Présidentielle 2017 : Alain Juppé a-t-il ses chances ?
L'ancien Premier ministre a annoncé, mercredi, sa candidature à la primaire de l'UMP pour la prochaine présidentielle. Mais même s'il bénéficie de nombreux atouts, il doit faire face à certaines lacunes qui pourraient nuire à ses ambitions.
Alain Juppé appuie sur l'accélérateur. Deux ans avant l'échéance, l'ancien Premier ministre a annoncé sa candidature à la primaire de l'UMP pour la prochaine élection présidentielle, dans un billet publié mercredi 20 août sur son blog. Mais le maire de Bordeaux a-t-il vraiment une chance de l'emporter en 2017 ? Francetv info passe en revue ses atouts et ses lacunes.
Oui, il a la carrière et la carrure pour occuper le poste
Premier ministre, porte-parole du gouvernement, ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense, député de Gironde, maire de Bordeaux, président du RPR, cofondateur et président de l'UMP… A 69 ans, Alain Juppé peut se targuer d'avoir l'un des CV les plus longs de sa famille politique. Seule la ligne "président de la République" lui fait défaut.
"Il a l'image d'un homme d'Etat, qui ne cherche pas le pouvoir d'abord pour lui-même, doté d'une certaine tempérance ainsi que d'une expérience et d'une compétence reconnues", souligne le politologue Brice Teinturier, directeur de l'institut Ipsos, dans Le Figaro. Or, "au moment de l'élection présidentielle, les Français recherchent certes quelqu'un de dynamique, mais ayant aussi de l'expérience, et pouvant incarner une sorte de père de la Nation", poursuit Yves-Marie Cann, directeur de l'institut CSA, contacté par francetv info.
Oui, il jouit d'une forte popularité transpartisane
Outre son expérience politique, Alain Juppé jouit aussi d'une bonne image chez les Français. Avec 50% d'opinions positives, "il apparaît même comme la personnalité politique ayant la meilleure image auprès des Français", souligne Yves-Marie Cann. Dans le détail, 74% des électeurs de droite ont ainsi une bonne image de l'ancien Premier ministre, tout comme 41% des électeurs de gauche, selon le dernier baromètre de l'institut CSA, publié début août.
Son positionnement politique – il incarne la droite modérée – lui permet de s'attirer les faveurs d'une large partie de l'électorat de droite, mais aussi du centre. Réagissant à l'annonce de la candidature d'Alain Juppé, mercredi, le patron du MoDem, François Bayrou, a lui-même estimé que l'ancien Premier ministre est "quelqu'un de solide, courageux, respectable, qui peut faire du bien au pays".
A Bordeaux, ses soutiens soulignent également qu'il a été réélu triomphalement au premier tour de l'élection municipale, alors que la ville a voté à gauche lors des deux dernières présidentielles. Dans son entourage, certains veulent dès lors croire qu'Alain Juppé parviendra à engranger des voix à droite, au centre et même au PS, où des déçus du hollandisme pourraient se tourner vers lui en 2017.
Non, sa ligne politique divise l'UMP
"Avant d'aller chercher des voix au-delà de son camp, il faut déjà faire l'unanimité au sein de sa propre famille", persifle un député sarkozyste, joint par francetv info. Or, la ligne politique défendue par Alain Juppé est loin d'être partagée par l'ensemble des militants et des sympathisants UMP.
Fédéraliste européen, il est critiqué par les souverainistes. Modérés sur les sujets sociétaux et sécuritaires, il est tancé par les adeptes de la droite décomplexée. Favorable au maintien d'une digue à l'égard du Front national, il est désapprouvé par les adeptes de la "ligne Buisson"… "La droite tiède, ce n'est pas ce qu'attend aujourd'hui notre électorat", estime ce sarkozyste, qui souligne que "ce n'est d'ailleurs pas un hasard si à l'Assemblée, il suffit de savoir compter jusqu'à deux pour avoir le nombre de ses soutiens."
De fait, "son score à la primaire de l'UMP dépendra du corps électoral retenu, estime le politologue Yves-Marie Cann. Plus le corps électoral sera élargi, plus il lui sera, a priori, favorable."
Non, les échecs de sa carrière le poursuivent
Autre handicap pour Alain Juppé : sa carrière a été entachée par plusieurs échecs. Nommé chef du gouvernement par Jacques Chirac en 1995, il ne parvient pas à empêcher deux ans plus tard une dissolution de l'Assemblée nationale, qui provoque le retour de la gauche au pouvoir.
Par ailleurs, le casier judiciaire d'Alain Juppé n'est pas vierge. En 2004, la justice le condamne à quatorze mois de prison avec sursis, assortis d'une peine d'inéligibilité, dans l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris. Son avocat, Me Francis Szpiner, parle alors d'une "mort politique". Dix ans plus tard, Alain Juppé est bien vivant, mais l'épisode n'est pas oublié. En privé, Nicolas Sarkozy ne se fait d'ailleurs pas prier pour le rappeler : "Moi, je n'ai jamais été condamné !", grinçait-il début juillet, cité par Les Échos.
Non, il incarne l'ancienne génération
Surtout, Nicolas Sarkozy et ses proches estiment qu'Alain Juppé est trop vieux pour devenir président de la République. En 2017, l'ancien Premier ministre aura 71 ans. A la fin de son potentiel mandat, il en aurait 76. "A cet âge-là, on incarne le passé", raille un sarkozyste. "Qu'il se présente, il me rajeunit !", ironisait récemment Nicolas Sarkozy devant des proches.
Reste à savoir si cet argument pèsera le moment venu, dans un pays où la majorité du corps électoral a plus de 50 ans, et où l'électorat de droite est plus âgé que la moyenne…
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