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Pourquoi 22 des 36 députés élus au premier tour sont socialistes

Jusqu'à présent, la droite était mieux élue au premier tour. Pas cette année. Pierre Bréchon, professeur à Sciences Po Grenoble, nous explique pourquoi.

Article rédigé par Floriane Louison
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre réélu député au premier tour à Nantes (Loire-Atlantique). (STEPHANE MAHE / REUTERS)

Trente-six députés ont été élus dès le premier tour des élections législatives dimanche 10 juin. Ils ont raflé la majorité absolue en une seule fois. Fait rare, on compte 22 socialistes parmi eux. Les élections passées donnaient auparavant l'avantage à la droite au premier tour. 

• 2007, 2002, 1997 : les élus du premier tour majoritairement à droite

En 2007, 110 députés - presque le quart de l'Hémicycle - sont accueillis à l'Assemblée nationale à l'issue du premier tour. Perdu dans la troupe, Michel Lefait est le seul et unique représentant du Parti socialiste. C'est un invincible qui brigue aujourd'hui son quatrième mandat de député de la 8e circonscription du Pas-de-Calais.

En 2002, c'est un peu mieux, mais tout juste. Sur 58 députés élus au premier tour, on compte deux socialistes. Quant aux élections de 1997, elles battent tous les records : aucun des candidats du PS n'est élu au premier tour. 

• Pourquoi la droite a-t-elle été favorisée jusque-là ?

"La droite a plus de bastions forts, plus de circonscriptions imprenables, analyse Pierre Bréchon, professeur à Sciences Po Grenoble et spécialiste des élections. Un avantage qu'on peut expliquer par le découpage électoral."  Charles Pasqua a dessiné en 1986 ces circonscriptions, remaniées par la droite en 2009. Depuis, on accuse régulièrement ce découpage d'être défavorable à la gauche.

La réalité, encore une fois, est plus complexe. "Prenez l'exemple de la première circonscription de l'Isère : il y a une vingtaine d'années, elle a été taillée aux mesures d'Alain Carignon, candidat du RPR." Mais ce week-end, c'est la socialiste et ministre de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, qui est arrivée en tête. La droite est mise à mal dans une circonscription faite pour elle. "La tendance s'est renversée car la sociologie de ce territoire a évolué et la droite s'est divisée", précise le chercheur. 

• Une prime aux ministres

Au-delà du découpage électoral, il faut prendre en compte les stratégies des électeurs. Reprenant l'exemple de la 1re circonscription de l'Isère, le chercheur note : "Voter Geneviève Fioraso, c'est aussi voter pour une ministre. Et avoir une ministre pour député, c'est l'assurance d'être un peu mieux servi", continue Pierre Bréchon. La victoire porte la victoire. "A se demander si François Hollande n'a pas désigné des ministres candidats aux législatives pour peser sur le scrutin", s'interroge le chercheur.  

• Le gagnant de la présidentielle est celui des législatives

Depuis 2002, les élections présidentielle et législatives se suivent et les secondes sont marquées par une forte abstention. "Les électeurs sont lassés. Surtout dans le camp du perdant. Résultat, ce sont surtout les électeurs du parti au pouvoir qui se mobilisent." En 2007, c'est flagrant : l'effet Sarkozy donne des ailes aux électeurs. En un seul scrutin, 109 députés UMP gagnent leur place à l'Assemblée nationale. 

"Second mécanisme : le vote de l'électorat centriste", termine Pierre Bréchon. Ces électeurs modérés qui ne veulent pas paralyser le pays en votant pour l'opposition et veulent laisser sa chance au parti au gouvernement. "Même si ce n'est pas leur choix de cœur, aux législatives ils font un choix de raison."

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