Présidentielle : pourquoi François Bayrou fait-il durer le suspense ?
François Bayrou multiplie les signes mais retarde chaque jour l'annonce de son éventuelle candidature à l'élection présidentielle.
Ira ou ira pas ? Depuis quinze jours, François Bayrou fait durer le suspense sur son éventuelle candidature à l'élection présidentielle. Le président du MoDem a promis qu'il rendrait sa décision entre le 15 et le 20 février. En attendant, il gagne du temps et continue de semer des petits cailloux qui indiquent son envie de se lancer dans une quatrième course à l'Elysée.
"Je n’ai jamais été aussi mûr pour cette élection", a-t-il ainsi lâché sur France 3, dimanche 12 février, sans pour autant se lancer. "Sa décision n'est pas prise, car le cadre politique n'est pas défini", explique à franceinfo un proche du maire de Pau. "Le paysage est très fluctuant et la semaine va être décisive", ajoute le secrétaire général du MoDem, Marc Fesneau, joint par franceinfo. Entre l'envie présidentielle et la peur du vide, franceinfo tente de comprendre les hésitations de François Bayrou.
Parce qu'il attend le sort réservé à François Fillon
Dès le début des ennuis de François Fillon, François Bayrou s'est engouffré dans la brèche. Il a durement critiqué le candidat de la droite et lui a demandé de se retirer de la compétition. Dans le même temps, il a commencé à plancher sur un plan B en cas de retrait de l'ancien Premier ministre. "On pense qu'une décision de justice pour la suite de la procédure pourrait intervenir avant le 23 février [début de la période de recueil des parrainages], car la justice ne peut pas ignorer les implications politiques, souffle-t-on dans le camp du MoDem. Cette décision pourrait redessiner le paysage à droite."
La préférence de François Bayrou se porterait sur un rassemblement autour de la personne d'Alain Juppé, le candidat qu'il avait soutenu pendant la primaire de la droite. Le maire de Bordeaux a répété à plusieurs reprises qu'il refusait de faire office de recours, mais François Bayrou, qui reste en contact avec le finaliste de la primaire, pense que ce dernier n'aura pas le choix en cas de défection du candidat Fillon. "Les circonstances sont graves et Alain Juppé n'est pas du genre à se dérober", explique-t-on au MoDem.
Si Alain Juppé refusait d'être candidat ou si François Fillon se maintenait dans la course coûte que coûte, François Bayrou pourrait se lancer. "Je n'ai qu'une question à l'esprit : comment faire en sorte que la France s'en sorte ?" a-t-il déclaré solennellement sur France 3. Ni le financement ni les 500 parrainages "ne sont des obstacles", a également déclaré hier le Béarnais, qui prévoit une campagne sobre en cas de candidature. "On a l'expérience des campagnes présidentielles et on a le volume d'élus, donc ce n'est pas un sujet d'inquiétude", confirme Marc Fesneau.
Parce qu'il regarde l'évolution de la "bulle" Macron
L'évolution de la dynamique Macron peut également peser au moment du choix pour François Bayrou. En campagne depuis plusieurs semaines, le fondateur d'En marche ! occupe une large place au centre de l'échiquier, empiétant sur l'espace politique du maire de Pau. Les partisans de François Bayrou souhaitent donc observer les évolutions du côté de l'ancien ministre de l'Economie.
"François est prêt au rassemblement, mais pas dans n'importe quelles conditions", prévient Marc Fesneau. Le président du MoDem se méfie de certaines orientations politiques d'Emmanuel Macron, pointant du doigt "le flou" de son programme. Il critique aussi sa stratégie pour les législatives, avec le recrutement de candidats sur internet. Mais François Bayrou ne ferme pas pour autant la porte à un rapprochement, comme le prouvent ses propos sur France 3 : "Il a mon numéro de téléphone, j’ai le sien. Rien n’est impossible."
Parce qu'il craint d'être victime de la vague anti-"système"
Pour François Bayrou, la fenêtre de tir se révèle étroite et le risque de prendre la porte est réel. Avec les échecs de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé lors de la primaire de la droite et la défaite de Manuel Valls lors de la primaire de la gauche, les électeurs ont tendance ces derniers temps à éjecter les hommes d'expérience pour se tourner vers la nouveauté.
Mais officiellement, François Bayrou, 66 ans en mai prochain, ne s'inquiète pas. Pour s'en convaincre, il cite la théorie de "la sélection naturelle des espèces" de Darwin. "Il y a des espèces qui disparaissent et d'autres qui sont des espèces résistantes, je suggère que vous réfléchissiez si par hasard je n'appartiendrais pas à une espèce résistante", a-t-il lancé sur France 3.
Il n'empêche : pour l'instant, François Bayrou stagne entre 4% et 5% dans les intentions de vote. "Mais il n'est pas encore candidat, s'agace un fidèle lieutenant. Rien n'est encore joué, les élections se jouent généralement un mois avant le premier tour." Ses proches sont persuadés qu'une entrée en campagne lui permettra d'enclencher une dynamique, mais la manœuvre présente un risque.
Un candidat qui n'atteint pas les 5% au premier tour est durement touché au portefeuille, puisqu'il est remboursé au minimum pour ses frais de campagne – de quoi réfléchir à deux fois avant de se lancer. Pour ses proches, cependant, les hésitations de François Bayrou ne traduisent pas une crainte, mais simplement une nécessaire réflexion, comme l'assure Marc Fesneau.
S'il y a bien un truc qui est étranger à François Bayrou, c'est la peur. Il a passé suffisamment de temps sous la mitraille pour ne plus avoir peur.
Marc Fesneau, secrétaire général du MoDemà franceinfo
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