Une enquête lancée sur des biberons stérilisés avec un gaz cancérogène
Le ministère de la Santé s'inquiète de la stérilisation à l'oxyde d'éthylène de biberons et tétines utilisées dans des hôpitaux et annonce leur retrait "dans les délais les plus brefs".
Au lendemain de la publication d'un article du Nouvel Observateur, le ministère de la Santé a annoncé, jeudi 17 novembre, le lancement d'une enquête sur les biberons et tétines utilisés dans des maternités et hôpitaux français.
Comme le révèle l'hebdomadaire, deux entreprises fournissant des établissements utiliseraient de l'oxyde d'éthylène, un gaz classé cancérogène depuis 1994, pour stériliser ces ustensiles. Le retrait des objets concernés doit aussi se faire "dans les délais les plus brefs". FTVi fait le point.
- Un gaz interdit pour "tout ce qui est en contact alimentaire direct"
Efficace à 100% contre tout type de virus et de bactéries, l'oxyde d'éthylène est utilisé pour stériliser le matériel médical, comme les compresses ou les gants. En revanche, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) explique que son caractère cancérogène l'interdit pour "tout ce qui est en contact alimentaire direct".
C'est cette nuance que les entreprises utiliseraient pour fournir aux maternités et hôpitaux des biberons traités à l'oxyde d'éthylène, en classant ces derniers comme des produits médicaux. "C'est un tour de passe-passe", dénonce-t-on à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Pour André Picot, expert auprès de l'Union européenne pour les normes chimiques, cette pratique est dangereuse. "L'oxyde d'éthylène est par définition un cancérogène actif dès la première molécule", dénonce-t-il au Nouvel Observateur.
De fait, en 1994, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé le gaz "dans le groupe 1 des agents cancérogènes pour l'homme", soit la catégorie dont les effets sont avérés. Selon l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), des études montrent qu'il induirait des cancers du sang voire de l'estomac.
- Les entreprises responsables
Dans son enquête, Le Nouvel Observateur pointe du doigt deux entreprises, la belge Beldico, et la française Cair. Toutes deux ont remporté l'appel d'offres 2010 de la centrale d'achat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), un document que l'hebdomadaire s'est procuré.
Contacté par l'AFP, Michel de Gryse, responsable de la société belge, confirme que le gazage à l'oxyde d'éthylène est bien l'une des deux méthodes utilisées par Beldico, entre autres pour les biberons et tétines.
"Nos produits sont considérés comme des produits médicaux et non pas alimentaires", explique le responsable de Beldico, avant de se défendre : "Aucun organisme de contrôle ne nous a jamais notifié que l'oxyde d'éthylène n'était pas autorisé."
- Les hôpitaux concernés
La centrale d'achat de l'AP-HP fournit des dizaines d'hôpitaux en France, dont les maternité Robert-Debré, Necker-Enfants malades et la Pitié-Salpêtrière. Mais ce ne sont pas les seuls établissements concernés.
En effet, l'appel d'offres consulté par Le Nouvel Observateur porte sur 2 millions de biberons et tétines provenant de deux entreprises alors qu'à elle seule, Beldico fournit 7 à 8 millions de biberons aux maternités et hôpitaux français.
L'hebdomadaire a également interrogé des médecins de l'hôpital de Coulommiers (Seine-et-Marne) et de la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis). Ils reconnaissent que les tétines et biberons sont stérilisés à l'oxyde d'éthylène.
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