Présidentielle 2022 : Eric Zemmour peut-il vraiment bénéficier d'un "vote caché" ?
Les partisans d'Eric Zemmour assurent que les enquêtes d'opinion sous-estiment le candidat d'extrême droite. Les sondeurs, eux, affirment que les personnes interrogées n'hésitent pas à revendiquer leur adhésion à l'ancien polémiste.
L'argument revient sans cesse lorsque les soutiens d'Eric Zemmour prennent la parole, dans la dernière ligne droite de cette campagne présidentielle. Il existerait, selon eux, un vote caché en faveur du candidat de Reconquête!, dont le niveau réel dans l'opinion publique serait sous-estimé. "La tour Eiffel salue la France du vote caché ! Elle est belle, la revanche de la droite Trocadéro", a ainsi déclaré Philippe de Villiers à la tribune de l'esplanade parisienne, dimanche 27 mars, avant le meeting du candidat d'extrême droite.
Eric Zemmour n'est pas le premier candidat dont les équipes revendiquent un vote caché capable de créer la surprise. Nicolas Sarkozy en 2012 et François Fillon en 2017 avaient déjà suggéré des biais dans les enquêtes d'opinion. Les deux candidats de droite avaient également porté cette idée sur l'esplanade du Trocadéro, afin de remobiliser leurs troupes face aux mauvais sondages. "Quand un candidat commence à parler d'un vote caché, ce n'est pas une bonne nouvelle", commente le sondeur Brice Teinturier, qui dirige l'institut Ipsos.
"C'est un signe d'inquiétude ou de fébrilité."
Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsosà franceinfo
Les partisans d'Eric Zemmour, eux, réfutent tout essoufflement de la campagne et parlent d'une dynamique mal mesurée par les enquêtes d'opinion. "Il y a quelque chose qui se passe ailleurs que dans les sondages et c'est pour ça qu'on a beaucoup de confiance vis-à-vis de ce deuxième tour", expliquait ainsi Bertrand de La Chesnais, directeur de campagne d'Eric Zemmour, dimanche 27 mars, après le meeting de son candidat. "A chaque événement, à chaque rendez-vous, à chaque meeting autour de notre candidat, nous sommes ceux qui rassemblent le plus de monde depuis le début de cette campagne présidentielle", appuie le sénateur Sébastien Meurant, qui a récemment quitté Les Républicains pour rejoindre le candidat d'extrême droite.
Un nouveau venu difficile à jauger ?
Les sondeurs interrogés par franceinfo affirment de leur côté que la dynamique revendiquée par les soutiens d'Eric Zemmour est bien prise en compte. "Nous n'avons pas vraiment d'éléments qui nous montrent qu'il existe un vote caché pour lui", estime ainsi Mathieu Gallard, directeur d'études à l'institut Ipsos. "Je pense que c'est un vote plutôt très revendiqué, on l'a bien vu dimanche."
"Je n'ai pas l'impression que tous ces Français présents au Trocadéro avaient honte d'afficher qu'ils allaient voter pour Eric Zemmour."
Mathieu Gallard, directeur d'études chez Ipsosà franceinfo
Du côté des proches du candidat, on n'hésite pas à remettre en cause les sondages, qui sous-estimeraient les chances de l'ancien polémiste. "De nombreux sondeurs reconnaissent officiellement qu'il est compliqué de savoir comment se comporte vraiment l'électorat d'Eric Zemmour. C'est normal, c'est un homme neuf qui, grâce à son projet civilisationnel, rompt totalement avec les partis politiques traditionnels", avance Dénis Cieslik, porte-parole de Reconquête!.
"Dans les sondages, il y a une règle de pondération par rapport à l'historique du candidat. Or, là, il n'y a pas d'historique."
Bertrand de La Chesnais, directeur de campagne d'Eric Zemmourà franceinfo
En parallèle de ce supposé vote caché pour Eric Zemmour, ses partisans mettent en avant un "vote gonflé pour Marine Le Pen". Pour Dénis Cieslik, la candidate du Rassemblement nationale serait surévaluée dans les sondages. "En 2017, les instituts de sondages la donnaient beaucoup plus haute et aux élections régionales : le Rassemblement national devait gagner minimum quatre régions et il n'en a finalement remporté aucune", tacle ce proche d'Eric Zemmour.
L'espoir d'une surprise comme pour Trump
Selon Brice Teinturier, un changement technique permet pourtant "depuis une dizaine d'années" de retranscrire plus fidèlement la réalité des opinions. "Désormais, avec des enquêtes en ligne plutôt que par téléphone, il n'y a plus de relation psychologisante où on n'oserait pas dire qu'on vote pour tel ou tel candidat. Je ne crois pas à l'idée d'un vote caché au sens d'un vote dissimulé", juge le sondeur, qui observe une "désinhibition complète des opinions" depuis une dizaine d'années. Cela exclut, selon lui, toute sous-déclaration en faveur d'un candidat.
D'autres partisans du candidat s'appuient sur des erreurs de sondages pour le Brexit au Royaume-Uni en juin 2016 et l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis en novembre de cette même année. "Pour le Brexit, il y avait eu un problème de mobilisation différentielle selon les électorats pro et anti-Brexit et, pour Donald Trump, des segments de population n'étaient pas parfaitement intégrés" dans les enquêtes d'opinion avant le vote, rappelle Brice Teinturier.
Le sondeur se veut prudent pour la présidentielle : "Il ne faut pas exclure la possibilité d'avoir, dans nos échantillons, des biais de représentativité, note-t-il. Mais, si on avait identifié un quelconque problème d'échantillonnage [la manière dont les sondés sont sélectionnés], on l'aurait corrigé."
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