Euro 2024 : quelles sanctions peut (ou non) prendre l'UEFA après la célébration controversée du Turc Merih Demiral
L'UEFA va-t-elle sévir ? Merih Demiral a peut-être été le héros de la qualification turque contre l'Autriche, mardi 2 juillet, en huitième de finale de l'Euro, mais il est aussi devenu la cible d'une enquête de l'UEFA, la fédération européenne de football. En cause, sa célébration après ses deux buts, mains brandies avec l'auriculaire et l'index relevés, le symbole des "Loups gris", groupuscule de l'extrême droite turque, interdit notamment en France. Merih Demiral est accusé de "comportement inapproprié potentiel". Pour l'instance du ballon rond, ce geste va théoriquement à l'encontre de son principe de neutralité.
Les statuts de l'UEFA définissent en effet l'organisation comme "neutre politiquement et religieusement", dans les articles 1 et 2. Le geste du défenseur turc pourrait donc conduire l'institution à sanctionner Merih Demiral. Un "enquêteur sur les questions d'éthique et de discipline" a été nommé par l'UEFA, qui dévoilera ses conclusions à la suite de cette investigation. Mais la fédération a-t-elle vraiment l'arsenal pour imposer une réprimande ? Ses textes n'offrent pas de réponse précise.
Un geste politique à l'appréciation de l'UEFA
Une suspension d'un match est prévue par l'article 15 du règlement disciplinaire de l'instance, relatif au "comportement incorrect de joueurs et d'officiels" en cas "d'injure à l'égard d'un joueur ou d'une autre personne présente au match", de "comportement antisportif", ou de "provocation des spectateurs". Mais le règlement ne qualifie pas dans le détail si un geste politique, quelle qu'en soit la symbolique associée, est injurieux, antisportif, ou encore provoquant.
L'article 14 du même règlement évoque quant à lui spécifiquement les cas de "racisme et comportements discriminatoires". "Toute personne soumise au présent règlement […] qui porte atteinte à la dignité d'une personne ou d'un groupe de personnes pour quelque motif que ce soit, notamment sa couleur de peau, sa race, sa religion, son origine ethnique, son sexe ou son orientation sexuelle, sera passible d'une suspension d'au moins dix matches ou pour une durée déterminée, ou de toute autre sanction appropriée", peut-on lire. Mais il reste à l'appréciation de l'UEFA de déterminer si le geste de Merih Demiral est, dans sa nature, discriminatoire.
Peu d'exemples passés, des sanctions sportives rarissimes
Les précédents ne sont pas légion. En 2013, l'UEFA avait appliqué cette règle en suspendant pour dix rencontres le Croate Josip Simunic. Ce dernier avait effectué des saluts du mouvement fasciste "Ustase" avec des supporters. Pour un geste politique, un mime de l'aigle à deux têtes du drapeau albanais durant un match contre la Serbie lors de la Coupe du monde 2018, les deux joueurs suisses Xherdan Shaqiri et Granit Xhaka n'avaient écopé que de sanctions financières. Le geste, en soutien au Kosovo pays d'origine des deux joueurs, avait été perçu en Serbie comme une provocation et un symbole nationaliste, alors que la Serbie n'a jamais reconnu l'indépendance kosovare.
L'UEFA bannit pourtant la "transmission par geste, parole, objet ou par tout autre moyen de tout message provocateur inadapté à un événement sportif, notamment de tout message provocateur de nature politique, idéologique, religieuse ou insultante" dans l'article 16 de son règlement disciplinaire. Mais celui-ci ne concerne que les "cas de conduite incorrecte de supporters" et non de joueurs. Et si "utiliser un événement sportif pour une manifestation étrangère au sport" est contraire aux "principes généraux de conduite" dictés par le règlement disciplinaire de l'UEFA, la sanction "par voie
disciplinaire" évoquée à l'article 11 laisse un panel large de punitions, de la suspension au simple blâme.
Un match entre la Turquie et l'équipe de France en 2019 avait vu les joueurs turcs effectuer un salut militaire, en guise de célébration, dans un contexte d'intervention armée en Syrie. L'UEFA avait délivré une amende de 50 000 euros à la fédération turque pour les comportements de ses supporters, distribué des réprimandes aux joueurs qui avaient procédé à ce salut, mais n'avait adressé aucune sanction sportive.
Le président de l'UEFA, Aleksander Ceferin, avait affirmé en 2021 dans le quotidien allemand Die Welt que son institution ne voulait pas être "utilisée dans des actions populistes", alors que le stade de Munich avait été illuminé aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, en soutien à la communauté LGBTI, en marge d'un match entre l'Allemagne et la Hongrie. Le parlement hongrois avait quelques jours plus tôt adopté une loi interdisant "la promotion de l'homosexualité" chez les mineurs."En raison de la popularité du football, les gens essaient trop souvent d'abuser des associations sportives à leurs propres fins", avait ajouté Aleksander Ceferin.
Recep Tayyip Erdogan assistera au quart de finale de la sélection en Allemagne
Dans l'attente des conclusions de l'enquête de l'UEFA, le geste de Merih Demiral n'est d'ores et déjà pas sans conséquence politique. L'ambassadeur de Turquie a été convoqué à Berlin jeudi matin a annoncé un porte-parole du ministère des Affaires étrangères allemand à l'AFP, alors que la veille, l'ambassadeur d'Allemagne avait été convoqué par Ankara. La ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, avait estimé que "le symbole des extrémistes de droite turcs n'a rien à faire dans nos stades".
Sur fond de ces tensions diplomatiques, le président truc Recep Tayyip Erdogan assistera à Berlin au quart de finale de la sélection turque samedi contre les Pays-Bas, a annoncé à l'AFP la présidence turque.
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