La justice soupçonne la société Amesys de complicité de torture en Libye
Une enquête a été ouverte sur cette entreprise française spécialisée dans la sécurité. Elle est soupçonnée d'avoir aidé le régime de Kadhafi à traquer des opposants, en lui fournissant du matériel.
Révélée par le Wall Street Journal en août 2011 (article en anglais), l'affaire est désormais dans les mains de la justice française. Une information judiciaire a été ouverte à Paris pour "complicité d'actes de torture" en Libye visant la société Amesys, ont annoncé lundi 21 mai la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'homme (LDH). Amesys est soupçonnée d'avoir indirectement aidé le régime de Mouammar Kadhafi à traquer et torturer des opposants.
• Qu'est-il reproché à Amesys ?
D'après la FIDH, cette société d'ingénierie spécialisée dans les systèmes de sécurité a conclu en 2007 un contrat de mise à disposition de technologie aux fins d'interception de communication, de traitement de données et d'analyses. Le chef de "complicité d'actes de torture" avancé par la FIDH se justifie par le fait que le matériel livré "permettait à Mouammar Kadhafi et son régime de placer sous surveillance toute la population libyenne et notamment les opposants et de les arrêter et les mettre en prison où ils étaient torturés", a expliqué Patrick Baudouin, président d'honneur et coordinateur du groupe d'action judiciaire de la FIDH.
• Quelle est la défense d'Amesys ?
En septembre dernier, Amesys a reconnu avoir fourni au régime de Kadhafi du "matériel d'analyse" portant sur des "connexions internet", tout en rappelant que le contrat avait été signé dans un contexte de "rapprochement diplomatique" avec la Libye. Interrogé par France 2 en décembre, son directeur commercial, Bruno Samtmann, a rappelé ce contexte et affirmé que son produit a été "détourné" :
Cette défense faisait suite à des révélations du Wall Street Journal, qui a affirmé qu'Amesys avait équipé, fin 2009, le centre de surveillance d'internet de Tripoli avec un système d'analyse du trafic internet (DPI, pour "inspection des paquets en profondeur" ), qui permet de contrôler les messages qui s'échangent, afin d'éventuellement filtrer voire censurer des "paquets" de données.
• Que réclament les plaignants ?
Les deux ONG avaient déposé plainte en octobre 2011 et s'étaient constituées parties civiles. L'enquête a été confiée à une juge du pôle spécialisé dans les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides du tribunal de grande instance de Paris, Céline Hildenbrandt. "Nos organisations espèrent maintenant que des investigations seront rapidement diligentées, tant en France qu'en Libye", a commenté Patrick Baudouin, "pour établir la vérité des faits et la responsabilité éventuelle de la société Amesys".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.