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Affaire Agnès Saal : "Une plainte doit être déposée", selon le président d'Anticor

Francetv info a interrogé Jean-Christophe Picard, de l'association anticorruption Anticor, après la démission de la présidente de l'INA. Il pointe le manque de transparence des dirigeants nommés par le pouvoir politique en France.  

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Etienne Combier
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L'ex-présidente de l'INA, Agnès Saal, au siège de l'institution publique à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), le 31 juillet 2014.  (DOMINIQUE FAGET / AFP)

Après les révélations sur ses dépenses de taxi avoisinant les 41 000 euros, Agnès Saal a démissionné. La présidente de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), nommée le 30 avril 2014, a payé au prix fort ses dépenses à des fins personnelles. En interne, à l'INA, les langues commencent à se délier et accusent la direction de népotisme

Comment un scandale comme celui-ci peut-il éclater en 2015, alors que le gouvernement affirme vouloir moraliser la vie publique ? Francetv info a interrogé Jean-Christophe Picard, le président d'Anticor, l'association de lutte contre la corruption, sur les conséquences de cette affaire. 

Francetv info : Quels problèmes soulève l'affaire Agnès Saal ? 

Jean-Christophe Picard : L'affaire de l'INA révèle deux problèmes. Le premier, c'est celui de la nomination des hautes autorités. Aujourd'hui, 284 personnes sont nommées par le président de la République. Le souci, c'est qu'on arrive à une politisation des nominations. Les responsables ne sont plus recrutés uniquement sur leurs compétences, mais aussi sur leurs opinions politiques. A ce moment-là, ça devient plus aléatoire.

L'autre problème, c'est le contrôle de gestion, qui semble-t-il est défaillant. Prenez l'exemple de Mathieu Gallet, qui aurait dépensé 795 000 euros à l'INA pour rémunérer un consultant, selon Le Canard enchaîné. On arrive encore à des sommes faramineuses alors que le conseil d'administration est censé contrôler l'usage qui est fait de l'argent public. Ils gèrent 90 millions d'euros d'argent public chaque année et doivent être contrôlés. 

L'INA doit-il porter plainte contre son ancienne directrice ? 

A partir du moment où l'argent a été utilisé à des fins non-professionnelles, en l'occurrence le week-end ou pour son fils, ce n'est plus du gaspillage. On entre dans le domaine du pénal. L'affaire doit avoir des suites judiciaires et, éventuellement, aboutir à des poursuites pénales si le détournement de biens publics est prouvé. Anticor attend que la ministre de tutelle, le conseil d'administration ou le prochain président déposent plainte au nom de l'INA pour qu'il y ait une enquête. L'article 40 du Code de procédure pénale oblige toute autorité informée d'un délit à saisir le procureur de la République. Dans ce cas, les autorités ne pourront pas dire qu'elles n'étaient pas informées, avec tous les articles de presse publiés depuis deux jours.

Anticor attend que soit faite la lumière sur cette histoire et sur l'étendue des dégâts. Si on découvre 40 000 euros de frais de taxi, à combien s'élèvent alors les frais de bouche, par exemple ? L'enquête devra déterminer précisément les montants utilisés à des fins non-professionnelles.  

Après l'affaire Gallet à Radio France et l'affaire Saal à l'INA, quels mécanismes ou quelles règles peuvent être mis en place pour éviter un nouveau scandale ?

La responsabilisation commence lors des nominations et se poursuit par les contrôles. La personne qui nomme doit faire son choix sur des critères de compétence, et ceux qui sont chargés de contrôler doivent contrôler efficacement. Il n'y a pas de solution miracle. Si les personnes responsables ne prennent pas leur mission au sérieux, on en arrive à des problèmes à tous les niveaux.

Il faut diminuer la politisation des nominations. Auparavant, la nomination en Conseil des ministres était là pour garantir une certaine neutralité. Maintenant, c'est au contraire pour garantir une certaine politisation. Parfois, elle peut s'expliquer, sur des fonctions comme les préfets, mais il y a là une politisation excessive qui n'est pas légitime.

La présidente de l'INA n'a pas à être proche du pouvoir en place, elle doit être choisie sur des critères de compétence, après appel à candidatures. On n'a pas à s'occuper de ses opinions politiques. On revient aux grands principes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur l'égalité d'accès aux emplois publics. 

Peut-on s'inspirer de ce qui se fait ailleurs ?

Dans les pays scandinaves, et plus particulièrement au Danemark, ils jouent la transparence absolue. Les notes de frais de toutes les administrations publiques, par exemple, sont rendues publiques sur internet, ce qui calme les dérives. En France, on pourrait aussi instaurer la transparence sur les dépenses, l'attribution de logements et de voitures de fonction, etc. De plus, au moment de la nomination d'un dirigeant d'une haute autorité, il faudrait prévoir des organes collégiaux indépendants qui permettent d'encadrer le choix final et demander des comptes sur les avantages attribués, les rémunérations, le nombre de collaborateurs. 

Actuellement, en France, il n'y a qu'une personne qui propose, une personne qui signe et c'est réglé. L'idée est d'imiter ce qui se fait pour les magistrats, qui sont organisés en commissions avec des parlementaires qui donnent des avis. En associant des organes collégiaux à ce pouvoir de nomination, on pourra mieux encadrer les nominations des 284 autorités qui, aujourd'hui, sont de plus en plus politisées. 

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