Cet article date de plus de dix ans.

Municipales : l'UMP a-t-elle raison d'insister sur l'enjeu national ?

Alors que le parti d'opposition tente de nationaliser les enjeux liés aux élections municipales, les Français assurent majoritairement qu'ils voteront uniquement en fonction d'enjeux locaux.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
L'ancien Premier ministre François Fillon (G) et le président de l'UMP, Jean-François Copé (D), lors du conseil national de l'UMP, le 25 janvier 2014 à Paris. (MAXPPP)

Une fois n'est pas coutume, Jean-François Copé et François Fillon sont d'accord sur un sujet. A quarante jours du premier tour, le président de l'UMP et l'ancien Premier ministre ont décidé de "nationaliser" autant que possible les prochaines élections municipales. "C'est l'occasion de dire stop à François Hollande", martèle Jean-François Copé à chacun de ses déplacements. Un avis que partage totalement François Fillon, pour qui "infliger une sévère défaite à la gauche aux municipales est la seule façon de forcer François Hollande à changer de politique".

"Le vote sanction se renforce"

Mais les deux intéressés ne courent-ils pas au devant d'une déconvenue en mettant ainsi l'accent sur les enjeux nationaux ? Selon différentes enquêtes d'opinion publiées en janvier, six à sept électeurs sur dix assurent en effet qu'ils voteront d'abord en fonction de critères locaux. "L'UMP veut se servir des municipales comme d'une présidentielle avant l'heure. La réalité, c'est que lorsqu'on va voter aux municipales, on vote pour un projet pour la commune", veut croire le porte-parole du PS Eduardo Rihan Cypel.

S'arrêter à cette question serait néanmoins une erreur. Car en parallèle, l'institut Ifop constate que la proportion de sondés souhaitant sanctionner la majorité (25%) est nettement plus élevée qu'en 2008 (16%). "Le climat national pèse manifestement plus que ce que je pensais, s'inquiète dans le JDD la maire socialiste de Reims, Adeline Hazan. Le vote sanction se renforce."

Un membre du gouvernement interrogé par francetv info reconnaît que "les remontées du terrain ne sont pas très encourageantes, et que les candidats de la majorité risquent de payer dans les urnes la colère et l'impatience des électeurs sur le chômage, le pouvoir d'achat et les impôts". Alors que l'exécutif bat tous les records d'impopularité, cette perspective explique en grande partie pourquoi nombre de candidats PS évitent de mettre en avant le logo de leur parti, et pourquoi la plupart des ministres sont si peu sollicités par les équipes de campagne.

"La chance du PS, c'est que la volonté de vote sanction culmine dans les plus petites villes. Or, c'est aussi là où l'on vote le moins en fonction de l'étiquette partisane", souligne le politologue Emmanuel Rivière, directeur de l'institut TNS Sofres, interrogé par francetv info.

Un scrutin local… mais une interprétation nationale

Mais si l'UMP tente à tout prix de nationaliser les enjeux du scrutin, c'est parce qu'elle sait pertinemment que l'interprétation des résultats qui sera faite sur les plateaux télévisés, au soir des 23 et 30 mars, n'aura rien de local. "Les journalistes ne vont tout de même pas reprocher à l'UMP de nationaliser la campagne, alors même qu'ils seront les premiers à tirer des conclusions nationales au moment des résultats !" sourit l'ancien ministre Benoist Apparu, tête de liste à Châlons-en-Champagne (Marne).

"Si la gauche perd de nombreuses villes, tout le monde conclura évidemment que les électeurs ont exprimé un rejet de la politique menée par le gouvernement", acquiesce Eric Woerth, qui brigue un nouveau mandat à Chantilly (Oise). "François Hollande devra forcément en tenir compte", ajoute l'ancien ministre Patrick Ollier, candidat à sa succession à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). "Le gouvernement sera gêné dans son action", prévient Dominique Bussereau, autre ancien ministre. "Sans parler du Sénat, qui risque de rebasculer à droite à l'automne !" abonde Alain Marleix, ex-secrétaire d'Etat et spécialiste des questions électorales à l'UMP. "En 2008, la vague rose aux municipales avait constitué un point de fragilisation pour Nicolas Sarkozy", rappelle lui aussi le politologue Emmanuel Rivière. 

Une analyse très variable en fonction des critères

Tout dépendra donc de la manière d'interpréter les résultats au soir des élections. "Est-ce qu'on regardera les villes de plus de 30 000 habitants ? Celles de plus de 20 000 habitants ? Celles de plus de 10 000 habitants ? En fonction du choix, la lecture sera sans doute très différente", fait valoir Emmanuel Rivière. En nationalisant la campagne, l'UMP prend d'ailleurs le risque de focaliser l'attention médiatique sur les grandes villes. Si Paris et Lyon restent socialistes et que Marseille bascule à gauche, les journaux mettront en avant l'échec de la droite. "Ce serait une catastrophe", alertait récemment un ancien ministre de Nicolas Sarkozy, interrogé par francetv info. 

L'UMP a donc choisi son critère : les villes de plus de 9 000 habitants. "En dessous de ce seuil-là, on vote plus pour la personnalité que pour l'étiquette politique", justifie l'ancien secrétaire d'Etat aux Collectivités territoriales, Alain Marleix. Ces villes de plus de 9 000 habitants, la France en compte un millier. Depuis 2008, la gauche en détient 550. Jean-François Copé s'est donc fixé pour objectif d'inverser le rapport de force. Rien d'étonnant. "Nos meilleures chances ne sont pas dans les capitales régionales, estime Dominique Bussereau, délégué général de l'UMP en charge des élections. Elles sont plutôt dans des chefs-lieux de département, des sous-préfectures, des villes de 20 000 à 30 000 habitants." Des villes sur lesquelles les médias nationaux ne focaliseront pas forcément leur attention…

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.