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Adrien Desport, l'ex-tête brûlée du FN qui incendiait des voitures

L'ex-numéro 2 du FN en Seine-et-Marne était entendu avec cinq autres coprévenus, mercredi, au tribunal de Meaux. En avril, ils avaient incendié des voitures pour dénoncer l'insécurité dans le département.

Article rédigé par Vincent Matalon - Au tribunal correctionnel de Meaux
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Publié Mis à jour
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Adrien Desport, ex-numéro 2 du Front national de Seine-et-Marne, mercredi 2 septembre au tribunal correctionnel de Meaux. (VINCENT MATALON / FRANCETV INFO)

"Je ne suis pas fier de ce que j'ai fait, mais je ne veux pas être le seul à être traité comme un grand délinquant." Devant les journalistes qui le pressent de questions, mercredi 2 septembre au tribunal correctionnel de Meaux (Seine-et-Marne), Adrien Desport ne se démonte pas.

Oui, ce jeune homme de 25 ans, ancien numéro 2 de la fédération du Front national du département, a incendié à plusieurs reprises des voitures de riverains de sa ville de Mitry-Mory et des alentours. Oui, il s'est servi de ces actes de vandalisme pour dénoncer sur son site internet une hausse inquiétante de la délinquance dans son département. Mais non, il n'est pas le "cerveau" de ces opérations : les cinq autres jeunes militants frontistes également entendus ce jour-là sont autant responsables que lui, assène-t-il avant d'entrer dans la salle d'audience.

"Il s'est vanté d'avoir fait brûler la voiture d'un imam et d'un responsable PS"

Sur les bancs des prévenus, ce petit brun à lunettes et aux cheveux plaqués en arrière est pourtant bien isolé. Ses anciens camarades du FN se sont spontanément placés derrière lui, comme pour montrer qu'ils n'ont rien en commun avec celui que Marine Le Pen avait décoré, en janvier 2014, de la "flamme d'honneur", qui récompense les militants les plus actifs. Il y a là un commercial, des étudiants, et une éducatrice canine. Ces cinq-là n'ont aucun passif judiciaire.

La plus âgée, Nathalie Leplat, est née en 1990. C'est elle qui a tout raconté à une responsable locale du parti, avant de se rendre à la police. A la barre, elle détaille les "délires d'Adrien", avec qui elle a entretenu une relation amoureuse pendant dix mois. Ces délires, ce sont des soirées rythmées par l'alcool et les médicaments, où l'on consommait parfois de la cocaïne.

Ensuite, explique-t-elle, les participants étaient invités à participer à d'autres "délires" : dégradation de véhicules et vandalisme chez d'autres responsables FN dans un premier temps, puis incendies de voitures à l'aide d'un chalumeau de cuisine placé devant le radiateur. "Un matin, il s'est vanté d'avoir fait brûler, dans la même nuit, les voitures d'un imam et d'un conseiller municipal PS", détaille-t-elle d'une voix peu assurée.

"Je suis devenu un de ceux que je voulais combattre"

Benjamin Attias, candidat frontiste malheureux aux dernières départementales dans le canton de Villeparisis, lui succède à la barre. Et il charge encore davantage celui qui était son suppléant lors de ce scrutin. Car en plus des "cocktails mystiques" servis lors des soirées au cours desquelles il proposait de "faire des 'GTA'" (du nom du célèbre jeu vidéo où le joueur incarne un criminel), Adrien Desport lui aurait fait part d'un projet bien plus glaçant : tendre un guet-apens à des policiers dans le but de les assassiner. A la présidente du tribunal qui lui demande pourquoi il a choisi un tel personnage comme suppléant, Benjamin Attias évoque une "énorme pression". "Il avait menacé de brûler ma maison si je le doublais en politique", assure-t-il, sous le regard impassible de son ancien camarade.

La suite n'arrange rien. Jean-Baptiste Nadji, solide gaillard de 21 ans rencontré lors d'un congrès du FN à Lyon (Rhône), éclate en sanglots après quelques minutes passées à raconter sa relation avec Adrien Desports. "Depuis que je l'ai rencontré, j'ai l'impression de vivre un cauchemar", s'étrangle-t-il après avoir raconté comment ils ont, à deux, inventé une agression à la bombe lacrymogène lors d'un collage d'affiches, avant d'en alerter les dirigeants du Front national.

"Il me faisait peur, me disait avoir des envies de meurtres..., poursuit le jeune homme. On peut se demander comment quelqu'un de ma carrure peut être intimidé par quelqu'un de la sienne, mais essayez seulement de passer dix minutes avec lui ! Vous devenez fou, vous ne savez plus qui vous êtes !" Avant de reprendre sa place sur le banc des prévenus, il interpelle une dernière fois la magistrate : "Je suis devenu l'un de ceux que je souhaitais combattre. En adhérant au FN, je n’imaginais pas une seconde rencontrer des gens pareils."

"Un cerveau n'incendie pas le véhicule de son voisin !"

Après le témoignage de deux autres prévenus, Adrien Desport s'avance enfin à la barre. Il précise d'emblée avoir été suspendu du Front national, avant de reconnaître avec aplomb presque tous les faits qui lui sont reprochés. Il avoue ainsi, sans ciller, avoir organisé la fausse agression, le vol d'un ordonnancier à son psychiatre, et la distribution d'anxiolytiques à ses amis. S'il réfute être l'instigateur des incendies, accusant Jean-Baptiste Nadji et un autre prévenu d'avoir désigné les véhicules à détruire, il reconnaît s'être exécuté "par amitié".

"Je veux que chacun prenne pour ce qu'il a fait, explique-t-il avec calme. On me décrit comme cerveau, mais un cerveau ne met pas le feu au véhicule de son voisin, ça serait débile !" Quant à sa récupération politique des événements, Adrien Desport la juge presque naturelle : "Je tenais un site sur lequel je communiquais tous les jours au sujet de l'actualité de ma commune, c'est pour cela que j'y ai écrit une lettre ouverte après les incendies." L'affaire lui a, en tout cas, retiré toute velléité politique, et il assure désormais être installé près d'Antibes (Alpes-Maritimes), et il explique qu'il a commencé à dédommager ses victimes.

L'expertise psychiatrique ordonnée par le tribunal indique que, si la personnalité du jeune militant "n'est pas très affirmée" et que celui-ci fait preuve d'une "certaine immaturité", Adrien Desport ne présente "pas de dangerosité psychiatrique, et ne nécessite pas de soins".

"On dirait qu'il y a deux Desport"

Le procureur adjoint de Meaux, Emmanuel Dupic, n'est pas de cet avis. Dans sa réquisition, il reconnaît un "rôle important" au jeune militant, mais écarte fermement la manipulation de ses coprévenus. Pour le parquet, il s'agit d'une "manipulation électorale pour faire croire à un climat d'insécurité et appeler au vote" FN. Il requiert quatre ans de prison, dont douze mois de sursis avec mise à l'épreuve, à l'encontre d'Adrien Desport. Des peines allant de huit mois avec sursis à dix-huit mois, dont neuf mois avec sursis, sont requises à l'encontre des autres prévenus. Mais, pour son rôle, "presque équivalent à celui d'un lanceur d'alerte", le procureur réclame une dispense de peine pour Nathalie Leplat. Une décision sera rendue le 16 septembre.

Après l'audience, l'avocat d'Adrien Desport confesse aux journalistes avoir bien du mal à cerner son client. "On dirait qu'il y a deux Desport, celui qui fait des déclarations fracassantes sur les réseaux sociaux, et celui qui se démène pour indemniser ses victimes. Il est insaisissable." Difficile de lui donner tort : si avenant le matin, le pompier pyromane s'est éclipsé sitôt l'audience terminée. 

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