Espagne-Angleterre : un choc des cultures en finale de l'Euro 2024, entre les deux championnats qui dominent le football européen depuis vingt ans

Les deux finalistes du championnat d'Europe s'appuient sur leurs clubs domestiques, qui dominent les compétitions de clubs depuis le début du siècle.
Article rédigé par Mateo Calabrese
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
L'Espagnol Lamine Yamal (FC Barcelone) et l'Anglais Bukayo Saka (Arsenal FC), lors des demi-finales de l'Euro 2024. (AFP)

C'est une grande anomalie de l'histoire qui s'apprête à être réparée. Terres des deux championnats qui écrasent le football européen depuis près de vingt ans, l'Angleterre et l'Espagne ne s'étaient jamais affrontées en grande compétition internationale masculine au XXIe siècle. La Roja et les Three Lions vont enfin croiser le fer, avec un titre continental promis au vainqueur, dimanche 14 juillet, en finale de l'Euro 2024 à l'Olympiastadion de Berlin.

Dix-sept des 24 Ligues des champions disputées au XXIe siècle ont été raflées par un club anglais ou espagnol. Et les Three Lions comme la Roja sont véritablement l'émanation de leur championnat respectif : 24 des 26 joueurs anglais jouent en Premier League, tandis que 18 joueurs de l'équipe espagnole disputent la Liga.

La formation, ressource inépuisable des clubs espagnols

A une Premier League ultra-compétitive que seuls les meilleurs atteignent, après avoir fait leurs armes dans les divisions inférieures, s'oppose une Liga à l'identité forte, où les clubs s'appuient massivement sur les jeunes nationaux. On compte 6,27 joueurs espagnols en moyenne dans chaque onze titulaire en Liga, plus que dans chacun des quatre autres championnats majeurs (3,29 Anglais seulement en Premier League).

"Ce sont des politiques très ancrées, explique François-Miguel Boudet, spécialiste du football espagnol et ancien correspondant pour Eurosport et Le Figaro à Valence et Barcelone. Au Barça comme à l'Athletic ou à la Real Sociedad, l'accent a toujours été mis sur les jeunes. Il y a aussi des contraintes économiques : à Valence par exemple, il y a énormément de joueurs formés au club cette saison [cinq des dix joueurs les plus utilisés] parce qu'il y a des difficultés économiques, ce qui n'a pas toujours été le cas."

Dans le championnat espagnol, les joueurs formés au club pour lequel ils jouent totalisent en moyenne 19,6% du temps de jeu, contre seulement 8% dans le championnat anglais. "Le plus important, ce n'est pas d'avoir des joueurs et du vivier, c'est de les faire jouer, acquiesce François-Miguel Boudet. C'est la très grande force de l'Espagne, qu'on retrouve jusqu'en sélection puisque Lamine Yamal est titulaire à 16 ans, même si cela comporte des risques."

Les sélections de jeunes de l'Espagne n'ont jamais cessé de gagner : quatre titres de champions d'Europe en U19 (moins de 19 ans) depuis 2010, trois en U21 et trois en Espoirs. C'est désormais Luis de la Fuente, passé à la tête de toutes les équipes de jeunes de l'Espagne depuis dix ans, qui guide la Roja. 

Les Anglais à l'épreuve de la concurrence

L'Angleterre, au contraire, peine à faire de la place aux fruits de sa formation. Gareth Southgate lui-même, sélectionneur des Three Lions, s'est plaint du manque de joueurs anglais dans leur championnat : "On est plus limités en profondeur que les autres sélections, déplorait-il en conférence de presse en mars 2023. Le nombre de joueurs éligibles pour l'Angleterre se situe autour de 32% [en Premier League], c'est une baisse par rapport aux 35% lorsque j'ai pris mes fonctions et aux 38% des années précédentes, donc la tendance est claire." En Liga, plus de 60% des joueurs ont la nationalité espagnole.

C'est la rançon du championnat le plus riche du monde, dont les clubs dépensent chaque année plus d'un milliard d'euros pour se renforcer, souvent à l'étranger. Des garde-fous ont certes été implémentés : depuis le Brexit, les clubs n'ont plus le droit de recruter des joueurs étrangers de moins de 18 ans, et tous les joueurs étrangers doivent valider un certain nombre de critères pour obtenir un permis de travail. Huit des 25 joueurs de chaque équipe doivent aussi être formés au club. 

Mais les jeunes Anglais peinent toujours à s'imposer dans cet environnement extrêmement concurrentiel. La qualité du football britannique leur épargnant l'exode (23 des 26 joueurs de la sélection n'ont jamais quitté l'Angleterre), ils vont se faire les dents dans les divisions inférieures, bénéficiant d'une grande densité. La majorité d'entre eux (19 sur 26) ont disputé au moins une saison en Championship, sans doute la deuxième division la plus relevée du monde.

Jude Bellingham sous le maillot de Birmingham City en Championship (deuxième division anglaise), le 7 mars 2020. (AFP)

Une politique de formation alimentée par les clubs eux-mêmes, qui n'hésitent pas à envoyer leurs jeunes pousses se frotter à l'antichambre de l'élite. Depuis quinze ans, Manchester City et Chelsea prêtent par exemple entre 10 et 32 joueurs chacun tous les ans, en majorité dans les divisions inférieures anglaises. C'est là que se sont forgés Harry Kane (prêté à Leyton Orient, à Millwall et Leicester), Kyle Walker (prêté à Sheffield et aux Queens Park Rangers), John Stones (prêté à Barnsley), Jude Bellingham (formé à Birmingham) et bien d'autres. Avant d'atteindre la si convoitée Premier League, et peut-être bientôt le toit de l'Europe.

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