Carlton : René Kojfer, l'homme par qui le scandale est arrivé
L'audience, mardi matin, s'est concentrée sur la personnalité de l'ancien directeur des relations publiques de l'hôtel Carlton, personnage central de l'affaire.
Malgré son appareillage, il entend mal les questions du président du tribunal. Au deuxième jour du procès du Carlton, à Lille (Nord), le tribunal s'est penché sur la personnalité de René Kojfer, l'ancien directeur des relations publiques de l'hôtel. Son rôle présumé central dans l'affaire contraste avec la personne qui se présente à la barre.
On découvre un homme de 74 ans à la mine fatiguée, au costume froissé, loin de l'image luxueuse de son ancien employeur et du faste de certaines soirées nocturnes lilloises. Ex-alcoolique, ce père de deux enfants – qui ne les voit plus – est sous antidépresseurs depuis sa détention de trois mois et demi en préventive. Décrit comme un "indic" par la presse, il y avait été placé à l'isolement.
Car René Kojfer, poursuivi pour proxénétisme aggravé pour avoir fourni des prostituées à des clients et amis, connaît bien les policiers. Il a géré un temps le Politel, l'hôtel pour les policiers géré par la Mutuelle du ministère de l'Intérieur (MMI), revendu ensuite aux propriétaires du Carlton et rebaptisé hôtel des Deux Tours.
"Un pied nickelé, un tocard et un radin"...
Pour la gestion de cet hôtel, René Kojfer était associé à un certain "Nestor Burma". Comme l'indiquait en 2012 Le Nouvel Observateur, ce détective privé – profession qui lui vaut son surnom – est l'ex-patron de la brigade des mœurs dans les années 1990, puis président de la MMI dans le Nord. Ce franc-maçon est une vieille connaissance de René Kojfer, précise l'hebdomadaire. "Lorsqu'il était aux moeurs, Kojfer lui servait de 'chèvre', se faisant passer pour un client dans des lieux de prostitution pour préparer les coups de filet", raconte un ancien de la police locale à l'hebdomadaire.
Les deux hommes se sont ensuite brouillés. Et dans des propos rapportés à l'audience, "Nestor Burma" décrit son vieil ami comme "un pied nickelé, un tocard et un radin". Qui ne paie jamais l'addition et mange "à l'oeil".
A la barre, "Jade", l'une des ex-prostituées partie civile dans le dossier, a raconté ensuite que René Kojfer l'avait payée une fois 120 euros au lieu des 200 prévus, en lui disant "les temps sont durs." Cet ancien vendeur de meubles et de trousseaux de mariage en porte-à-porte gagnait 3 000 euros par mois au Carlton. Aujourd'hui, il perçoit 750 euros de retraite et continue à "essayer" de travailler dans l'immobilier et dans la vente de trousseaux de mariage.
Plus "malin" qu'il ne le laisse paraître
Présenté par son avocat Hubert Delarue, entre autres, comme un homme battu,
("C'est arrivé que vous vous fassiez frapper par votre femme ?" "Oui", répond son client), René Kojfer est aussi décrit dans les PV d'auditions cités devant le tribunal comme quelqu'un qui aime "se faire plaindre". Et plus "malin" qu'il ne le laisse paraître. Ami de longue date de "Dodo la Saumure", autre prévenu médiatique de l'affaire, "l'homme aux mille copains", comme le décrit La Voix du Nord, est en lien avec quasiment tous les protagonistes du dossier.
Dénoncé par un "renseignement anonyme", il est celui par qui le scandale est arrivé. En fait de "renseignement anonyme", certains avocats de la défense pensent que l'enquête préliminaire le visant a été ouverte en février 2011 sur la base d'écoutes administratives enclenchées neuf mois plus tôt.
Pourquoi cet homme au "sens moral médiocrement différencié", selon un expert, et au carnet d'adresses bien rempli, a-t-il été "branché" administrativement (ce qui nécessite l'aval du Premier ministre) en 2010 ? La question reste ouverte.
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