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Infographies Quand la droite s'unit avec La France insoumise ou avec les écologistes… Les alliances improbables du second tour des municipales

Dans le Nord et en Guadeloupe, la gauche radicale et la droite font front commun. En région parisienne et dans le Var, des écologistes s’allient à la droite… Ce long entre-deux-tours a vu se former des alliances qui semblent contre-nature, souvent décriées par la direction des partis.

Article rédigé par Lisa Beaujour, Brice Le Borgne - Orlane Jézéquélou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Au premier tour des élections municipales à Lyon, le 15 mars 2020. (JEFF PACHOUD / AFP)

Pour le second tour des élections municipales, dimanche 28 juin, 2 909 listes sont en compétition, selon le ministère de l'Intérieur. Parmi elles, 462 sont des listes issues d'alliances entre partis. Au fil de ces accords, environ 7 300 candidats ont ainsi changé d'étiquette politique entre les deux tours. 

Nous les avons représentées dans cette infographie, avec, à gauche, les nuances politiques qui leur avaient été attribuées par le ministère de l'Intérieur au premier tour, et, à droite, celles obtenues à l'issue des alliances. En survolant les différents groupes politiques, il est possible de voir les flux d'un tour à l'autre. Par exemple, si 554 candidats étiquetés "divers gauche" au premier tour sont devenus "union de la gauche" au second tour, 18 d'entre eux ont rejoint une liste Les Républicains. Dans ces centaines d'alliances, certaines sont plus déroutantes que d'autres sur le plan politique. 

La gauche radicale avec la droite

A Hautmont (Nord), deux familles politiques opposées se sont alliées : La France insoumise (LFI) et la droite, le tout sur fond de dispute familiale. Car Stéphane Wilmotte, candidat divers droite, s'est allié à Antony Larroque, candidat LFI, pour essayer de battre… Joël Wilmotte, son propre père.

Joël Wilmotte est l'actuel maire de la ville, et candidat à un sixième mandat. Entre lui et son fils Stéphane, rien ne va plus, comme le raconte cet article de 20 Minutes. Dès le début de la campagne et les premiers tracts, le père a haussé le ton : "Je vis une situation inédite au niveau national, qu'aucun élu n'a eu à connaître : qu'un fils veuille détruire le travail du père !"

Même alliance en Guadeloupe, le côté familial en moins. La liste d'extrême gauche Ansanm Ansanm 100% Sainte-Anne menée par Jacques Kancel a absorbé la liste divers droite de Marlène Captant, Pour la fierté saintannaise. La liste présentée au second tour compte 29 candidats d'extrême gauche et 5 candidats divers droite.

Europe Ecologie-Les Verts et la droite

De leur côté, les écologistes ont formé 110 alliances, dont six plutôt surprenantes avec la droite. A Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), par exemple, la liste du candidat EELV Ali Id Elouali, qui avait obtenu 15,43% des voix au premier tour, a été absorbée dans la liste du candidat divers droite Tonino Panetta, qui avait fait 33,18%. Leur objectif : faire barrage au maire sortant, le communiste Didier Guillaume (29,48%). 

Ali Id Elouali explique à franceinfo que "c'est une alliance qui s'est faite sur la base d'un constat partagé, sur le bilan catastrophique, sur le plan écologique, du maire sortant". Il ajoute : "C'est tendu, car j'ai fait un choix difficile." La réaction de la direction d'EELV a été immédiate : le parti a suspendu Ali Id Elouali et lui a retiré son investiture. 

Plus surprenant encore, Ali Id Elouali avait déjà rejoint une autre liste en 2014 : celle du communiste Didier Guillaume… à qui il s'oppose aujourd'hui. Joint par téléphone, le maire sortant estime que l'alliance entre le candidat écologiste et la droite est "une alliance de circonstance, on ne construit pas un projet sur une alliance d'intérêts". Un constat partagé par Nathalie Lemoine, candidate LREM : "Lorsqu'il va falloir gérer, on va être sur des orientations radicalement différentes en termes de choix politiques (...). On a une probabilité très forte d'avoir des conflits, dès la mise en place du premier budget en 2021."  

Tonino Panetta, le candidat divers droite, défend cette alliance : "Nous avions un programme très proche, sur l'écologie, la police municipale, la vidéoprotection, le reverdissement de notre ville." Ali Id Elouali, lui, se justifie en expliquant que l'écologie n'est pas liée à un parti en particulier : "L'urgence climatique nous appelle aux responsabilités et, d'un autre côté, nous avons une injonction contradictoire disant 'pas d'alliance avec Untel ou Untel parce qu'il serait de telle ou telle obédience politique (...).' Notre vocation, c'est de sauver la planète, pas de sauver la gauche ou la droite."

Au Lavandou (Var), même alliance divers droite-EELV. Mais cette fois, c'est la liste écologiste de Jean-Laurent Félizia qui a absorbé deux listes divers droite, celles de Franck Giorgi et de Thierry Saussez. Conséquence : sur les 29 membres de la liste, seulement 11 sont finalement écologistes. Mais cela n'a pas empêché la liste de garder son étiquette LVEC (Europe Ecologie-Les Verts).

Cette alliance est d'autant plus inattendue qu'au premier tour, le candidat écologiste Jean-Laurent Félizia avait refusé toute idée d'alliance avec le candidat divers droite Thierry Saussez. Sur un message publié sur le site de la liste menée par Thierry Saussez, Jean-Laurent Félizia écrit : "Votre proposition d'union au second tour ne nous intéresse pas ! (...) Votre plan s'apparente au mariage de la carpe et du lapin. Illogique et contre-nature !" Il ajoute même : "Ce serait duper les électrices et les électeurs lavandourains."

Contactée, la secrétaire nationale adjointe d'EELV, Sandra Regol, considère "qu'il y a une logique qui n'est pas du tout la même". "Lorsqu'un candidat va sur une liste de droite et accepte le programme de la liste de droite, et quand d'autres citoyens rejoignent des candidats écologistes en disant 'on s'est plantés sur le plan environnemental et on veut se battre avec vous', ce n'est pas la même chose, on a une cohérence d'action, de dynamique." Aujourd'hui, cette union est actée, et Thierry Saussez est 11e sur la liste de Jean-Laurent Félizia. Qu'y comprendront les électeurs ? Réponse dimanche.

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