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Traditions, convictions, millions… Qui est Henri de Castries, le grand patron recruté par François Fillon ?

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Henrie de Castries assiste au dernier meeting de François Fillon avant sa victoire à la primaire de la droite, le 25 novembre 2016. (HAMILTON / REA)

L'ultralibéral Henri de Castries, ancien patron d'Axa, a officialisé son entrée au sein de l'équipe de campagne de François Fillon.

"Cela fait longtemps que je connais François Fillon et, depuis les cinq années qu'il a passées à Matignon, je suis convaincu qu'il est capable d'apporter une réponse cohérente aux problèmes du pays." C'est par ces mots, confiés au Figaro mardi 17 janvier, qu'Henri de Castries a officialisé son engagement auprès de François Fillon. Tout sauf une surprise : les deux hommes s'apprécient depuis des années et partagent de nombreux points communs.

L'ancien PDG d'Axa, qui a quitté son poste début 2016 après dix-sept ans à la tête du groupe d'assurances, avait déjà été aperçu le 18 novembre lors du dernier meeting parisien de François Fillon avant le premier tour. La semaine suivante, il était carrément monté sur scène, lors du rassemblement de la porte de Versailles, au côté de son champion, qui allait être sacré deux jours plus tard.

François Fillon salue Henri de Castries lors d'un meeting à Paris, le 25 novembre 2016. (HAMILTON / REA)

François Fillon et Henri de Castries se connaissent depuis le milieu des années 1990. Le premier est alors ministre des Télécommunications du gouvernement Balladur ; le second, administrateur de France Télécom, le conseille à propos du projet d'ouverture du capital de l'entreprise publique. Au fil des années, leur amitié prend corps et ne sera jamais démentie.

Un catholique pratiquant issu de la noblesse

Outre l'âge (ils ont 62 ans tous les deux) et l'idéologie ultra-libérale, François Fillon et Henri de Castries ont également en commun une foi catholique bien ancrée. Dans la rue en 1984 pour défendre l'enseignement libre, Henri de Castries, catholique pratiquant, bat à nouveau le pavé en 2013, contre le mariage pour tous. "Il ne participera pas aux autres cortèges, désapprouvant la tournure prise par le mouvement", écrit Le Monde dans un long portrait publié mi-décembre.

L'intéressé, qui soutient financièrement le mouvement scout, ne cache pas ses convictions religieuses. Des convictions qui lui inspirent cette devise de vie, d'après Le Point : "Le but de la vie, ce n'est ni le plaisir ni même le bonheur. C'est le bien."

Je suis catholique, et fier de l'être. Et alors ? De quel droit viendrait-on me chercher dans ma sphère privée ? Et puis je ne suis ni intégriste, ni une grenouille de bénitier. Les sectaires sont de l'autre côté, de celui qui instruit des procès d'intention.

Henri de Castries

dans "Le Figaro"

"Porter le nom que je porte me donne des devoirs, mais aucun droit", disait-il en 1998 dans Le Point. Né en 1954 dans une famille de la noblesse, le comte Henri de La Croix de Castries, qui a épousé l'une de ses cousines éloignées, compte dans son arbre généalogique une ribambelle d'aïeux remarquables : des militaires, des ministres, La Fayette, ou encore le marquis de Sade. Mais aussi le vicomte de Noailles, député qui vota en 1789 l'abolition des privilèges dans "un moment d'égarement", plaisante Henri de Castries dans les colonnes du Monde.

Blague sérieuse ou non, Henri de Castries pourrait en tout cas observer l'attitude inverse si François Fillon remporte la présidentielle et s'il venait alors à prendre des responsabilités. Comme ministre de l'Economie et des Finances, poste qui pourrait lui échoir, il se retrouverait alors à porter la suppression de l'impôt sur la fortune – c'est une promesse de campagne du candidat de la droite – alors que lui-même y est assujetti. Il possède notamment un château dans le Maine-et-Loire, dont il ouvre le jardin au public en été, mais aussi un hôtel particulier près du boulevard Saint-Germain, dans les beaux quartiers de Paris, et surtout près de 45 millions d'euros d'action Axa. Un possible conflit d'intérêts, quand on sait que la réforme de la Sécurité sociale proposée par François Fillon envisage de donner plus d'importance aux mutuelles ? "Il existe des solutions simples pour confier la gestion de ces actions à des tiers", assure-t-il.

Dans la même promo que Hollande à l'ENA

Sa réussite, Henri de Castries dit ne la devoir qu'à lui-même. "Mon patrimoine n'est pas un héritage. C'est le fruit de mon travail", plaide-t-il dans Le Figaro. "Riton" – c'est son surnom – a suivi un parcours modèle. Après sa scolarité, de l'école au lycée, à l'établissement privé catholique Saint-Jean-de-Passy, dans le 16e arrondissement de Paris, il fait HEC, puis l'ENA, dans la très célèbre promotion Voltaire, celle des François Hollande, Ségolène Royal, Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet, Dominique de Villepin… Il en sort deuxième de la voie économique, entre dans l'inspection des finances, puis à la direction du Trésor.

Henri de Castries au côté de ses camarades de la promotion Voltaire à l'ENA. (REA)

Henri de Castries aurait pu poursuivre une brillante carrière de haut-fonctionnaire, voire se lancer en politique, comme l'y incitait son grand-père. Il restera certes conseiller municipal d'Abitain, un minuscule village des Pyrénées-Atlantiques, pendant dix-huit ans (de 1983 à 2001), mais c'est une autre voie qu'il choisit. En 1989, recruté par le PDG de l'époque, Claude Bébéar, il rejoint la direction d'Axa, qui n'est pas encore le mastodonte de l'assurance qu'on connaît aujourd'hui. Mais dans l'ombre de Bébéar, Henri de Castries va justement jouer un rôle-clé dans l'absorption de l'UAP, alors numéro 1 français du secteur, en 1996. L'opération donne naissance au leader mondial de l'assurance. Quatre ans plus tard, le dauphin devient à son tour PDG.

C'est un homme de dialogue qui a des idées très arrêtées, un patron directif à dimension sociale évidente. Il a la fibre sociale, pourvu qu’on partage son point de vue ultralibéral.

Un syndicaliste CFDT

dans "Le Monde"

Evidemment classé à droite, il refuse en 2007 le portefeuille de Bercy que lui propose Nicolas Sarkozy. Bien lui en a pris, car le patron déchante très vite devant la tournure prise par le quinquennat. C'est toutefois au président sortant qu'il accorde son vote en 2012, non sans avoir soutenu de quelques milliers d'euros la campagne de François Hollande lors de la primaire socialiste. Par amitié, et non par adhésion.

Un pin's décroché après 27 ans

Mais c'est de François Fillon qu'Henri de Castries va se rapprocher. Nommé président du groupe Bilderberg en 2012 – ce club fermé rassemble des personnalités américaines et européennes influentes –, il invite l'année suivante l'ancien Premier ministre lors de la réunion annuelle du groupe, à Londres. Les deux hommes ne se quittent plus. Henri de Castries rend régulièrement visite à François Fillon dans son château de Sablé-sur-Sarthe. Et inspire le programme libéral de celui qui vise la présidentielle de 2017.

Lorsqu'Henri de Castries, l'un des patrons les mieux payés du CAC40 avec plus de 5,4 millions d'euros en 2015 selon Proxinvest, annonce en mars 2016 sa démission de la présidence d'Axa (deux ans avant la fin de son mandat), la surprise est totale. On lui prête alors la volonté de prendre la tête du géant britannique de la banque HSBC. Mais il n'en est rien : il se contentera de diriger l'Institut Montaigne, un think-tank libéral à la tête duquel il a succédé un an plus tôt à… Claude Bébéar. Le 31 août, pour son dernier jour comme PDG, une page se tourne : il décroche le pin's Axa qu'il avait fixé en 1989 au revers de sa veste. Six mois plus tard, il confie au Monde : "Cela m'a fait un drôle d'effet. Je l'avais porté tous les jours pendant vingt-sept ans." A la place, il arbore désormais sa Légion d'honneur.

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