Qui était l'agresseur des trois policiers à Joué-lès-Tours ?
On en sait un peu plus sur Bertrand Nzohabonayo, qui s'en est pris à trois agents d'un commissariat d'Indre-et-Loire, avant d'être abattu.
Il se faisait appeler Bilal sur Facebook. Agé d'à peine 20 ans, ce jeune homme de nationalité burundaise a poussé la porte du commissariat de Joué-lès-Tours vers 14 heures, samedi 20 décembre. C'est à l'arme blanche, avec un long couteau de cuisine, qu'il s'en est pris à trois policiers avant d'être abattu par les fonctionnaires.
L'agresseur "a crié 'Allahou Akbar' ["Dieu est le plus grand", en arabe] du moment où il est entré jusqu'à son dernier souffle", a rapporté une source proche de l'enquête. Immédiatement, la section antiterroriste du parquet de Paris s'est saisie de l'affaire. Les motivations de l'agresseur restent encore floues, alors qu'il n'a laissé aucun mot pour expliquer son geste. Fanatique guidé par les injonctions du groupe Etat islamique ou jeune homme perdu agissant sous l'influence de son jeune frère, qui était vraiment Bertrand Nzohabonayo ?
Il s'est converti à l'islam il y a quatre ans
Lorsque l'on clique sur sa page Facebook – aujourd'hui désactivée –, la thèse d'un endoctrinement fait sens. Le jeune homme y postait des sourates du Coran depuis plus d'un an et le drapeau noir du groupe jihadiste Etat islamique est affiché en photo de couverture, publiée le 18 décembre, soit deux jours seulement avant l'agression. Sur sa chaîne YouTube, les vidéos qu'il diffuse sont toutes en lien avec un islam radical.
Voilà quatre années que le jeune homme, issu d'une famille chrétienne, s'est converti. Il y a un an, il s'était rapproché de la mosquée de Joué-lès-Tours. Pourtant, selon l'association des Amis de la mosquée, il avait cessé de la fréquenter pendant plusieurs mois.
Dans une vidéo de BFMTV, un homme, qui affirme le connaître depuis ses 16 ans, témoigne de la radicalisation de son discours : "Il était prêt à partir [faire le jihad]. S’il avait eu le passeport et l’argent, il serait parti. Il a même fait une tentative." "Les vidéos qu’il regardait chez lui, c’est ce qui l’a poussé à devenir aussi radical", avance-t-il encore.
Il a été condamné pour des faits de petite délinquance
Bertrand Nzohabonayo était connu des services de police puisqu'il avait été condamné sept fois pour des faits de petite délinquance : trafic de stupéfiants, extorsion, vol à l'étalage et recel de vol ainsi que des violences, selon le procureur de la République de Paris, François Molins. Ce dernier précise que Nzohabonayo n'a jamais été incarcéré mais condamné à des réparations pénales ou à des peines de prison avec sursis.
L'agresseur aurait été convoqué à plusieurs reprises par le commissariat de Joué-lès-Tours. Certains rapportent même une altercation avec les policiers, comme le relate La Nouvelle République. Le quotidien régional relaye aussi les propos d'Ali, une connaissance de BertrandNzohabonayo : "Ce n'était pas un mec endormi, il était motivé", dit-il. Le jeune homme avait ainsi participé à des formations, s'était inscrit à Pôle emploi. Il avait pratiqué la lutte et s'adonnait parfois au rap, en tant que chanteur.
Il n'était pas "fiché" par les renseignements français
Bertrand Nzohabonayo "n'était pas fiché" par la Direction générale de la sécurité intérieure pour "des activités à caractère terroriste", comme l'a précisé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Cependant, il était connu des services de renseignements via son frère Brice, "dont il était très proche", selon le procureur de Paris qui s'est exprimé lundi 22 décembre au cours d'une conférence de presse.
Agé de 18 ans, Brice a été arrêté le 20 décembre au Burundi, comme l'a annoncé le Service national du renseignement du pays. Celui-ci était déjà connu pour son islamisme radical et ses projets de départ en Syrie. Selon le procureur, la mère des deux garçons avait déjà signalé le comportement de Brice en août 2013, notamment soucieuse de l'influence qu'il exerçait sur son frère.
Il a connu une jeunesse compliquée
Le directeur de l'association des Amis de la mosquée, Mohamed Abdellaouy, raconte avoir vu Bertrand Nzohabonayo une dizaine de jours avant l'agression après plusieurs mois d'absence. Après la prière, il se souvient avoir engagé la conversation. "Il avait l'air stressé, énervé. Il m'a dit qu'il avait un problème familial. Je l'ai vu pleurer. Il ne parlait pas beaucoup."
C'est en 2004, trois ans après sa mère, que l'agresseur des trois policiers est arrivé en France, à l'âge de 10 ans, accompagné de son père, ses deux frères et sa sœur. Alors que ses parents se séparent et que son père, ancien haut dignitaire du Burundi, déménage à Paris, Bertrand et son jeune frère Brice sont placés en foyers et familles d'accueil. D'après le procureur, ils sont alors suivis en assistance éducative.
Selon les premiers éléments de l'enquête, au moment de l'agression, Bertrand Nzohabonayo vivait successivement chez plusieurs membres de sa famille dont sa sœur. Le logement de celle-ci a été perquisitionné. Mais en l'absence d'éléments indiquant une quelconque complicité, sa garde à vue devrait être levée, lundi soir, a précisé le procureur.
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