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Primaire écologiste : quelle stratégie pour les candidats en vue de la présidentielle ?

Les cinq candidats à la primaire écologiste assurent que la candidature verte ira jusqu'au bout. L'absence de rassemblement à gauche risque toutefois de compromettre leurs chances de victoire.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les candidats à la primaire écologiste, le 20 août 2022, à Poitiers (Vienne).  (HARSIN ISABELLE / NOSSANT / SIPA)

"Pour la première fois, la question se pose d'avoir une présidence écologique en France", a estimé le maire de Grenoble, Eric Piolle, lors du premier débat de la primaire écologiste, dimanche 5 septembre, diffusé sur France inter et franceinfo. Pendant près de deux heures, les cinq candidats ont pu échanger sur leurs programmes pour convaincre les sympathisants avant le premier tour (du 16 au 19 septembre). Il a été peu question de stratégie et d'alliances, mais les candidats verts assument leur ambition. "Nous allons gagner la présidentielle en rassemblant les Françaises et les Français autour d'un beau projet", a ainsi lancé Yannick Jadot.

"Nous devons être à la hauteur des défis qui sont devant nous."

Yannick Jadot

lors du premier débat de la primaire

"Ils n'avaient jamais dit ça, auparavant ils étaient généralement dans une candidature de témoignage", observe le politologue Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof de Sciences Po. Pour l'instant, la dynamique n'est toutefois pas visible dans les sondages. L'eurodéputé Yannick Jadot, seul candidat écologiste régulièrement testé, stagne depuis plusieurs semaines entre 7 et 11%, au coude-à-coude avec la socialiste Anne Hidalgo et le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, et très loin de Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Il est à seulement 10%, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria pour franceinfo publié vendredi.

Malgré le faible nombre d'inscrits pour leur primaire ouverte (environ 53 000 lundi au dernier comptage), les écologistes restent persuadés qu'un espace peut s'ouvrir pour une victoire surprise en mai. "Ils gonflent les muscles depuis les européennes de 2019, ils pensent que c'est leur tour. Avec un PS moribond, ils se voient comme le nouveau grand parti de gauche capable battre Macron au second tour, analyse encore Daniel Boy. Je ne sais pas s'ils y croient sincèrement, mais il faut admettre qu'entre les inondations, les tempêtes, les alertes du Giec... La conjoncture est de leur côté."

En ordre dispersé

Il paraît difficile de déjouer les pronostics des sondages avec quatre candidats de gauche sur la ligne de départ. Le futur vainqueur de la primaire écolo fera face au communiste Fabien Roussel, à la socialiste Anne Hidalgo qui doit bientôt officialiser sa candidature et à l'inévitable Jean-Luc Mélenchon, qui bat la campagne depuis près de dix mois.

L'ensemble des candidats écologistes assure cependant qu'il n'est pas question d'envisager cette fois un retrait au profit d'un autre candidat de gauche. "Il me paraît abracadabrantesque d'envisager que les Français ne puissent pas voter pour l'écologie", explique la candidate Delphine Batho. "Il faut discuter avec tous les partenaires de gauche bien entendu, il ne faut mépriser personne, ajoute Sandrine Rousseau. Mais il faut dire : 'si l'on sort des pesticides et des engrais chimiques en 5 ans, qui nous suit ?'"

"Il faut que l'écologie aille jusqu'au bout, qu'elle mène la course."

Sandrine Rousseau

à franceinfo

Tout comme Jean-Luc Mélenchon, les écologistes sont donc partants pour une alliance, mais derrière leur candidat. "Ils ne veulent pas revivre 2017 [quand Yannick Jadot s'est désisté au profit de Benoît Hamon], ça les a profondément traumatisés", estime Daniel Boy. Les écologistes espèrent donc rallier d'autres forces de gauche derrière eux. "La primaire est aussi une manière de planter le drapeau des verts dans le paysage politique, de sécuriser la candidature écolo et de la rendre irréversible", ajoute le politologue.

Point d'équilibre

Vers quel partenaire de gauche se tourner ? Sandrine Rousseau et Eric Piolle, présents dans le Drôme aux universités d'été de La France insoumise, revendiquent des points de convergence avec Jean-Luc Mélenchon. "Eric Piolle n'a aucune fracture idéologique avec personne à gauche, il travaille à être le point d'équilibre", explique l'entourage du maire de Grenoble. "Le PS n'est pas uniforme sur la question de la transformation écologique. De son côté, Jean-Luc Mélenchon porte quelque chose de l'ordre de la rupture, je ne suis pas d'accord avec tout, mais évidemment qu'il faudra discuter avec lui, ajoute Sandrine Rousseau. Moi j'assume être de gauche, je n'ai pas de problème avec ça."

Jean-Luc Mélenchon et Eric Piolle aux universités d'été de La France insoumise, le 7 août 2021, à Chateauneuf-sur-Isère, dans la Drôme. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)
"Je ne sais pas si c'est une bonne idée d'être le meilleur ami de Jean-Luc Mélenchon, raille-t-on dans l'entourage de Yannick Jadot. Mélenchon a des amis qu'il veut croquer, et on a jamais vu une alliance se faire autour de celui qui est le plus bas dans les sondages…" Les Insoumis ne cachent pas effectivement qu'une victoire d'Eric Piolle ou Sandrine Rousseau leur permettrait d'élargir leur espace politique. A l'inverse, les relations avec Yannick Jadot sont plus fraîches. "Jadot, ça n'est pas lui faire injure que de dire qu'il est plus sur une campagne compatible avec le PS", confie le député LFI Eric Coquerel au JDD.

Par son programme comme par ses déclarations, Yannick Jadot revendique un ancrage dans la gauche écologiste, mais ses déclarations passées lui collent à la peau. En 2019, il a fait campagne pour une "écologie de gouvernement", favorable à "la libre entreprise et à l'économie de marché". "Jadot incarne une écologie un peu plus entrepreneuriale, même s'il reste globalement très écolo", explique le politologue Rémi Lefebvre, professeur à l'université de Lille-2.

"Il y a toujours un soupçon de la part du parti et des adhérents vis-à-vis de Jadot sur le fait qu'il a au fond une sorte de complicité éventuelle avec le centre, quelque chose qui ne viendrait pas de la gauche…" explique Daniel Boy. En raison de cette méfiance, une majorité de cadres d'EELV penche pour la candidature d'Eric Piolle, selon le politologue. De son côté, Yannick Jadot se targue du ralliement de plusieurs parlementaires, le dernier en date étant l'ancien député LREM Matthieu Orphelin.

Une primaire par les sondages

La primaire écologiste permet aussi de faire entendre d'autres voix. Jean-Marc Governatori, qui revendique "le meilleur CV politique de France" se définit comme un écologiste centriste et espère rassembler largement les écologistes "de la gauche modérée à la droite modérée". "Mes quatre concurrents sont tous à gauche et ils veulent rassembler la gauche, mais le pays est clairement à droite", explique-t-il à franceinfo.

Delphine Batho, tout en faisant campagne sur le thème de la décroissance, refuse de rentrer dans les considérations sur l'union de la gauche. "L'écologie doit pouvoir s'adresser à tout le monde, pas seulement aux déçus de la gauche, mais aussi aux abstentionnistes, aux catégories populaires", explique-t-elle. "Elle est assez décalée, elle mélange l'écologie totale et un discours assez proche du Printemps républicain sur les questions de laïcité", observe le politologue Rémi Lefebvre.

Toutes ces nuances de vert compliquent un peu plus la question des alliances. Or, si la gauche concourt à la présidentielle avec quatre candidats, elle se condamne à jouer des rôles de figuration. "Sur un capital de gauche d'environ 25%, il n'y a pas de place pour plus de deux candidats", estime Rémi Lefebvre. Il est possible de voir des regroupements s'opérer, avec une primaire de gauche progressive par l'opinion, par les sondages, qui va durer des mois comme en 2016."

"C'est très problématique pour la gauche, déjà affaiblie idéologiquement et culturellement, qui va s'empêtrer pendant six mois dans ces questions d'alliance et de stratégie."

Rémi Lefebvre, politologue

à franceinfo

Les écologistes en sont donc réduits à espérer un ralliement des socialistes, des communistes ou des Insoumis derrière eux. C'est loin d'être gagné, "car certains responsables de gauche pensent que la présidentielle est perdue et jouent déjà le rapport de force pour les législatives", estime Rémi Lefebvre. La présidentielle est devenue une question de survie pour certaines formations politiques, à l'image du Parti communiste, comme l'admettent des cadres du PCF en privé.

Pour envisager des alliances autour du candidat écologiste, il faut d'abord que ce dernier soit en tête des sondages au sortir de la primaire. "On aura seulement quelques mois pour gagner la présidentielle et lorsque les sondages ont testé Eric Piolle, il était à seulement 2 ou 3%", souffle l'entourage de Yannick Jadot. Son équipe n'oublie pas non plus de communiquer sur le dernier sondage Ipsos qui donne Yannick Jadot comme le "meilleur candidat" pour 69% des sympathisants écologistes. Des chiffres qui ne signifient pas grand chose, selon Eric Piolle. "A trois semaines des primaires en 2016, Manuel Valls était quasiment à 50% et Alain Juppé aussi, a lancé le maire de Grenoble pendant le débat. La notoriété s'acquiert en quelques semaines." Pour la primaire, il lui reste une dizaine de jours.

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