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Angolagate : la contre-attaque de Charles Pasqua

Condamné à un an de prison ferme dans le cadre du procès de l'Angolagate, une affaire de trafic d'armes remontant aux années 1990, l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua a contre-attaqué en réclamant la levée du secret défense dans ce dossier mais aussi dans d'autres affaires politiques sensibles... Et d'assurer que cela "fera trembler un certain nombre de personnages de la République" et garnira "probablement" les prisons.
Article rédigé par franceinfo
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"Je crois que sur ces affaires de ventes d’armes, il faut que les choses soient clarifiées. Le président de la République était au courant de l’affaire de vente d’armes à l’Angola, le Premier ministre était au courant, la plupart des ministres aussi. Moi je n’étais pas compétent dans ce domaine.
_ Je demande au Président de la République de lever le "secret défense" sur toutes les ventes d’armes, sur toutes ces opérations qui ont été réalisées à l’étranger, afin que l’on sache s’il y a eu des retours de commission en France et qui en a bénéficié."

Qualifiant '"d'incompréhensible'" le jugement de ''l'Angolagate'', l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, condamné dans cette affaire à un an de prison ferme et à 100 000 euros d’amende, en a appelé directement à Nicolas Sarkozy. Invité du journal de 20 heures sur France 2 mardi, il a demandé au président de la République la levée du "secret défense", affirmant que les plus hauts dirigeants de l'Etat de l'époque avaient connaissance de la vente illicite d'armes à l'Angola.

A 82 ans, le sénateur et ex ministre de l'Intérieur a également annoncé son intention de faire appel de sa condamnation dans cette affaire et de saisir si besoin les plus hautes instances judiciaire. "Il y a eu la volonté de m'éliminer, c'est clair. On n'y parviendra pas", a-t-il lancé sur i-télé. "Je n’ai peur de rien et je combattrai jusqu’au bout !", a assuré Charles Pasqua.

S’il affirme qu'au sommet de l'Etat "tout le monde était au courant" de ces ventes d'armes, l’ancien premier ministre d’accuser implicitement l'ancien président Jacques Chirac d'être notamment à l'origine de ses ennuis judiciaires. "C'est à partir du moment où j'ai dit que je serais éventuellement candidat à la présidentielle qu’on a engagé contre moi un certain nombre de procédures", a-t-il déclaré sur RTL.

" Je ne vais pas commencer une carrière de délateur. Seulement je veux que la vérité éclate! ", a martelé Charles Pasqua.

RÉACTIONS

Plusieurs personnalités politiques ont réagi à la condamnation de l’ancien ministre de l'Intérieur, la plupart du temps pour lui apporter leur soutien. C’est le cas notamment de Jean François Probst, ancien conseiller de Jacques Chirac qui connait très bien Charles Pasqua. " Charles a beaucoup de défauts mais ce n’est ni un voyou, ni un escroc. C’est même pas un parrain ", a-t-il déclaré sur France Info. "Il a naturellement le droit de se défendre et on ne se défend jamais mieux qu’en faisant la vérité", a pour sa part indiqué le ministre de la Relance Patrick Devedjian sur notre antenne.

Alors, faut-il lever le secret défense dans cette affaire ? Pour Patrick Devedjian, plus de 15 ans après les faits, "les intérêts nationaux ne sont plus en cause", estime-t-il. Le président du MoDem François Bayrou s'est dit lui aussi favorable à la levée du secret défense, notamment dans l'affaire de l'Angolagate, pour que "la vie politique soit assainie". "Il faut lever le secret défense, parce qu'il y a trop de soupçons, de suspicions (...). Les frégates de Taïwan, l'Angolagate, Karachi, tout ça empoisonne depuis des années et des années la vie politique française", a-t-il estimé sur LCI. Oui à la levée du "secret défense" répondent également les parlementaires socialistes qui ont lancé hier une pétition dans ce sens.

Le "secret défense", c’est "une manière pour l’Etat de protéger un certain nombre d’informations". Et " c’est le code pénal qui prévoit de défendre les intérêts fondamentaux de la nation ", rappelait un peu plus tôt sur notre antenne Jean-Dominique Merchet, journaliste au quotidien Libération, spécialisé dans les questions de défense. "Ce sont des informations que le gouvernement n’a pas envie de mettre sur la place publique, la plupart du temps, et quasiment tout le temps, pour de bonnes raisons", a-t-il indiqué. Concernant l’affaire de l’Angolagate, " soit ces armes ont été vendues de manière légale et dans ce cas là, évidemment, tout le monde le savait puisque le secret de la défense nationale relève d’un organisme qui dépend du Premier ministre. En revanche, si ces contrats d’armement ne sont pas légaux, c’est-à-dire s’apparentent à du trafic, dans ce cas là on ne le sait que s’il y a eu des enquêtes des services de renseignement", a-t-il expliqué. Mais selon le journaliste, " il est difficile de croire effectivement qu’on puisse faire de grands contrats d’armement dans notre pays sans que l’Etat soit au courant ".

Balladur et Juppé nient avoir été au courant

Mis en cause par Charles Pasqua, l'ancien ministre des Finances puis Premier ministre de François Mitterrand dans les années 90, Edouard Balladur, a affirmé ne pas avoir été ''spécialement informé'' sur ces ventes d'armes avant de préciser ''pas du tout''. Quant à Alain Juppé, Premier ministre de 1995 à 1997, il a fait état de ''procédures'' qui ''ne couvrent pas les rétro-commissions illégales à des citoyens nationaux. Donc, ça, s'il y en a eu évidemment, nous n'étions pas au courant'', a-t-il déclaré.

PRISON FERME POUR QUATRE DES PRINCIPAUX PROTAGONISTES

De lourdes peines de prison ferme ont été prononcées hier à l’encontre des principaux protagonistes de l’affaire de l’Angolagate, ce trafic d’arme entre la France et l’Angola, pays alors en guerre civile et soumis à un embargo de l’ONU. Le tribunal correctionnel de Paris a ainsi condamné plusieurs personnalités. Les hommes d'affaires Arcadi Gaydamak et Pierre Falcone écopent de 6 ans de prison ferme, quinze mois pour Jean-Charles Marchiani. L’ancien ministre de l’intérieur, Charles Pasqua a pour sa part été condamné à un an de prison ferme et de 100.000 euros d’amende.

Cécile Mimaut.

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