Arnaques au CPF : "Des escrocs prospèrent sur une espèce de laxisme du régulateur", déplore un avocat

Un réseau de fraude au compte personnel de formation (CPF) a été démantelé dans les Yvelines, avec un préjudice estimé à au moins 31 millions d'euros.
Article rédigé par franceinfo
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Les tentatives d'arnaques au CPF se multiplient ces dernières années. (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

"On remarque effectivement une croissance continue de ces dossiers 'arnaques CPF'. C’est tout à fait stupéfiant", souligne jeudi 26 septembre sur franceinfo Alexandre Dakos, avocat au sein du cabinet Ziegler et associés, spécialisé dans les escroqueries, alors qu’un réseau de fraude au Compte personnel de formation (CPF) a été démantelé dans les Yvelines. Le préjudice est estimé à au moins 31 millions d'euros. Cinq personnes ont été arrêtées depuis la semaine dernière, trois ont été placées en détention provisoire. L’avocat.estime que les contrôles ne sont pas suffisants. Alexandre Dakos appelle à "renforcer la sensibilisation des utilisateurs […], dissuader de manière beaucoup plus ferme les escrocs et améliorer le niveau de certification de ces organismes" de formation.

franceinfo : Gérez-vous beaucoup d’affaires liées à des arnaques au CPF ?

Alexandre Dakos : Je vous confirme qu'on en a, non seulement régulièrement, mais de plus en plus. Depuis quelques années, à l'échelle modeste de notre cabinet d'avocats, on remarque effectivement une croissance continue de ces dossiers "arnaques CPF". C’est tout à fait stupéfiant.

Aujourd'hui, plus de 38 millions de Français ont un solde de CPF. Sauf qu'il y a que 15 millions de Français qui l'ont vraiment ouvert et utilisé. Ce sont des dizaines de milliards endormis. C’est ce qui attire les escrocs ?

C’est évidemment du pain béni pour les escrocs, puisque c'est de l'argent qui est en quelque sorte virtuel pour les bénéficiaires. Ce n'est pas de l'argent qui peut être dépensé pour le pouvoir d'achat des actifs. Lorsque les escrocs vont détourner cet argent, qui est donc très facilement disponible, les victimes vont beaucoup moins porter plainte que si les escrocs avaient détourné de l’argent faisant partie de leur patrimoine financier. On se sent moins volé. C’est un facteur supplémentaire qui incite les escrocs à détourner l'argent des CPF. Le risque pénal pour les escrocs est beaucoup plus faible que pour une arnaque classique comme détourner des fonds sur un compte bancaire.

La Caisse des dépôts n'arrive pas à empêcher ces arnaques ?

La Caisse des dépôts a mis en œuvre un certain nombre de mesures qui sont censées permettre de réguler ces arnaques, notamment des certifications qui sont offertes aux organismes réguliers avec des sanctions prévues évidemment pour les escrocs. La régulation qui aujourd'hui a été mise en place par la Caisse des dépôts est largement insuffisante pour prévenir et sanctionner efficacement ces escroqueries. Aujourd'hui, des escrocs prospèrent sur une espèce de laxisme du régulateur. Aujourd'hui, il existe une certification qui est délivrée aux organismes de formation réguliers. En revanche, à mon sens, ce degré de vérification est encore largement insuffisant. Vous avez beaucoup d'organismes frauduleux bidon qui, du coup, en profitent pour dispenser des formations tout aussi frauduleuses.

Le salarié doit désormais payer 100 euros pour débloquer son CPF. C’est une mesure utile ?

C’est effectivement une mesure qui va dans le bon sens. Elle permet d'offrir une garantie supplémentaire. Il faudrait offrir un certain nombre de mesures complémentaires, notamment renforcer la sensibilisation des utilisateurs qui aujourd'hui ne sont pas assez sensibilisés sur les arnaques, dissuader de manière beaucoup plus ferme les escrocs et améliorer le niveau de certification de ces organismes qui sont régulés.

Que faut-il faire quand on est confronté à cette escroquerie ?

Il y a deux types d'arnaques. Soit vous arrivez à obtenir le consentement de la victime, sauf que ce consentement est vicié dans la mesure où la formation est frauduleuse. Soit vous n'obtenez pas le consentement des victimes et vous l’inscrivez finalement d'office à une formation bidon. Il faut distinguer ces deux hypothèses. La réponse apportée n'est pas la même lorsque vous obtenez le consentement vicié de la victime. Je conseille d'aller vérifier par soi-même si l'organisme qui vous a contacté est bien inscrit sur les listes officielles et dispense bien des formations qui sont validées. En revanche, si vous avez été inscrit d'office à une formation dont vous n'avez même pas eu connaissance du fait que vous étiez inscrit, dans ce cas-là, j'invite les victimes à déposer plainte immédiatement et faire en sorte que ces organismes frauduleux puissent être condamnés.

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