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Elections municipales à Marseille : on vous explique pourquoi le "troisième tour" s'annonce aussi indécis

Largement en tête en nombre de voix, mais au coude-à-coude en sièges à l'issue du second tour, la gauche n'est pas assurée de remporter la deuxième ville de France. La ou le maire sera élu samedi prochain, après une semaine de tractations qui s'annonce intense.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La candidate du Printemps marseillais, Michèle Rubirola, le 29 juin 2020 après le second tour des élections municipales. (MAXPPP)

"Le scrutin ne nous livre pas un verdict clair." Le constat de Michèle Rubirola, arrivée en tête au second tour des élections municipales à Marseille, dimanche 28 juin, sonne comme une évidence. Malgré une confortable avance en voix sur sa rivale LR Martine Vassal, la candidate du Printemps marseillais (union de la gauche) n'a pas la certitude d'être élue maire de la ville. Défaite dans les urnes, la représentante de la droite ne s'y est pas trompée. "Je n'ai pas perdu, ce soir, il n'y a pas de majorité à Marseille", mais une "situation de blocage", a-t-elle martelé dans la nuit de dimanche à lundi.

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Ni le bloc de gauche ni le bloc de droite ne disposent de la majorité absolue de 51 conseillers municipaux. Tout se jouera lors du conseil municipal d'installation qui doit se tenir en fin de semaine, et qui promet d'être explosif. Pour emporter la victoire, l'un ou l'autre bloc devra nouer des alliances avec des élus minoritaires qui n'hésiteront pas à vendre chèrement leur peau.

Ni la gauche ni la droite ne disposent d'une majorité

Avec 38,28% des voix sur l'ensemble de la ville, la gauche emmenée par Michèle Rubirola devance largement les listes de l'héritière désignée de Jean-Claude Gaudin, Martine Vassal, à 30,75%, selon les chiffres communiqués par la municipalité. Dans une élection municipale classique, l'union de la gauche aurait obtenu grâce à ce résultat une confortable majorité. Mais à Marseille, où le scrutin se joue par secteurs électoraux, le score global ne reflète pas forcément la composition du conseil municipal.

Les listes Rubirola l'emportent ainsi dans quatre des huit secteurs de la ville : le 1er (1er et 7e arrondissements), le 2e (2e et 3e arrondissements), le 3e (4e et 5e arrondissements) et surtout le 4e (6e et 8e arrondissements), où elle bat Martine Vassal dans son propre fief. Les listes Vassal, elles, l'emportent dans le 5e (9e et 10e arrondissements), le 6e (11e et 12e arrondissements) et le 7e (13e et 14e arrondissements) jusqu'alors détenu par le Rassemblement national. Le 8e secteur (15e et 16e arrondissements) est quant à lui remporté par l'ancienne socialiste Samia Ghali, étiquetée divers gauche, de justesse devant le Printemps marseillais.

Au conseil municipal, Michèle Rubirola peut ainsi compter sur 42 sièges, contre 39 pour Martine Vassal. Bien qu'il n'ait emporté aucun secteur, le RN glane 9 sièges. Samia Ghali dispose de 8 sièges dans la nouvelle assemblée, et le dissident LR Bruno Gilles de trois sièges. Les listes de La République en marche, dirigées par Yvon Berland, ressortent bredouille de cette élection.

Les scénarios possibles pour atteindre les 51 voix

Pour disposer d'une majorité au conseil municipal, qui compte 101 membres, il est nécessaire d'obtenir au moins 51 voix. Depuis dimanche soir, la classe politique marseillaise compte et recompte dans tous les sens pour imaginer une coalition qui permettrait d'atteindre ce palier.

Si Michèle Rubirola veut gouverner la ville, il lui faut trouver un appoint de 9 sièges. Les regards se tournent naturellement vers les 8 sièges conquis par Samia Ghali. Il manquerait alors un siège pour former une majorité. Celui de Lisette Narducci, actuelle maire du 2e secteur, issue de la gauche avant de rallier Jean-Claude Gaudin en 2014 et Bruno Gilles en 2020, pourrait susciter les convoitises.

Du côté de Martine Vassal, l'équation est encore plus complexe. Même si elle parvenait à rallier Samia Ghali et les trois conseillers élus sur les listes de Bruno Gilles, son bloc n'atteindrait que 50 sièges, un de moins que nécessaire. A moins qu'une poignée d'élus du Rassemblement national ne viennent y mêler leurs voix ?

Une semaine de tractations en perspective

Dès lundi, les téléphones ont commencé à chauffer. "Tout le monde appelle tout le monde, c'est assez marrant !", confie-t-on au sein de l'une des écuries.

Samia Ghali, avec ses huit sièges, détient en grande partie la clé du dénouement. S'alliera-t-elle avec ses anciens amis du PS ou cédera-t-elle aux sirènes de la droite ? Les appels du pied ont déjà commencé. "Samia Ghali a beaucoup cheminé idéologiquement depuis son départ du PS. Paradoxalement, je pense qu'elle se sentirait plus à l'aise avec nous qu'avec le Printemps marseillais qui a maintenu sa liste contre elle dans son secteur", souligne le député LR Guy Teissier, interrogé par franceinfo.

Le positionnement politique de chaque bloc ne sera pas le seul critère déterminant, la sénatrice des Bouches-du-Rhône étant bien décidée à sauver son siège de parlementaire lors des élections sénatoriales en septembre. Pour le moment, l'ancienne socialiste entretient le suspense. "Ce soir, Marseille ne pourra plus se faire sans les quartiers nord", a-t-elle déclaré dimanche soir dans un communiqué sibyllin.

De son côté, Bruno Gilles a d'ores et déjà affirmé qu'il ne voterait pas pour Michèle Rubirola. Le dissident de droite exclut également d'apporter ses trois voix à Martine Vassal, après la violence des coups échangés durant la campagne. Après le second tour, la candidate LR, dauphine désignée de Jean-Claude Gaudin, apparaît plus fragilisée que jamais par sa défaite personnelle dans le 6e secteur, réputé imperdable. Et par les accusations de fraude électorale qui ont germé dans l'entre-deux-tours. "Avec Martine Vassal, ça ne marchera pas !", tranche Bruno Gilles, qui entend bien peser un maximum malgré sa faible représentation au conseil municipal.

Un autre nom à droite, plus consensuel, pourrait-il émerger d'ici à samedi et obtenir l'adhésion des soutiens de Bruno Gilles et de Samia Ghali ? Celui de Lionel Royer-Perreaut, confortablement réélu maire du 5e secteur, a été avancé par le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier.

Si aucune majorité ne se dégage, le maire pourrait aussi être élu avec une majorité relative. Une situation inédite qui rendrait acrobatique la gouvernance de la ville. "Par exemple, si le budget ne peut pas être voté, le préfet peut prendre la tutelle de la commune", rappellent plusieurs élus. L'issue du feuilleton marseillais promet encore des surprises. Le nom du ou de la nouvelle maire sera connu samedi matin, après un vote du conseil municipal à bulletins secrets.

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