Enfin comprendre la Renaissance, au Louvre-Lens
Des grands noms (Vinci, Dürer...), 250 œuvres, un sujet essentiel dans l'histoire de l'art : le Louvre-Lens ouvre ses portes avec une fascinante exposition sur les arts en Europe de 1400 à 1530.
C’est l'une des périodes charnières de l’art occidental, l’une des plus appréciées aussi… mais pas toujours bien comprise. Que s’est-il passé de si fondamental pendant la Renaissance ? La première exposition temporaire présentée par le Louvre-Lens répond à la question de façon magistrale en convoquant les plus illustres maîtres de l’époque et une foule d’œuvres variées (peintures, gravures, dessins, sculptures…).
La Renaissance, ou comment avancer en regardant en arrière
Pourquoi une renaissance plutôt qu'une simple naissance ? Parce que le mouvement s’appuie sur une relecture de textes antiques grecs et romains entre le XVe et le milieu du XVIe siècle. Les intellectuels de l’époque, comme le poète italien Pétrarque, sont convaincus qu’en se réappropriant la pensée et les idéaux des Grecs et des Romains, il sera possible de passer d’un âge obscur (en gros, le Moyen Age) à un âge moderne.
C’est parce que la pensée antique devient à nouveau si importante que des dieux grecs ou romains font leur réapparition dans l’art de la Renaissance, plusieurs siècles après la fin de leurs cultes. Pensez à La Naissance de Vénus de Botticelli, par exemple, un tableau qui rend hommage à une déesse qui n’était plus glorifiée depuis longtemps !
L’homme portraituré ici…
... ou ici, vous dit peut-être quelque chose.
Ce penseur invariablement concentré sur ses écritures n’est autre que Desiderius Erasmus Roterodamus (alias Erasme, 1467-1536). Écrivain, théologien, épistolier infatigable, lecteur des textes antiques (il maîtrise parfaitement le latin et le grec), Erasme est l’archétype de l’intellectuel humaniste, curieux de tout, qui invite l’homme à penser par lui-même. Grâce à lui et à d’autres lettrés, un nouvel idéal se fait jour : celui de la connaissance. En s’inspirant de l’humanisme, les artistes vont se changer en scientifiques soucieux d’interroger le monde qui les entoure de manière rationnelle.
L'apparition du corps
Observez ce tableau.
Il aurait été impossible à un artiste du Moyen Age de le réaliser car à l’époque, le nu était prohibé. Or ici l’Italien Le Pérugin montre non seulement des corps, mais des corps crédibles. Les figures mythologiques qu’il convoque (le dieu Apollon, debout, et le satyre Marsyas) ne sont pas idéalisées mais humaines. Remarquez la pose du dieu, appelée "contrapposto" (le corps s’appesantit sur une des deux jambes, l’autre étant légèrement fléchie) : elle reproduit une posture très naturelle du corps humain. Ici, les muscles, les proportions anatomiques sont scrupuleusement respectés. Pour en arriver là, il a fallu que les artistes transgressent deux tabous : reproduire des modèles nus, mais également pratiquer des dissections. On sait par exemple que Michel-Ange étudiait "en profondeur" des cadavres non réclamés dans un hôpital de Florence.
Ce tableau-ci, même si aujourd'hui il ne nous paraît pas révolutionnaire, aurait aussi été impensable quelques siècles plus tôt.
Et pour cause : la peinture représentait au Moyen Age essentiellement des figures divines. Or, durant la Renaissance, le dieu n’est plus le seul sujet de préoccupation des artistes, l’homme devient digne d’intérêt. Les intellectuels, les riches commerçants, les princes, se font couramment tirer le portrait.
La découverte de l'espace
La grande innovation de la Renaissance ? Elle apparaît clairement dans ce dessin de Raphaël.
Il s’agit ni plus ni moins de la perspective. La Vierge, l'ange ne flottent plus dans les airs, mais apparaissent dans des décors réalistes qui donnent l’illusion de la profondeur. Les artistes italiens ont recours à une méthode scientifique pour rendre la perspective : ils dessinent une "ligne d’horizon" vers laquelle vont converger des "lignes de fuite", que l’on voit apparaître ici sur le sol. Plus les éléments qu'ils intègrent s’éloignent, plus ils deviennent petits. Cette méthode sera utilisée pendant plus de cinq siècles avant que d’autres peintres (Picasso, Cézanne), ne changent à nouveau la donne.
Voici un autre exemple magistral de rendu de la perspective… à ceci près que l’œuvre n’a pas été créée en Italie mais à Bruxelles par le peintre flamand Rogier van der Weyden (1399/1400-1464). Si la Renaissance s’est principalement épanouie entre Rome, Florence et Venise, d’autres régions européennes (les Flandres, l’Allemagne) sont aussi touchées par ce renouveau dans les arts.
Une nouvelle technique pour "enfumer" le spectateur
Un dernier apport considérable de la Renaissance ? Tentez de le deviner en observant ce tableau de Vinci.
Un indice : regardez attentivement les contours des montagnes dans le lointain : ils sont flous ! Léonard de Vinci perfectionne la technique dite du "sfumato", un terme qui signifie en italien "nuancé", "vaporeux" et qui permet de rendre des transitions de tons si subtiles qu'elles en deviennent imperceptibles. Comment procédait le génie italien ? Il superposait les unes sur les autres des couches de peinture à l’huile très fines, de l'ordre d'1 à 2 micromètres (un millième de millimètre), qui atteignent au final pas plus de 30 à 40 micromètres ! Voilà ce qui confère aux œuvres du maître tout leur mystère, et à de nombreux tableaux de la Renaissance leur beauté.
Infos pratiques
"Renaissance. Révolutions dans les arts en Europe, 1400-1530"
Jusqu’au 11 mars 2013
rue Paul-Bert, Lens (Pas-de-Calais)
Tél. : 03 21 18 62 62
A noter : si vous vous rendez à Lens en train, une navette, gratuite la première année, dessert le musée depuis la gare.
Tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 18 heures. Nocturne jusqu'à 22 heures le premier vendredi du mois
8 euros / 9 euros
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