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Comment Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont préparé le débat d'entre-deux-tours

Quelle sera la stratégie des deux finalistes ? Comment abordent-ils ce moment-clef de la campagne ? Franceinfo a interrogé l'entourage des deux candidats.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Emmanuel Macron et Marine Le Pen respectivement photographiés le 10 décembre 2016 à Paris et le 11 mars 2017 à Déols (Indre). (ERIC FEFERBERG / AFP)

C'est la première fois qu'ils se retrouvent seuls, face à face, pour un débat. Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'opposent, mercredi 3 mai, sur TF1 et France 2. Pour préparer cette confrontation, dont ils attendent une très forte exposition, les deux candidats à l'Elysée ont pris le temps de travailler, limitant pendant deux jours leur agenda de campagne à des interventions médiatiques.

Mais comment ont-ils travaillé pour être au top face à leur rival ? Franceinfo a posé la question à leurs équipes. Ni la candidate du Front national, ni celui d'En marche ! n'aurait eu recours à un sparring-partner ou ne se serait prêté à un jeu de rôles pour préparer ce débat d'entre-deux-tours. C'est en tout cas ce qu'affirment leurs entourages. Et à chacun sa méthode de travail.

Ils ont tous les deux révisé leurs classiques

Emmanuel Macron a regardé les vidéos des anciens débats et demandé à ses conseillers des notes pour alimenter sa réflexion. "Il observe ce que fait Marine Le Pen", ajoute le député socialiste Christophe Castaner. Si le sénateur Les Républicains Jean-Baptiste Lemoyne, récemment rallié, assure que "dans les débats précédents, Macron avait su mettre Marine Le Pen dans les cordes", un autre soutien considère au contraire que ce débat n'est pas du tout "plié" d'avance et qu'il va falloir être solide face à la candidate frontiste.

Elle a du métier, elle est rusée.

Un soutien d'Emmanuel Macron

à franceinfo

Même technique pour Marine Le Pen qui peaufine sa préparation chez elle mercredi, à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), précise Le Parisien. Selon le quotidien francilien, ses équipes ont revisionné les images des débats et des meetings d'Emmanuel Macron. La candidate du FN s'est appuyée sur un système "en étoile, en prenant les uns les autres au téléphone, pas dans de grandes réunions", raconte un de ses proches. Avec les politiques, elle parle stratégie. Avec les experts, les questions programmatiques, pour "travailler les angles d'attaque et affiner les arguments".

Un face-à-face qui risque d'être offensif

Entre la personnalité des candidats et l'enjeu de ce débat, on peut s'attendre à des échanges musclés. "Ça va être le punching-ball : une joue, puis l'autre joue. On ne va rien laisser passer", estime un député proche d'Emmanuel Macron, qui assure que le candidat s'est préparé à se montrer particulièrement offensif. Attention cependant à mettre les formes, estime un autre : "Il faut qu'il apparaisse à l'écoute, serein. S'il est trop bon, trop carré, il peut apparaître comme cassant, arrogant."

D'autant plus, poursuit ce soutien, que ce débat l'opposera à une femme. "Le mode de fonctionnement traditionnel du débat en politique, c'est la virilité. Dans ce cas précis, on ne peut pas faire le débat comme cela. Une formule où on rabaisse l'adversaire peut apparaître comme misogyne." Robert Zarader, publicitaire qui soutient Emmanuel Macron (et ancien visiteur du soir de François Hollande), est aussi de cet avis : "Il ne faut pas créer un rapport de force, mais montrer en quoi il s'oppose à elle sur le fond."

"Marine Le Pen a beaucoup de répartie"

L'ancien ministre de l'Economie a un autre objectif : être concret. Lors d'un précédent débat, Marine Le Pen avait repris à son compte la proposition de son adversaire de distribuer les médicaments à l'unité. "Marine Le Pen avait joué sur son côté mère de famille, très concrète, concède un soutien. Emmanuel est quelquefois un peu éloigné." Autre enseignement tiré du débriefing d'un précédent débat et sur lequel le candidat a travaillé :

Emmanuel Macron est très pédago, mais le temps est contraint dans ces émissions. Il faut faire des phrases plus courtes, plus ciblées.

Un député rallié à En marche !

à franceinfo

Du côté du Front national, le mot d'ordre semble être la "sérénité". "Elle est plutôt à l'aise dans l'exercice, assure un soutien de Marine Le Pen. Elle a l'habitude. Elle a beaucoup de combativité et de repartie. Il faut qu'elle aborde le débat avec sérénité quand Macron peut parfois céder à l'emportement." Marine Le Pen doit-elle chercher à énerver son adversaire ? Ce proche affiche un grand sourire… Et évoque même "la faille psychologique" que le favori des sondages aurait révélée lors de ses meetings. Pour Le Parisien, la chose est claire : "Elle veut le faire craquer !"

A contrario, l'objectif pour la candidate FN est d'apparaître comme très calme : "Marine Le Pen n'est pas dans l'agression, renchérit un autre proche, mais dans la sérénité. Elle restera dans 'la France apaisée' [son slogan de l'été dernier]." Et si les deux candidats ont sans aucun doute travaillé sur des formules percutantes (on se rappelle l'anaphore "Moi président" du candidat Hollande en 2012), aucun des entourages n'a accepté d'en dévoiler plus.

Projet contre projet

Les deux camps se rejoignent sur un point : en matière de programme, ils ne sont d'accord sur rien, ou presque. Et des deux côtés, on assure vouloir parler du fond. "C'est le meilleur candidat qu'on puisse avoir, estime Jean-Lin Lacapelle, secrétaire national aux fédérations du FN. Il est aux antipodes de notre projet." Pour la candidate frontiste, deux axes sont donc à privilégier : 

Il faut taper à mort sur la continuité du hollandisme. Elle va appuyer là-dessus, Emmanuel Macron ne peut plus s'affranchir de cette critique.

Un dirigeant du FN

à franceinfo

Avec les nombreux ralliements depuis le soir du premier tour, et le soutien officiel de François Hollande ou Ségolène Royal, "c'est beaucoup plus visible", estime ce dirigeant. Marine Le Pen aurait aussi intérêt à porter le débat sur les questions régaliennes, "la grosse lacune de Macron". Immigration, insécurité, "terrorisme islamiste"... "Sur tous ces sujets, c'est le grand flou", estime Jean-Lin Lacapelle. Autant de sujets sur lesquels la candidate du FN compte envoyer des signaux aux électeurs de François Fillon.

"Il faut qu'il rassure les Français"

Chez les soutiens d'Emmanuel Macron, certains reconnaissent que les questions régaliennes ne sont pas le point fort du candidat, beaucoup plus à l'aise sur les questions économiques et sociales. "Il faut qu'il rassure les Français, estime un député. Car cette question renvoie à la problématique de l'inexpérience et de sa jeunesse.'"

Pour contrer Marine Le Pen, le fondateur d'En marche ! entend, lui, débusquer les "incohérences" de son projet. "Il faut démonter le mensonge et l'usurpation du FN, c'est ça la commande", dit le député socialiste Arnaud Leroy. L'équipe du candidat a passé au crible le programme du FN et listé une série de sujets (déchéance de nationalité, retraite à 60 ans ou bien taxe sur les produits importés) sur lesquels Emmanuel Macron tentera de "l'obliger à expliquer comment elle fait".

Quand il ne s'agit pas seulement d'énoncer les mesures mais de les expliquer, Marine Le Pen est mauvaise.

Un soutien d'Emmanuel Macron

à franceinfo

Le récent changement de pied sur l'euro et la sortie de l'UE est cité en exemple. "Marine Le Pen a eu 5 versions différentes sur l'euro et la sortie de l'Europe, assène Richard Ferrand, numéro deux d'En marche !. Le but, c'est de mettre en lumière nos propositions et l'inanité des siennes."

Convaincre au-delà de leur électorat

Les deux finalistes espèrent aussi, chacun de leur côté, trouver le moyen d'attirer à eux de nouveaux électeurs. Marine Le Pen compte sur sa vision du terrorisme et de la géopolitique pour attirer des partisans de François Fillon et sur certaines mesures sociales pour parler à ceux de Jean-Luc Mélenchon. Emmanuel Macron compte lui aller sur le terrain des "valeurs républicaines", abondamment occupé dans sa campagne de second tour, pour incarner le rempart contre le Front national. Il pourrait aussi tenter de développer certaines de ses propositions en matière d'écologie pour parler aux électeurs de Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon.

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