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Forces de l'ordre équipées de caméras-piétons : "Ça protège les policiers, mais pas les citoyens"

Les caméras-piétons pour les policiers seront obligatoires dans les zones sensibles à partir du 1er mars. Cette mesure, qui fait suite à l'affaire Théo, ne satisfait pas Baki Youssoufou, du collectif Quoi ma gueule. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un policier arbore une caméra-piéton, le 2 mars 2016, à Calais(Pas-de-Calais).  (DENIS CHARLET / AFP)

Alors que le dispositif est expérimenté depuis 2014 dans des zones test, le décret systématisant l'utilisation de la caméra individuelle lors des contrôles d'identité dans les zones de sécurité prioritaires (ZSP) entre en vigueur mercredi 1er mars. Policiers et gendarmes vont être équipés de caméras-piétons qu'ils devront obligatoirement déclencher lors des contrôles d'identité. Cette mesure avait été annoncée après la violente interpellation de Théo, en février, à Aulnay-sous-Bois.

Baki Youssoufou, fondateur du collectif Quoi ma gueule, a dénoncé mercredi sur franceinfo le manque d’efficacité de ces caméras : "Ça protège les policiers, mais pas les citoyens et ça ne règle pas la question du contrôle au faciès". Pour lui, le problème vient du fait que "c’est toujours le policier qui éteint et déclenche la caméra". Baki Youssoufou a aussi posé la question des "données" récoltés et "leur utilisation".

L’ensemble des forces de l’ordre n’est pas concerné pour l’instant. Ce dispositif sera testé jusqu'au 3 juin 2018 sur 23 sites classés parmi les 80 ZSP, zone de sécurité prioritaire. Cela concerne la région parisienne, mais aussi la Haute-Garonne ou encore les Alpes-Maritimes. À Marseille, ce type de caméras est testé depuis deux ans dans le centre-ville par la brigade VTT.

franceinfo : Le déclenchement obligatoire d'une caméra-piéton à chaque contrôle d’identité, est-ce un élément qui change quelque chose pour vous ?

Baki Youssoufou : Le collectif Quoi ma gueule n’est pas anti-caméra absolu. On pense que les caméras auraient même pu apaiser les tensions si elles étaient pensées pour protéger les citoyens. Mais elles sont pensées pour protéger les agents, pour étayer les procédures. C’est toujours le policier qui éteint et allume l'appareil. C’est un des éléments qui nous poussent à douter. L’agent peut déclencher la caméra une fois qu’il vous a insulté, par exemple.

Peut-on espérer que la caméra change les comportements ?

Pour nous, il y a des questions qui se posent, notamment les données et leur utilisation.

Qui aura accès à ces données ? Les chercheurs, les associations  auront-ils accès à ces images ? Sera-ce la même procédure pour les caméras de surveillance ? Ont-elles une valeur juridique ?

Baki Youssouf, du collectif Quoi ma gueule

à franceinfo

Pour nous, ça ne règle rien pour les contrôles au faciès ni pour comprendre si l’agent a respecté la procédure lors d’un contrôle. Ça ne règle pas la question de l’objectivité et de la subjectivité. Souvent les jeunes contrôlés déclarent que le policier leur a dit : "Ta tête ne me revient pas", or ce n’est pas un critère objectif pour justifier un contrôle d'identité. Pour nous, les caméras protègent les policiers, mais ne protègent pas les citoyens.

Faut-il que le policier déclenche la caméra dès qu'il sort de son véhicule ?

Il y a des pays comme l’Angleterre où la caméra n’est pas déclenchée par l’agent, mais par autrui. L’agent lui-même ne sait pas quand la caméra est allumée. Dans ce cas, la caméra est pensée pour protéger les citoyens. Nous vivons des moments difficiles, avec plusieurs policiers qui sont mis en cause pour violences et viol. Et le gouvernement de gauche ne trouve rien de mieux à faire que de voter une loi pour renforcer les pouvoirs de la police lors d’un contrôle.

Selon vous, rien n’aurait changé si les policiers avaient eu cette caméra lors du contrôle de Théo ?

Peut-être qu’on aurait mieux vu ce qu’ils appellent "l’accident". Mais ça n’aurait rien changé dans l’affaire Théo et ça n’aurait pas empêché la mort d’Adama Traoré.

Forces de l'ordre équipées de caméras-piétons : "Ça protège les policiers, mais pas les citoyens", selon Baki Youssoufou, du collectif Quoi ma gueule

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