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Le procès Merah "a reposé sur une ambiguïté", selon l'avocat du second accusé

Christian Etelin, l'avocat de Fettah Malki, accusé d'avoir vendu une arme à Mohamed Merah, a défendu son client, jeudi, sur franceinfo. Le verdict est attendu dans la journée. 

Article rédigé par franceinfo
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Christian Etelin, l'avocat de Fettah Malki, le 2 octobre 2017 à Paris.  (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le verdict du procès Merah est attendu jeudi 2 novembre, après cinq semaines de débats. Les deux accusés, Abdelkader Merah et Fettah Malki, prendront la parole une dernière fois devant la cour d'assises spéciale de Paris. Le frère de Mohamed Merah, le terroriste qui avait tué sept personnes à Montauban et Toulouse en mars 2012, est poursuivi pour complicité d'assassinat. La réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté a été requise contre lui.

Fettah Malki est quant à lui jugé pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Il est accusé d'avoir vendu à Mohamed Merah un pistolet mitrailleur, un gilet pare-balles et des munitions. 20 ans de prison, assortis d'une peine de sûreté des deux tiers, ont été requis contre lui. "Il n'était pas du tout en mesure d'imaginer que Mohamed Merah allait commettre les crimes qu'il a commis", a réagi sur franceinfo Christian Etelin, l'avocat de Fettah Malki.

franceinfo : redoutez-vous ce verdict ?

Christian Etelin : Bien sûr qu'on redoute ce verdict, surtout lorsqu'il a été demandé 20 ans contre quelqu'un complètement étranger à toute perspective de terrorisme. Ce qu'il faut comprendre, c'est que Mohamed Merah, c'est Janus. C'est un homme à un visage mais deux faces. Il est comme un poisson dans l'eau dans la délinquance de droit commun, avec des copains de quartier qui pratiquent la délinquance avec lui. Et par ailleurs, et de façon tout à fait incompréhensible pour les délinquants avec lui, il est radicalisé religieusement, salafiste et engagé dans le jihadisme, ce que personne ne peut percevoir.

N'est-ce pas le cas de votre client ?

Mon client est totalement étranger à la religion, il ne pratique pas, il n'est pas du tout salafiste, il n'est jamais allé dans une mosquée. Mon client ne se préoccupe en aucune façon du jihadisme.

Comment expliquer cette réquisition : 20 ans de réclusion criminelle ?

Le parquet considère qu'à partir du moment où Fettah Malki connaissait de façon proche Mohamed Merah, il devait savoir que Mohamed Merah mûrissait dans sa cervelle les projets funestes et les crimes abominables qu'il a pu commettre. Donc au moment où on part de cette hypothèse, nécessairement Fettah Malki est sympathisant de la cause terroriste de Mohamed Merah.

Maître Dupont-Moretti a demandé l'acquittement d'Abdelkader Merah. Et vous ?

Je ne peux pas demander l'acquittement de Fettah Malki. Mon client a donné une arme, donc en tout état de cause, il devrait être jugé, si le jugement est bien fait, comme quelqu'un qui a trafiqué des armes. Mais dans le cadre d'une délinquance de droit commun. Il pourrait être considéré comme ayant participé à une association de malfaiteurs, mais de droit commun.

Ce procès dure depuis un mois. Il s'est déroulé dans un climat extrêmement tendu. Pensez-vous qu'il était nécessaire ?

Il était nécessaire, mais il a reposé sur une ambiguïté, parce que la thèse selon laquelle Mohamed Merah aurait pu agir en loup solitaire n'était pas acceptable. Il fallait absolument qu'il y ait un procès Mohamed Merah, à travers des personnes qui pourraient être considérées comme des complices. Alors, on a attrapé le frère, il est radicalisé, il tient des propos absolument révoltants sur les actions commises par Mohamed. Mais l'accusation a été en grande difficulté pour apporter les preuves que, en-dehors des idées d'Abdelkader Merah, on ne trouve pas les actions et la matérialité d'acte qu'il aurait pu commettre pour être complice des actes commis par Mohamed Merah. C'est là toute l'ambiguïté de ce procès : faire en sorte que tout ce qu'on peut reprocher comme pensées et idéologies d'Abdelkader devienne un acte matériel de complicité, et cela c'est impossible, l'accusation n'a pas pu apporter cette preuve.

Vous connaissiez bien Mohamed Merah, vous étiez son avocat entre 2006 et 2008. Pensez-vous qu'il a agi seul ?

J'ai même été son avocat en février 2012. Je suis absolument persuadé que d'abord il y a une dimension psychologique propre, une souffrance, un dérèglement psychique chez Mohamed Merah, compte tenu de ce qu'il a vécu et des rapports qu'il a eu avec sa famille et ses frères pendant son enfance et son adolescence. Il y a donc cette dimension qui lui est propre. Après, il s'intéresse de près à la religion, il se radicalise et les projets criminels qu'il mûrit dans sa tête lui sont propres. Il ne s'entend pas du tout avec son frère aîné. Et l'idée selon laquelle Abdelkader a fabriqué Mohamed comme une espèce d'instrument et d'automate qui aurait agi selon les idées du frère aîné est erronée, complètement erronée.

Votre client va prendre la parole une dernière fois ce matin. Que va-t-il dire ?

Il va essayer de convaincre que lui, quand il a donné cette arme, il n'était pas du tout en mesure d'imaginer que Mohamed Merah allait commettre les crimes qu'il a commis.

"Mon client est totalement étranger à la religion, il ne pratique pas." Christian Etelin, avocat de Fettah Malki à franceinfo.

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