libre-échange avec des pays qui n'ont pas ratifié l'Accord de Paris sur le climat. Autres propositions : une taxe européenne sur les géants du numérique et un Smic "adapté à chaque pays européen". Trois mots- clés : "Liberté, Protection, Progrès". Et une ambition : créer une force centrale au Parlement européen, un groupe "faiseur de rois", à défaut d'être majoritaire. Ce qui suppose de trouver des alliés partout en Europe.
"Opération séduction"
C'est l'autre campagne menée par les Marcheurs. Elle a débuté il y a près d'un an et demi. Une campagne menée de Lisbonne à Tallinn, de Dublin à Athènes, en passant par Rome, Amsterdam ou Stockholm. Campagne en coulisses, devenue plus officielle ces deux derniers mois avec l'envoi d'"ambassadeurs de la Renaissance", du nom de la liste menée par l'ex-ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau. Une petite dizaine de soldats du macronisme, députés ou responsables du parti présidentiel, ont été chargés de porter la bonne parole et de nouer des alliances. Une "opération séduction", reconnaît Bruno Bonnell, député LREM du Rhône, l'un de ces missi dominici, qui revendique sept pays visités et 40 partis rencontrés. A l'entendre, "la graine est plantée", et cette campagne-là est "aussi essentielle" que celle menée auprès des électeurs français.
Refonder l'ALDE, pour attirer de nouveaux venus
Objectif : créer une force politique de 100 à 120 élus au Parlement européen, une force "centrale" plutôt que "centriste", sans laquelle aucune majorité ne sera possible, afin de casser la domination exercée depuis 40 ans par les sociaux-démocrates de S&D et la droite du Parti populaire européen. Et pour cela, les macronistes entendent faire du neuf avec du vieux : pas de génération spontanée comme en 2017 en France, leur premier allié en Europe est un groupe de "l'ancien monde", l'ALDE, ou Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe. Actuelle 4e force du Parlement européen, l'ALDE compte 69 membres, dont l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, un fédéraliste convaincu, qui a promis le 3 mai de saborder ce groupe pour en créer un nouveau, avec les marcheurs. Pour l'heure, l'ALDE va de la gauche libérale à la droite musclée, et les macronistes entendent bien délester ce socle initial de quelques "épouvantails" aux valeurs jugées "incompatibles" avec le macronisme. En revanche, le rapprochement avec le parti espagnol Ciudadanos n'est pas remis en cause, malgré son attitude ambigüe vis-à-vis de l'extrême droite ibérique.
"Tout cela est encore très virtuel"
Refonder, donc, pour attirer de nouveaux venus, comme le Parti pirate tchèque, les Hongrois de Momentum, le libéral Robert Biedron en Pologne ou les troupes de la nouvelle présidente slovaque Zuzana Caputova. Mais l'objectif est aussi de déplumer la concurrence, en convaincant à gauche, le Parti démocrate italien ou les sociaux-démocrates suédois, et à droite, des partis membres du PPE comme en Grèce Nouvelle démocratie de Kyriákos Mitsotákis. Sans oublier les écologistes, très courtisés, notamment aux Pays-Bas.
"Arriver en tête en France sera déterminant"
Cela amène les marcheurs à se rapprocher de rivaux traditionnels de l'ALDE. Pas simple... d'autant que dans certains pays, les envoyés d'Emmanuel Macron négocient avec des forces politiques concurrentes. "Tout cela est encore très virtuel", concède Pieyre-Alexandre Anglade, député LREM des Français de l'étranger et responsable des affaires européennes à la République en marche. "L'architecture du nouveau groupe se discute" déjà, mais rien n'est conclusif, car "tout va dépendre des rapports de force électoraux au soir du 26 mai". Il faut donc faire le meilleur score possible en France, pour s'imposer comme la force centrale de ce groupe, et peser sur les nominations aux postes-clé du Parlement et de la Commission européenne. Conclusion - attendue - de Pieyre-Alexandre Anglade : "Notre capacité à arriver en tête en France sera déterminante".
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