ENQUETE FRANCETV INFO. Régionales : derrière la parité, les femmes condamnées aux seconds rôles
A gauche comme à droite, la plupart des chefs de file pour les régionales sont des hommes. Selon le décompte de francetv info, les femmes sont aussi très peu nombreuses à mener des listes départementales.
Officiellement, les élections régionales des 6 et 13 décembre seront parfaitement paritaires : et pour cause, chaque liste doit être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Mais derrière cette façade se cache une réalité : les femmes restent condamnées à jouer les seconds rôles. Notre enquête montre qu'elles ne sont que très rarement mises en avant par les appareils politiques.
Les femmes, éternelles numéros deux ?
Pour porter leurs couleurs au niveau régional, la plupart des grands partis ont en effet misé sur des hommes. Selon notre décompte, sur les 132 listes déposées en métropole, lundi 9 novembre, seules 28 sont menées par des femmes (21,2%). Dans le détail, c'est en Bourgogne que l'on retrouve le plus de parité (avec cinq femmes sur dix têtes de liste), tandis que la Corse est en queue de peloton (avec une seule femme sur douze têtes de liste).
Chez les Républicains, seulement deux femmes sont têtes de liste, sur 13 régions métropolitaines. Et la bataille est loin d'être évidente pour ces deux exceptions : Virginie Calmels ne part vraiment pas favorite en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, tandis que l'issue du scrutin est encore incertaine pour Valérie Pécresse en Ile-de-France.
C'est à peine plus au PS et au FN, qui comptent chacun trois candidates. A noter, cependant, que les chefs de file frontistes sont bien placées pour accéder au pouvoir : Marine Le Pen pourrait remporter le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et une victoire de Marion Maréchal en Provence-Alpes-Côte d'Azur est aujourd'hui envisageable. Selon notre enquête, seul un parti fait figure d'exception : Europe Ecologie-Les Verts, où les femmes sont majoritaires (sept candidates, cinq candidats).
"Il faut des femmes pionnières"
Mais, au-delà de ces têtes d'affiche – vouées à présider l'exécutif en cas de victoire –, les disparités persistent aussi lorsqu'on y regarde de plus près. Parmi les têtes de listes départementales figurent seulement 31,6% de femmes au PS, 27,4% chez les Républicains et à peine 13,7% au FN. "Ce n'est pas une volonté du parti, assure à francetv info Agnès Tarraso, la tête de liste frontiste en Corrèze, la seule du parti en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. Ce sont surtout les secrétaires départementaux du FN qui sont têtes de liste. Et, en majorité, ce sont des hommes qui occupent ces postes."
Logique, donc, mais, d'après elle, les femmes sont peut-être aussi "un peu plus frileuses" : "Il faut pouvoir s'affirmer, s'imposer." "Nous sommes nos propres ennemies, abonde Nathalie Lanzi, la tête de liste PS dans les Deux-Sèvres, là aussi la seule dans la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. On se met peu en avant sur des élections. Il faut des femmes pionnières, il faut casser ces codes et avancer."
Une femme aura peu souvent tendance à dire 'je suis capable de conduire une liste'.
"La parité, ce n'est pas une femme derrière un homme"
A l'inverse du FN et du PS, les Républicains ont opté, dans cette grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, pour la parité des têtes de liste départementales : six femmes et six hommes. "La parité, ça ne consiste pas à placer une femme derrière un homme", martelait leur chef de file régionale, Virginie Calmels, au moment de présenter ses troupes en septembre.
"Elle a voulu faire la parité, c'est une bonne idée", salue Sébastien Huyghe, porte-parole national des Républicains. Elle fait pourtant figure d'exception dans son camp : dans le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées voisin, on ne recense aucune femme parmi les têtes de liste de Dominique Reynié. "D'autres candidats ont peut-être moins eu cette velléité, concède Sébastien Huyghe. Les têtes de liste régionales travaillent avec les élus locaux et s'attachent à sélectionner ceux qui pouvaient attirer le plus de voix."
Forcément, on prend des gens qui sont connus. Ce serait bizarre de mettre une femme si elle ne l'est pas.
La "vraie bataille", celle des exécutifs ?
Pour Christophe Borgel, le spécialiste des élections au Parti socialiste, la "vraie bataille" est ailleurs. "On aurait pu avoir autant de femmes que d'hommes têtes de liste départementales, mais ce n'est pas cela qui est décisif, commente-t-il. Le vrai sujet, c'est de savoir combien de femmes dirigent des exécutifs importants." Et de citer en exemple l'investiture accordée par le PS à l'ancienne secrétaire d'Etat Carole Delga, bien placée en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
Il le reconnaît, "le chemin est encore long", mais les femmes seront tout de même aussi nombreuses que les hommes dans les hémicycles des prochains conseils régionaux. Surtout, elles seront aussi nombreuses à assumer des postes de vice-présidentes, mais lesquelles ? Après les dernières départementales, comme le montrait une enquête de francetv info, une grande majorité de femmes était restée cantonnée aux thématiques de l'enfance ou de la famille. Les stéréotypes ont la vie dure.
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