Elections sénatoriales : l'article à lire pour comprendre le scrutin du 24 septembre

Article rédigé par Léonie Bayon, franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8 min
Une séance de questions au gouvernement, le 16 novembre 2022, au Sénat, à Paris. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Comme tous les trois ans, le Sénat est renouvelé de moitié. L’occasion de se pencher sur le fonctionnement de cette institution dont le rôle est majeur dans la fabrique des lois.

Vous vous souvenez peut-être du jeu de ping-pong entre l'Assemblée nationale et le Sénat qui a émaillé l'examen de la réforme des retraites ? Si les éclats des députés dans l'Hémicycle ont marqué les esprits, le rôle des sénateurs n'en a pas moins été déterminant pour faire adopter le texte. Le Sénat est une nouvelle fois sous le feu des projecteurs puisque les élections sénatoriales se déroulent le 24 septembre. Mais au fait, à quoi sert le Sénat ? Quels sont les enjeux du prochain scrutin ? Comment sont élus les sénateurs ? Franceinfo vous explique tout.

Le Sénat, à quoi ça sert ?

Avec l'Assemblée nationale, le Sénat compose le Parlement français. Tous deux sont codétenteurs du pouvoir législatif. Les deux chambres ont des attributions communes : comme l'Assemblée, le Sénat examine et propose des textes de loi, vérifie leur application et contrôle l'action du gouvernement.

Pour autant, le Sénat dispose de moins de pouvoirs que l'Assemblée nationale. Ainsi, en cas de désaccord entre les deux chambres sur l'examen d'une loi, c'est l'Assemblée qui a le dernier mot. En outre, le Sénat n'a pas la possibilité de mettre en cause la responsabilité du gouvernement, et donc de le renverser, prérogative réservée à l'Assemblée nationale. En contrepartie, le Sénat ne peut pas être dissous par le président de la République.

Alors que les députés élus à l'Assemblée nationale (aussi appelée "chambre basse") représentent la nation tout entière, le Sénat (ou "chambre haute") "assure la représentation des collectivités territoriales", selon l'article 24-4 de la Constitution. C'est ce qui explique que les projets de loi concernant l'organisation des collectivités territoriales doivent impérativement être examinés en premier par le Sénat.

Qui peut voter aux sénatoriales ?

Les sénateurs sont élus pour six ans, mais des élections sont organisées tous les trois ans, car seule la moitié des sièges est renouvelée lors de chaque scrutin.

Alors que les députés sont élus au suffrage universel direct, c'est-à-dire par tous les Français inscrits sur les listes électorales, les sénateurs sont désignés au suffrage universel indirect, par un collège électoral de 162 000 "grands électeurs" eux-mêmes choisis par les quelque 520 000 élus locaux que compte le pays. Le vote est obligatoire sous peine d'une amende de 100 euros.

Parmi ces 520 000 électeurs figurent des députés, des sénateurs, des conseillers départementaux et régionaux, mais surtout des délégués des conseils municipaux qui représentent près de 95% des votants.

Qui est majoritaire au Sénat ?

Composé de 348 sénateurs, le Sénat est présidé depuis 2014 par Gérard Larcher. L'élu du parti Les Républicains y incarne la force de la droite traditionnelle, majoritaire depuis les années 1970 presque sans interruption.

Forts de leurs 145 sièges, Les Républicains dominent largement l'hémicycle sortant, loin devant le groupe Socialiste, écologiste et républicain (64 sièges), dont les sénateurs sont principalement issus du Parti socialiste. Le groupe Union centriste possède 57 sièges tandis que les sénateurs Renaissance sont à la peine, avec seulement 24 sièges.

Quelles sont les chances d'Emmanuel Macron ?

Le 24 septembre, l'enjeu est de taille pour Emmanuel Macron. Renaissance et ses 24 sièges n'ont que peu l'occasion de peser dans les débats au Sénat. Pour la réforme des retraites, le gouvernement a pu compter sur le soutien des Républicains, mais le gouvernement ne peut se reposer indéfiniment sur la droite. Mais le parti macroniste risque d'avoir du mal à glaner de nombreux nouveaux sièges. Une nouvelle fois, Les Républicains apparaissent comme les grands favoris de ce renouvellement partiel. L a gauche, elle, ne semble pas en mesure de prendre le contrôle du Sénat.

En effet, le mode de scrutin, qui surreprésente les petites communes, favorise structurellement la droite. Cette année, le vote reposera en grande partie sur les résultats des élections municipales de 2020 qui, comme en 2014, avaient fait la part belle aux partis traditionnels, droite en tête. La déroute de Renaissance aux dernières municipales ne devrait pas permettre à Emmanuel Macron de gagner beaucoup de sièges. D'autant qu'Edouard Philippe et son parti Horizons pourraient être tentés de faire cavalier seul en septembre. Les Républicains, qui remettent en jeu 65 sièges, espèrent en récupérer au moins une soixantaine, selon Le Figaro.

Comment se déroule le scrutin ?

Pour le renouvellement du Sénat par moitié, les départements français sont répartis en deux séries. En 2020, les 178 sénateurs représentant les départements de la série 2 voyaient leur mandat s'achever et leur siège remis en jeu. Cette année, ce sera au tour des 170 sénateurs de la série 1 d'être remplacés ou réélus. Les départements concernés vont du 37 (Indre-et-Loire) au 66 (Pyrénées-Orientales), auxquels s'ajoutent les huit départements d'Ile-de-France, six territoires d'outre-mer et six sièges pour les sénateurs des Français à l'étranger. Sur les 162 000 "grands électeurs", seuls 78 000 seront donc appelés à voter.

Les élections sénatoriales combinent par ailleurs deux modes de scrutin différents. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours est utilisé dans les départements faiblement peuplés, où il y a un ou deux sénateurs à désigner. Dans les départements où doivent être élus trois sénateurs et plus, un scrutin proportionnel de liste à un seul tour s'applique.

Pour être candidat, il faut cocher quelques conditions : d'abord avoir 24 ans (contre 18 ans pour être candidat aux législatives) ; ensuite être éligible, jouir de ses droits civils et politiques et ne se présenter que dans une seule circonscription. Par ailleurs, depuis la loi du 14 février 2014 sur le cumul des mandats, un sénateur ne peut pas être maire ou président d'un conseil régional ou départemental. Si un sénateur est élu pour deux mandats, il doit en choisir un et renoncer à l'autre.

Pourquoi le président du Sénat est-il important ?

Cette année, Gérard Larcher brigue un nouveau mandat. Elu pour la première fois en 1986, le sénateur des Yvelines achève son quatrième mandat de président du Sénat et devrait se représenter à sa propre succession. Gérard Larcher s'est imposé comme l'homme fort de la chambre haute. C'est lui qui dirige le bureau du Sénat et la Conférence des présidents, qui fixe le programme des séances plénières.

Mais il est aussi parfois considéré comme le troisième personnage de l'Etat, car le président du Sénat assure automatiquement l'intérim en cas de vacance de la présidence de la République, "pour quelque cause que ce soit", selon la Constitution. Un cas de figure qui ne s'est produit qu'à deux reprises : Alain Poher avait occupé le poste de président par intérim en 1969 après la démission de Charles de Gaulle puis en 1974 après la mort de Georges Pompidou. Il avait occupé le poste quelques semaines, le temps d'organiser une nouvelle élection présidentielle.

Combien sont payés les sénateurs ?

Un sénateur perçoit une indemnité mensuelle brute de 7 493,30 euros, avec une indemnité parlementaire de base de 5 820,04 euros, une indemnité de fonction de 1 498,66 euros et une indemnité de résidence de 174,60 euros. Somme à laquelle s'ajoute une indemnité supplémentaire pour tout sénateur exerçant une fonction particulière, allant de 734,34 euros à 4 361,10 euros. Gérard Larcher, en tant que président du Sénat, touche lui 7 448,34 euros supplémentaires.

Les sénateurs ont aussi droit à une avance pour frais de mandat (AFM) de 5 900 euros chaque mois pour couvrir les frais liés à l'exercice de leur profession. A cela s'ajoutent 6 000 euros sur trois ans pour les frais de matériel informatique, 1 200 euros pour les frais d'hébergement des sénateurs non élus à Paris et 675 euros supplémentaires pour les sénateurs exerçant une fonction particulière.

Cette avance est contrôlée par le Comité de déontologie parlementaire, qui s'assure que les frais pris en charge soient raisonnables et présentent un lien direct avec le mandat parlementaire. Ils ont par ailleurs droit à des forfaits de téléphone et un accès gratuit au réseau SNCF en 1re classe et 40 allers-retours aériens par an entre Paris et leur circonscription.

Ces derniers mois, leur régime de retraite a été épinglé. Alors que les députés sont alignés sur le régime de la fonction publique d'Etat, les sénateurs disposent d'un régime spécial depuis 1905. Et ce régime autonome n'a pas été modifié par la récente réforme des retraites. Grâce à une caisse largement excédentaire, selon Mediapart, un sénateur percevrait une pension mensuelle net moyenne de 4 400 euros.

Bénéficient-ils d'un statut particulier ?

Comme les députés, les sénateurs bénéficient de certaines garanties liées à l'exercice de leur fonction. Ils bénéficient d'abord d'une immunité parlementaire, prévue par l'article 26 de la Constitution : "Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions." Ce principe d'"irresponsabilité" est doublé d'un principe d'"inviolabilité" : un sénateur peut être poursuivi par la justice mais il ne peut être soumis à des mesures privatives ou restrictives de liberté, à moins que son immunité ne soit levée par le bureau du Sénat.

Je n'ai pas eu le temps de tout lire, vous pouvez me faire un résumé ?

Dimanche 24 septembre, 78 000 "grands électeurs" désignés par les élus locaux devront élire 170 sénateurs pour six ans, afin de renouveler de moitié la chambre haute du Parlement. Le Sénat, largement dominé par Les Républicains jusqu'ici, ne devrait pas connaître de grands bouleversements et la droite devrait y rester majoritaire.

Le Sénat a acquis une forte médiatisation à l'occasion de la réforme des retraites, grâce au rôle pivot qu'il a joué dans l'adoption du texte. Même s'il dispose de pouvoirs moindres que l'Assemblée nationale, le Sénat vote les lois et contrôle l'action du gouvernement.

Sans majorité absolue à l'Assemblée, le camp présidentiel devrait accorder une grande attention aux résultats des élections sénatoriales, sans pour autant espérer y progresser de manière significative.

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