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Municipales : les maires sont-ils assez payés ?

A l'occasion des élections municipales, francetv info se penche sur l'épineuse question de la rémunération des maires.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le maire de Toulouse est indemnisé à hauteur de 5 512,13 euros par mois. (ERIC CABANIS / AFP)

Combien gagne votre maire ? C'est un "sujet tabou", observe le sociologue Christian Le Bart, auteur de l'ouvrage Les maires, sociologie d'un rôle, et enseignant à Sciences Po Rennes. En principe, l'article L2123-17 du Code général des collectivités territoriales prévoit que "les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites". Cette tradition, qui refuse de faire de la politique un métier, remonte au XIXe siècle. "On est dans la fiction du bénévolat républicain", analyse Christian Le Bart.

En réalité, les maires et leurs adjoints touchent une "indemnité de fonction", qui "ne présente le caractère ni d'un salaire, ni d'un traitement, ni d'une rémunération quelconque", assure une circulaire. Cette somme a simplement pour but de les dédommager de leur travail à la tête de la commune. Comment son montant est-il fixé ? Est-elle suffisante ou trop importante ? Quelles conséquences sur le profil des maires ? Francetv info répond aux questions que vous vous posez sur cette indemnité, à l'approche des municipales.

Combien sont-ils payés ?

Il s'agit de l'une des premières délibérations du conseil municipal : voter les indemnités du maire et de ses adjoints. Le conseil ne peut cependant pas en fixer le montant à sa guise. Le Code général des collectivités territoriales fixe un plafond en fonction de la taille de la commune, en pourcentage de l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique. Concrètement, voici ce que cela donne par mois :

Source: Association des maires de France

Ces indemnités peuvent être cumulées avec un salaire ou avec le traitement d'autres fonctions, comme président de l'intercommunalité, conseiller général ou député. "Un maire, qui adore cela et qui est très pris, que va-t-il chercher à faire ? A obtenir un deuxième mandat pour une rémunération supplémentaire et un revenu identique au privé", reconnaît Jacqueline Gourault, maire de La Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher), sénatrice (MoDem), et vice-présidente de l'Association des maires de France (AMF).

Les indemnités peuvent également être majorées si la commune est un chef-lieu de canton, d'arrondissement, de département ou de région. Un bonus qui résiste à tout, même au redécoupage des cantons induit par la loi de 2013. "Il y a maintenant de nouveaux chefs-lieux, mais une loi a décidé que les anciens chefs-lieux de canton donnaient toujours droit à une majoration", relève René Dosière, ancien maire, député, auteur du livre Le Métier de l'élu local. Les maires de communes touristiques, thermales ou attributaires de la Dotation de solidarité urbaine, allouée aux communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources, ont également le droit à une majoration de leur indemnité.

Est-ce suffisant ?

A l'AMF, on se montre prudent sur ce sujet sensible. "Ce n'est pas excessif si vous comparez à certains salaires dans le privé, ose Jacqueline Gourault. C'est équilibré, et ce n'est de toute façon pas dans l'air du temps de demander une augmentation."

Si la charge de travail varie beaucoup selon les communes, un maire ne compte pas ses heures. "Il y a un décalage entre le temps que prend la charge et la rémunération qu'elle apporte. Il n'y a pas de salaire horaire minimum", abonde le sociologue Christian Le Bart, avant de nuancer : "Quand le job est à temps plein, dans les grandes communes, il est bien rémunéré."

Jacqueline Gourault pointe tout de même un problème dans les communes de moins de 1 000 habitants. Dans ces villages, la fonction a été occupée pendant longtemps par des agriculteurs ou des notables locaux, dont le niveau de vie ne nécessitait pas le versement d'indemnités. "J’ai connu un certain nombre de jeunes élus qui avaient du mal à se faire voter par le conseil municipal une indemnité de fonction, parce que d'habitude, il n’y en avait pas", raconte-t-elle. Elle a fait adopter par le Sénat une proposition de loi pour automatiser cette indemnité dans ces communes.

Est-ce problématique pour la représentativité des élus ?

En France, le portrait-robot du maire est un homme de 57 ans, agriculteur à la retraite. De l'avis de nos interlocuteurs, augmenter l'indemnité de la fonction pour attirer des profils plus jeunes et d'origines professionnelles plus variées, et donc améliorer la représentativité des élus, n'est pas la priorité. Le sociologue Christian Le Bart estime qu'il s'agit davantage d'une question de disponibilité : les enseignants et les professions libérales ont un temps de travail "plus souple et plus libre", qui leur permet de conjuguer vie publique et vie professionnelle plus facilement, comme le maire de Bauvin (Nord). "C'est d'abord la disponibilité, ensuite la rémunération", reconnaît Jacqueline Gourault.

"Le retour à la profession d’origine est rarement discuté, mais c’est absolument central", ajoute le sociologue. Les inégalités sur ce plan sont flagrantes: un fonctionnaire peut demander une disponibilité le temps de son mandat et retrouver sans problème son travail par la suite. C'est plus compliqué pour un médecin, un notaire ou un salarié, même si la loi le permet en théorie. "La maire de Montreuil [Seine-Saint-Denis], Dominique Voynet, dit toujours que si elle reprenait son métier d'anesthésiste, personne n'accepterait d'être son patient", relève Christian Le Bart.

Renforcer le non-cumul des mandats permettrait de faciliter ce retour à la vie professionnelle. René Dosière juge qu'"il ne faut pas que la rupture avec la vie professionnelle dure trop longtemps", et propose de limiter la fonction à deux mandats, avec la possibilité de passer un concours pour rentrer dans la fonction publique. "Vous avez ainsi la certitude de ne pas être à la rue", justifie le député, pour qui le fait de se représenter est parfois motivé par l'inquiétude de l'après-mandat.

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