Elections régionales : "On assiste à une quadripartition de l'espace politique"
Pour le sondeur Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut Ipsos, l'espace politique français est en train de connaître un morcellement inédit, entre le FN, la droite, le PS et la gauche du PS.
De quelle couleur la France sera-t-elle au soir des élections régionales, le 13 décembre prochain ? Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria pour France 3, publié vendredi 6 novembre, la droite pourrait arriver nettement en tête du premier tour, les listes LR-UDI-MoDem recueillant 32% des intentions de vote. Le FN serait la deuxième force politique du pays (26%), les listes du Parti socialiste n'arrivant qu'en troisième position (20%).
Pour analyser cette enquête, francetv info a interrogé Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut Ipsos.
Francetv info : Du point de vue des sondages, que faut-il retenir de ce début de campagne ?
Brice Teinturier : Le premier enseignement qui ressort de notre enquête, c’est l'affaiblissement considérable de la gauche, aussi bien dans son volume que dans sa cohésion interne. On assiste aujourd'hui à une quadripartition de l’espace politique.
On se retrouve avec un bloc de gauche à peu près comparable à celui des européennes et des départementales, c'est-à-dire avec une dispersion des voix très forte. Les listes du Front de gauche, comme les listes écologistes, viennent de plus en plus s’opposer au PS, qui gravite désormais autour des 20%.
La droite n’est pas dans une excellente forme non plus, mais elle reste, malgré tout, largement en tête au premier tour. Elle devrait atteindre les 32%, alors qu'elle récoltait près de 40% des intentions de vote aux précédentes élections. Elle se retrouve aujourd'hui concurrencée par le Front national, qui a triplé son résultat par rapport aux élections régionales de 2010, puisqu'il passerait de 9% à 26%.
On assiste aussi à un "vote sanction" vis-à-vis du gouvernement : selon votre sondage, près de 55% des sondés voteraient contre François Hollande.
Le vote sanction est effectivement très présent, mais il l'était déjà aux européennes, aux municipales, ainsi qu'aux départementales. L'enracinement local de certaines personnalités avait alors permis d'atténuer l’effet de ces votes de sanction.
C'est moins le cas lors d'élections régionales, où l'on se retrouve avec un modèle classique d'élections, davantage instrumentalisées et nationalisées, et qui permettent dès lors plus facilement l’expression d’un vote de sanction massif. Après, il y a d’autres éléments qui interviennent : le chômage, l'impôt, les taxes, le contexte politique, l'insécurité…
Ce mécontentement général n'est-il pas aussi lié à la fusion des régions, qu'une majorité de Français perçoit négativement ?
La fusion des régions n’est pas massivement rejetée, mais elle vient s'ajouter à la liste des mécontentements. Les arguments mis en avant par les gouvernements, comme la question des déficits, pèsent finalement très peu. Et, à l’inverse, la crainte d’un affaiblissement de l’identité régionale obtient des scores élevés d’adhésion.
Les Français ne se retrouvent pas dans ces grandes régions. Ils ont davantage de craintes. Vient s'ajouter à cela la question des nouvelles capitales, qui est elle aussi source de nombreuses frustrations, car naît conjointement l’idée qu’il y aura forcément des perdants et des gagnants… La capitale, c'est l'identité de la région elle-même. Avec la réforme, il est difficile de satisfaire la totalité des habitants.
On a l’impression que les Français interrogés ne connaissent pas le bilan des conseillers sortants. La région est une entité territoriale méconnue ?
Il apparaît clairement que le lien entre les électeurs et l'institution régionale n’est pas si évident que ça. Ce qui n’est pas bon pour les socialistes sortants ! Beaucoup de sondés estiment ne pas détenir suffisamment d'informations pour dresser le bilan de leurs élus. La région reste perçue comme une institution opaque. Les Français discernent mal ses domaines de compétences et ses actions quotidiennes. Les grandes compétences sont, elles, intériorisées, notamment en termes de développement économique, mais la région apparaît encore beaucoup trop comme administrative.
Et quand viendra l'heure de se rendre aux urnes, si les électeurs ont le sentiment de ne pas pouvoir influer sur leur quotidien, ils ne jugeront pas nécessaire de se déplacer. On relève un taux de mobilisation extrêmement faible de 40% – qui devrait probablement évoluer –, qui témoigne d’un lien assez distancé à l’égard de l'institution régionale.
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