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Affaire Clearstream : entre roman d'espionnage et manipulation

Le tribunal de Paris a examiné aujourd’hui les origines de l'affaire des faux listings de la société Clearstream, devenue affaire d'Etat en France. Elle a débuté par les agissements d'un consultant et d'un journaliste. Denis Robert et l'ancien auditeur Florian Bourges ont tenté de convaincre le tribunal correctionnel qu'ils n'étaient que des victimes collatérales de cette abracadabrante affaire de manipulation.
Article rédigé par franceinfo
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  (Radio France ©REUTERS/Charles Platiau)

Fines lunettes sur un bouc finement taillé, Florian Bourges concède, à la barre: “j'ai été assez naïf, voire même stupide face à Imad Lahoud. J'ai été manipulé” confie celui qui, après avoir remis des listings Clearstream à Denis Robert, s'est fait présenter à Imad Lahoud.
“Il m'a dit qu'il travaillait pour la DGSE et faisait une recherche sur le financement d'al-Qaïda dont les fonds étaient censés passer par Clearstream”.

Impressionné par cet agent secret, le jeune stagiaire autorise le mathématicien à copier sur une clé USB ultra-moderne une série de fichiers clients.
Ce sont ces documents qui atterriront quelques mois plus tard, de manière anonyme, sur le bureau du juge Renaud van Ruymbeke.
Entre-temps, ils auront été falsifiés et des noms ajoutés.

Ironie du sort, c'est Florian Bourges lui-même, recommandé par Denis Robert, qui sera mandaté par le juge van Ruymbeke pour expertiser les faux listings à l'été 2004!
Un peu plus tard, Florian Bourges reconnaîtra avec stupeur les fichiers qu'il avait extraits chez Clearstream, lors de sa mission d'audit de l'été 2001.
“C'est un faux”, dit-il alors au juge.
“Je pensais que l'affaire se serait arrêtée là, mais ce fut un déchaînement médiatique...”

Poursuivi pour avoir recelé les listings volés par Florian Bourges, Denis Robert a reconnu avoir été un “intermédiaire”, mais “sans rôle actif.”
Premier pourfendeur de Clearstream, qu'il accusait d'avoir blanchi de l'argent sale dans deux ouvrages parus en 2001 et 2002, le romancier a témoigné du pouvoir de manipulation d'Imad Lahoud, qui a su “très habilement jouer de la situation”.

UN FAUSSAIRE NOMMÉ LAHOUD ?

“Il avait une version à tout,” raconte-t-il et “paraissait super informé”.
“Un jour, il m'a dit qu'il avait hacké le système de Clearstream, un truc de
dingue.”
Si Imad Lahoud a tout obtenu aussi facilement du journaliste, c’est aussi parce qu’il lui a affirmé qu'il était le neveu du président libanais et qu'il travaillait pour les services secrets français sur des affaires de terrorisme.
On sait aujourd'hui que tout était faux, Imad Lahoud sortant en fait d'un séjour en prison pour escroquerie.

L’affaire est jugée jusqu’au 23 octobre à Paris.
Demain, ce sera au tour de Jean-Louis Gergorin, ex-vice président d'EADS, et Imad Lahoud d’être entendus.

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