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Equipe de France : chronique d'un lent naufrage à l'Euro 2021

Article rédigé par Andréa La Perna, Denis Ménétrier, franceinfo: sport - De nos envoyés spéciaux à Bucarest
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Les joueurs français réagissent après leur élimination face à la Suisse, le 28 juin à Bucarest (FRANCK FIFE / AFP)

Les Bleus visaient les sommets lors du championnat d'Europe, ils sont tombés de (très) haut lundi soir, éliminés sans gloire par la Suisse dès les huitièmes de finale.

Au soir de la première victoire à Munich (Allemagne) face au rival d'outre-Rhin, l'avenir promettait d'être radieux. Lors de cette entrée en lice victorieuse contre l'Allemagne (1-0), le 15 juin, l'équipe de France avait rendu une copie très aboutie. Sa capacité à subir sans souffrir et son ultra-réalisme se chargeaient de rappeler à la concurrence les forces qui l'avaient guidée sur le toit du monde en 2018.

Avec la fraîche incorporation de Karim Benzema, l'attaque de l'équipe de France pouvait même espérer être encore plus redoutable que lors du dernier Mondial, notamment dans sa capacité à combiner dans les petits espaces face à des défenses regroupées. À la fin du premier match de la phase de groupes, les Bleus faisaient peur, en tout cas davantage que les autres favoris. La route vers un doublé Coupe du monde-championnat d'Europe paraissait rectiligne.

Treize jours plus tard, la France a tout perdu, de ses espoirs de doublé à ses certitudes sur le terrain. Tombée aux tirs au but face à la modeste Suisse (3-3, 4-5 t.a.b.), contre laquelle elle n'avait plus perdu depuis mai 1992 et jamais en compétition internationale majeure, l'équipe de Didier Deschamps s'est arrêtée au stade précoce des huitièmes de finale. Après avoir dominé le "groupe de la mort", devant l'Allemagne et le Portugal, elle est tombée dans le piège tendu par un adversaire qui avait préparé un plan de bataille cohérent, contrairement à elle.

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A aucun moment lors de cet Euro, l'équipe de France n'a été capable de dominer un adversaire du coup d'envoi au coup de sifflet final. Ni face à la Hongrie ou la Suisse ni contre l'Allemagne ou le Portugal. Il n'y a que sur le terrain médiatique que sa maîtrise s'est exprimée. Pendant que le cuir ne prenait pas son pied sur le pré, il n'y a pas eu la moindre fausse note en dehors du terrain. "C'est au coach que vous devez poser la question". Lors de conférences de presse quotidiennes aseptisées, les internationaux tricolores ont joué au démineur niveau facile. Les incendies ont été éteints avant qu'ils ne prennent de l'ampleur, à l'image de la "broutille" entre Kylian Mbappé et Olivier Giroud après le deuxième match de préparation contre la Bulgarie (3-0).

Budapest la terrible

Deschamps a réussi à cadenasser les chambres d'hôtel de ses joueurs, de Munich à Bucarest en passant par Budapest. Pas d'escapade nocturne ni de frasques. En exorcisant le spectre de l'absence de Benzema, le sélectionneur envisageait avant le début de la compétition de lever un goût d'inachevé. Le retour en grâce de ce dernier était moins probable qu'un nouveau sacre des Bleus. Les sourires complices à Clairefontaine le 26 mai devaient mener à la résolution du dernier nœud du règne de "DD", mais tout s'est délité soudainement.

S'il faut identifier un tournant décisif, il s'agirait très certainement du long séjour passé à Budapest. La canicule hongroise (35 °C à 15 heures) lors du match nul contre les Magyars (1-1) a lessivé un groupe sur les rotules après une saison très longue et éprouvante. À l'image de N'Golo Kanté, qu'on croyait inusable, la plupart des joueurs ont décliné physiquement au fil des matchs. Les pépins physiques se sont alors accumulés. Ousmane Dembélé a d'abord quitté ses coéquipiers le 21 juin, puis ce sont Lucas Digne, Lucas Hernandez, Jules Koundé, Marcus Thuram et Thomas Lemar qui ont fait courir le doute alors que Deschamps se creusait la tête pour ses compositions d'équipe.

Didier Deschamps et les joueurs de l'équipe de France lors d'un entraînement au stade Nandor, le 24 juin à Budapest (FRANCK FIFE / AFP)

En quittant leur prison dorée perchée au bord du Danube, les Bleus pensaient laisser les ennuis derrière eux. "C'est une nouvelle compétition qui commence", répétait à l'envi Hugo Lloris lors de chacune de ses apparitions médiatiques, en se projetant sur la phase finale. Raté. La baisse de la température et l'accueil roumain n'auront pas suffi à masquer les lacunes d'une équipe ambitieuse mais déboussolée et jamais harmonieuse. Face à la Suisse lundi soir, le trio offensif Griezmann-Benzema-Mbappé s'est vraiment trouvé pour la première fois. Pas de chance, la ligne défensive s'est noyée dans le même temps. Encore une fois, les rouages ne se sont pas imbriqués au même moment.

La symphonie brisée des Bleus

Le plus gros échec des Bleus lors de cet Euro repose là, dans cette incapacité à faire fonctionner toute la machine sans qu'une partie de la chaîne ne se grippe. Le trio offensif s'est donc mis en évidence face à la Suisse, mais n'a pas eu assez de temps après le retour de Karim Benzema en Bleu – tout juste 112 minutes sur le terrain ensemble lors des deux matchs de préparation – pour peaufiner ses automatismes.

Du côté de la défense, le constat est cruel : sur les sept défenseurs utilisés par Didier Deschamps lors de cet Euro, aucun n'aura été irréprochable. Raphaël Varane et Presnel Kimpembe n'ont pas représenté l'assise escomptée, Benjamin Pavard a été le maillon faible à chacune de ses apparitions, Jules Koundé n'a pas saisi sa chance contre le Portugal, Clément Lenglet a été catastrophique face aux Suisses et Lucas Digne n'a pas réellement convaincu à gauche. Lucas Hernandez est le symbole d'une défense aux abois. Généralement si solide, le latéral gauche, diminué par des pépins physiques, a failli contre le Portugal et affiché une instabilité inquiétante.

Après le match de préparation contre les Gallois, qui avaient rapidement été réduits à 10 contre 11, Kimpembe s'était plaint du manque d'adversité : "J'aurais aimé qu'il y ait une plus grosse confrontation. (…) J'aurais aimé être confronté à un peu plus de problèmes pour être un tout petit peu plus dans le dur." Même si Deschamps affirmait le contraire, les Bleus n'ont effectivement pas vraiment eu le temps de se mouiller la nuque avant le début de la compétition face aux Gallois et aux Bulgares.

Deschamps victime de ses changements

La solidité défensive des Bleus, qui avait été le socle du titre de champion du monde en 2018, s'est retrouvée portée disparue lors des séjours à Budapest et Bucarest. "Notre point fort, c'est notre solidité. On l'a eu lors du premier match. (…) Mais le deuxième but des Suisses nous a rendus un peu plus fébriles et s'ils ont marqué, c'est qu'on a fait des erreurs", a tenté d'expliquer Didier Deschamps en conférence de presse, après l'élimination.

Au réveil, mardi matin, le sélectionneur de l'équipe de France devait encore se demander comment cette victoire face à la Suisse a pu lui passer entre les mains. Mais durant la compétition, Didier Deschamps n'a jamais semblé maîtriser parfaitement la situation, n'obtenant pas une seule fois de son équipe une cohérence globale, du gardien de but à l'attaquant de pointe. Un désaveu pour le sélectionneur, pourtant peu habitué à perdre le fil conducteur et qui a longtemps insisté pendant la préparation sur le fait que le trio d'attaque, le milieu de terrain et la défense, devaient être tous intimement liés.

Le match fou et cette élimination en huitièmes de finale contre la Suisse ont dévoilé toutes ces carences et est représentatif des tâtonnements d'un Deschamps qui s'est ouvert au changement cette année, sans réussite. Le sélectionneur des Bleus a accepté de faire revenir Adrien Rabiot et Karim Benzema, a modifié plusieurs fois son système pour tenter de "mettre les joueurs dans les meilleures dispositions". Mais en faisant bouger ainsi les lignes, Deschamps a transformé une équipe qui gagne en une équipe qui ne perd pas mais ne sait plus gagner.

Adrien Rabiot, N'Golo Kanté, Antoine Griezmann, Karim Benzema et Paul Pogba (de gauche à droite) à l'entraînement, dimanche 20 juin, à Budapest. (FRANCK FIFE / AFP)

Pogba, comme un phare dans l'ennui

Personne n'est réfractaire au changement et Deschamps a écouté les critiques pour réintégrer le milieu de terrain de la Juventus et l'attaquant vedette du Real Madrid. Mais ce championnat d'Europe représente le premier pas en arrière pour Deschamps en tant que patron des Bleus. Après le titre mondial il y a trois ans, le Basque n'avait d'autre choix que de remporter la compétition pour éviter le risque d'un déclassement. La barre était trop haute lors de cet Euro.

De là à quitter le banc des Bleus ? "Quand ça se passe moins bien, c'est aussi ma responsabilité, je l'assume. C'est un moment pénible même si ça reste du football. On avait l'envie, l'ambition et la force de poursuivre, mais malheureusement ça s'arrête là et il faut l'accepter", a-t-il désamorcé lundi soir. Récemment prolongé jusqu'à la fin de la Coupe du monde 2022, il paraît peu probable que le sélectionneur quitte son poste.

Reste à savoir comment il abordera la suite : au jeu des chaises musicales entre joueurs, qui seront les perdants ? Le trio offensif doit-il continuer à travailler ses automatismes ? Et surtout, quelles seront les idées de jeu de cette équipe de France dans les mois à venir, elle qui en a cruellement manqué pendant cet Euro ? La seule certitude à la sortie de cette compétition est que Paul Pogba est le véritable patron de cette équipe. Essentiel dans son rôle de métronome au milieu de terrain, clair et précis dans sa communication, leader technique sur le pré et leader de vestiaire en dehors lors de cet Euro, Paul Pogba pourrait être celui qui guidera l'équipe de France à la Coupe du monde 2022 au Qatar. Un Mondial, dans un an et demi, au cours duquel les Bleus viseront une troisième étoile pour tenter de faire passer la pilule de cette sortie prématurée.

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