Marche en hommage à Estelle Mouzin : "Il fallait aller de l'avant et non pas basculer dans la mort", témoigne son père 17 ans après sa disparition
Le père d'Estelle Mouzin était l'invité de franceinfo avant une marche commémorative pour sa fille, disparue en 2003. Il est revenu sur l'enquête après la mise en examen en novembre dernier de Michel Fourniret.
"Il fallait aller de l'avant et non pas basculer dans le néant et la mort", a témoigné samedi 11 décembre sur franceinfo, Eric Mouzin, 17 ans après la disparition de sa fille, Estelle, le 9 janvier 2003 sur le chemin du retour de l'école. Une marche aura lieu samedi à 15h30 à Guermantes, en Seine-et-Marne, où a disparu Estelle, âgée de neuf ans à l'époque. Cette manifestation, qui a lieu tous les ans, prévoit aussi un moment de recueillement autour de l'arbre du souvenir, un cerisier du Japon, qui a été planté à l'endroit où Estelle a été vue pour la dernière fois.
Eric Mouzin, s'est félicité "des éléments nouveaux dans l'enquête", avec la mise en examen le 27 novembre dernier du tueur en série Michel Fourniret dans cette affaire. Il espère que "des éléments matériels pourront être apportés par l'instruction" pour "savoir si oui ou non, il est concerné par l'enlèvement d'Estelle".
franceinfo : Vous participerez à cette marche comme chaque année avec la même émotion, avec le même espoir ?
Eric Mouzin : Espoir, oui parce qu'il y a des éléments nouveaux dans l'enquête, mais c'est surtout le moment de se retrouver tous ensemble et cette année plus particulièrement, de rendre une sorte d'hommage à la vertu de la vie associative. Cette année, nous avons reçu un témoignage d'une personne qui a pu communiquer avec l'adresse mail de l'association. Son témoignage a été transmis au juge chargé de l'enquête. Ce témoignage s'est révélé particulièrement intéressant. Cette personne a déclaré avoir vu la personne [Michel Fourniret] qui a été récemment mise en examen, dans une station-service le jour ou la veille de l'enlèvement d'Estelle. Ce témoignage-là s'intègre parfaitement dans la liste des éléments de preuves
Michel Fourniret est mis en examen depuis le 27 novembre, c'est la première personne mise en examen dans l'affaire de la disparition et l'enlèvement de votre fille. Quel est votre sentiment sur ce nouvel élément ?
Aujourd'hui, il est malheureusement trop tôt pour en tirer quelque conclusion que ce soit. Effectivement il y a une personne qui est mise en examen après la destruction d'un alibi dont il avait demandé à son ancienne compagne de produire ce pseudo justificatif. Nous avons affaire avec une personne tellement perverse, tellement en dehors de notre monde, que ce n'est pas de la prudence, mais de l'extrême prudence qu'il faut avoir, par rapport à tout ce qui va se passer autour de ce personnage. Quand bien même il avouerait, ses aveux seront encore à prendre avec beaucoup de suspicion. Il n'y a que des éléments matériels qui pourront être apportés par l'instruction et par les nouveaux services d'enquête qui permettront de savoir si oui ou non, il est concerné par l'enlèvement d'Estelle.
Cet homme, Michel Fourniret, dont on entend que vous ne voulez pas prononcer le nom, vous avait adressé une lettre en 2007. Il vous avait écrit qu'il voulait dire des choses ?
C'était une lettre, comme il sait les écrire, comme on peut le retrouver dans ces PV d'audition, l'emploi de la triple négation inversée, du mélange de tout. On a vraiment affaire à un personnage hors du commun. La nouvelle juge d'instruction, Sabine Khéris l'a pratiqué dans d'autres dossiers. J'espère qu'elle sait établir avec lui des liens qui permettent d'avancer.
La Cour de cassation a accepté en juillet de dépayser le dossier de Meaux à Paris. Vous avez déposé plainte il y a un an contre l'Etat pour fautes lourdes. Où en-est-elle cette plainte ?
Nous avons vécu pendant ces 17 ans des errements dans l'instruction du dossier de façon incontestable avec des pièces de procédure qui n'étaient pas classées et cotées comme ça doit l'être. On n'arrivait pas à obtenir du SRPJ de Versailles des procès-verbaux de synthèse permettant de savoir quelles étaient les investigations en cours et comment elles progressaient. Il y avait quand même des éléments factuels d'un dysfonctionnement de l'Etat. Je ne parle même pas de l'absence des moyens matériels pour faire des reproductions. Les juges d'instruction se suivent tous les deux ou trois ans. Le système est organisé de telle façon qu'il n'y a pas de période de recouvrement. Un nouveau juge arrive et retrouve dans l'armoire dont il espère qu'on a lui laissé les clés, le dossier, mais il n'a pas la notice explicative. On est sur un dossier d'enlèvement d'un enfant, on en fait un dossier emblématique par certaines méthodes de communication du gouvernement, et on constate quand même la discordance entre les propos et la réalité et c'est pour ça que nous avons porté plainte.
Ça fait 17 ans que votre fille a disparu. Comment on tient dans cette vie quand on ne sait pas ce qui est arrivé à sa fille de 9 ans ?
Nous ne savons pas ce qui est arrivé à Estelle, mais nous en avons quand même malheureusement une petite idée, surtout si c'est le mis en examen [Michel Fourniret] qui est réellement à l'origine de sa disparition. Dès le début il y a une sorte d'évidence qui s'est manifestée, c'est qu'il y avait la possibilité de basculer dans la mort ou alors de privilégier la vie. Nous étions une famille reconstituée. Il y a quatre enfants dont il faut s'occuper. Il fallait envers et contre tout que la vie continue, que ces enfants vivent le mieux possible. Je ne dis pas que tout est rose et qu'ils ne sont pas impactés. Mais il fallait aller de l'avant et non pas basculer dans le néant et la mort.
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