Débat de la présidentielle : on a regardé le duel entre Le Pen et Macron avec des "insoumis", exaspérés qu'il "manque une voix de gauche"
Franceinfo a passé la soirée du débat de l'entre-deux-tours avec des militants de La France insoumise réunis à Alfortville (Val-de-Marne).
"On va mettre le débat en fond, ça vous montrera qu'on n'en a pas grand chose à faire", lance dépitée une militante insoumise à une poignée de minutes du débat de l'entre-deux-tours, mercredi 20 avril. Autour de quelques bières et d'un bol de chips, une demi-douzaine de militants de La France insoumise se sont réunis dans un appartement à Alfortville (Val-de-Marne), pour suivre la joute verbale entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
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Après une réunion consacrée à l'avenir du mouvement et aux élections législatives, dans la foulée de la troisième place de Jean-Luc Mélenchon à a présidentielle, les militants ont allumé la télévision. Dès la première tirade de Marine Le Pen – une tirade de quatre minutes pour développer ses propositions sur le pouvoir d'achat –les critiques fusent. "Pour l'instant, elle fait la liste des courses", se moque Antoinette. "Macron, il a la même patate chaude dans la bouche que Giscard", s'amuse Antoine, l'hôte de la soirée.
"Avec Mélenchon, ça aurait été autre chose"
Des rires francs se font entendre quand Emmanuel Macron annonce une augmentation du smic de 34 euros par mois. A la fin de la première séquence sur le pouvoir d'achat, les militants sont déjà exaspérés. "Pas de surprise, ils sont sur leurs postures. Je les trouve très technos et assez peu accessibles. Ils ne savent pas expliquer leurs mesures…" débriefe Lara. "Ils ont réussi à parler pouvoir d'achat sans parler de partage des richesses, s'agace William. Marine Le Pen est encore pire que ce que je pensais…"
"Peut-être que, ce soir, des gens qui ont voté Marine Le Pen pour son programme sur le pouvoir d'achat vont se rendre compte que c'est une arnaque."
William, militant LFIà franceinfo
"Aucun n'a parlé de la répartition des richesses, parce que les deux sont de droite. Il manque une voix de gauche dans ce débat, se lamente Antoine. Pour Marine Le Pen, le chiffre le plus important c'est la baisse de la productivité, plus que l'augmentation de la pauvreté, ça en dit long." Pour les militants, il y a un grand absent dans ce débat. "Imaginez le débat avec Mélenchon, ça aurait été autre chose", regrette William.
"J'aime pas ce côté premier de la classe"
Quand le débat part à l'international, les militants redoublent de moqueries. "Elle a payé ses dettes ?" se moque une militante quand Marine Le Pen exprime sa solidarité avec les Ukrainiens. Une référence au fait que le Rassemblement national a contracté un prêt d'environ 9 millions d'euros auprès d'une banque russe en 2014. "C'est habile de la part de Macron de dire qu'elle parle à son banquier [en évoquant la Russie], sachant qu'il est lui-même banquier", commente aussi Antoine.
"Il cherche juste à la faire passer pour une idiote, pour une incapable..." Alexandra s'agace contre l'attitude de Macron, même si elle n'épargne pas sa concurrente. "J'aime pas ce côté premier de la classe qu'il prend, genre je sais tout. Malheureusement, il n'y a rien en face, donc il déroule. Mélenchon, il l'aurait mis face à ses responsabilités."
"Mais c'est quoi ces attitudes ! Il rend vraiment pas les choses faciles pour dimanche Macron."
Alexandra, militante LFIà franceinfo
La militante hésite encore pour dimanche entre l'abstention et le vote "de barrage" pour Emmanuel Macron. "J'ai pas envie qu'il fasse 65%. Je fais partie de ces gens qui ne le supportent pas." Au total, près de 20% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon songeaient avant le débat à se reporter sur un vote Marine Le Pen, contre presque 40% pour Emmanuel Macron, selon un sondage Ipsos (PDF). De son côté, Lara a fait son choix : ce sera un bulletin Macron, mais elle ne le glissera pas sans douleur dans l'urne. "Ce sera à contre-cœur. Comme en 2017, j'aurais les larmes aux yeux ! Mais Marine Le Pen, ça fait peur. Ses propositions, notamment sur la sécurité, sont hallucinantes."
"Il n'y a pas d'humain"
Quand les deux candidats se mettent à parler des retraites, l'agacement monte encore. Si Jean-Luc Mélenchon proposait de revenir à la retraite à 60 ans, Marine Le Pen défend le maintien de la retraite à 62 ans. Quant à Emmanuel Macron, il souhaite repousser l'âge légal à 64 voire 65 ans. "Un quart des plus pauvres seront morts avant, c'est pourtant simple à dire", s'agace Alexandra qui aimerait voir un peu plus de répondant face à Emmanuel Macron.
Tout le monde en prend pour son grade, y compris les journalistes. "Elle nous manque Anne-Sophie Lapix quand même", estime Lara. "Mais personne n'a proposé Elise Lucet", ajoute son voisin. "Imagine, Elise Lucet - Edwy Plenel… Pouaaahh !" Mais ce sont les deux candidats qui essuient le plus de critiques. "Il n'y a pas d'humain. Ils sont dans leur rôle, dans leurs postures technocratiques. J'assiste à un jeu de rôle, il n'y a rien de spontané", s'agace Antoinette. On commente, on se montre les tweets humoristiques repérés en ligne, mais globalement les militants s'ennuient un peu.
La partie consacrée à l'environnement ravive un peu l'attention de l'assistance. "Ah, les chats, les chats !" entonnent les militants, quand Marine Le Pen évoque le sujet de la souffrance animale. C'est surtout l'insuffisance des propositions pour lutter contre le réchauffement climatique qui marque le public insoumis. "C'est bien, on entend parler de 2030, de 2050, mais le Giec, lui, il dit qu'il nous reste trois ans", s'exaspère Alexandra.
"La même chose qu'il y a cinq ans"
A 22h45, les deux candidats entament leur discussion au sujet de l'attractivité française. C'en est trop pour certains : trois militants décident de quitter la soirée. "C'est exactement la même chose qu'il y a cinq ans…" lance un militant en passant la porte. L'ambiance se refroidit quand le débat passe aux thèmes de la jeunesse, de la sécurité ou de l'immigration.
Les militants insoumis s'agacent du débat sur le voile et n'hésitent pas à contredire les candidats. "Mais ça n'a pas de sens ce qu'elle propose", s'offusque Lara au sujet des propositions sur la sécurité de Marine Le Pen. "Et le budget ! Il faut juste un milliard !" poursuit la militante quand Emmanuel Macron évoque son bilan dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Minuit moins le quart : les deux candidats concluent, avec un peu de retard. "Je préfère ne même pas écouter ça", lance Antoine en partant dans la cuisine. Tous repartent blasés, fatigués après ces presque trois heures de débat. La discussion n'aura pas vraiment fait bouger les lignes pour les indécis. "Cela ne me conforte pas de voter Macron, conclut Antoine. Mais cela me confirme qu'il ne faut surtout pas que Le Pen soit présidente..."
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