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Fusillade de Beaune : "Il n'y a pas eu un étouffement" du caractère raciste de l'affaire, pour l'avocat de trois des victimes

Deux hommes ont été mis en examen dans cette affaire et le caractère raciste a été retenu par le parquet. Mais avant cela, des associations ont estimé que cette agression n'avait pas été assez médiatisée. L'avocat de plusieurs victimes réagit à ce sujet pour franceinfo. 

Article rédigé par franceinfo - Lison Verriez
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le lieu où la fusillade s'est déroulée, à Beaune (Côte-d'Or), dans la nuit du 29 au 30 juillet 2018. (MAXPPP)

Deux hommes ont été mis en examen et écroués, dimanche 12 août, suspectés d'avoir blessé sept jeunes habitants d'origine maghrébine dans la nuit du 29 au 30 juillet à Beaune (Côte-d'Or). Ils sont poursuivis pour "tentative d'assassinat, violence aggravée par (...) notamment la circonstance que les faits ont été commis en raison de l'appartenance à une soi-disant race, religion ou ethnie, réelle ou supposée, injures publiques à caractère racial, menaces de mort à caractère racial", a précisé Thierry Bas, le procureur adjoint de Dijon.

Dès le lendemain de la fusillade, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer le fait que le caractère raciste de l'agression aurait été passé sous silence, allant même jusqu'à parler de "sous-médiatisation" de l'affaire. Plusieurs associations, à l'image de SOS Racisme ou la Licra, ont pointé, à leur tour, un certain silence, SOS Racisme s'émouvant dans un communiqué "du traitement judiciaire et médiatique de la fusillade de Beaune".

La justice a-t-elle tardé à envisager le caractère raciste de l'attaque ? Les médias ont-ils sous-traité cette affaire ? Pour faire le point sur le déroulé des faits et de l'enquête, franceinfo a interrogé Samuel Estève, avocat de trois des victimes. 

Franceinfo : Comment expliquez-vous le fait que la qualification de "racisme" ait été abordée si tardivement par les autorités ? 

Je connais la polémique, mais je ne suis pas du tout d'accord avec ce constat. Le parquet de Dijon a réagi tout à fait normalement. Je ne suis pas du tout d'accord avec les critiques qui lui sont adressées, c'est tout à fait injuste. 

Dans un premier temps, les autorités en charge de l'enquête ont été extrêmement prudentes. Dans une affaire comme celle-ci, qui est à la fois grave et exceptionnelle, surtout pour une ville comme Beaune, il faut d'abord chercher à comprendre ce qu'il s'est passé, sans exclure aucune hypothèse, notamment celle du règlement de comptes qui a été envisagée… Au début des investigations, on ne connaît pas la vérité, on ne sait rien, on ne sait pas s'il est question d'une connotation raciste qui touche le mobile, donc l'action, le passage à l'acte, ou les événements périphériques comme les injures... Donc on est prudent. Et la prudence en matière judiciaire, y compris du côté du parquet, c'est une excellente chose.

Au fur et à mesure que l'investigation a avancé et des différents éléments qui ont été récoltés, les enquêteurs en ont su un peu plus. On a évidemment mieux compris comment les choses se sont passées, on a appris de l'enquête et forcément le parquet en a tiré toutes les conséquences. 

Le parquet a retenu finalement la qualification pénale la plus couvrante, la plus complète, susceptible de qualifier tous les faits et tous les aspects des faits, y compris la connotation existante de racisme.

Samuel Estève, avocat de trois des victimes

à franceinfo

Aujourd'hui, l'heure n'est pas à la polémique, il faut reconnaître le travail tout à fait remarquable qui a été fait par les forces de police de Dijon sous la direction du parquet.

Concernant l'aspect médiatique, pensez-vous que les médias n'ont pas suffisamment couvert l'affaire ?

Non, pas davantage. Je ne sais pas ce qui permet d'affirmer cela. Quand j'ai été saisi, ce qui m'importait, c'était que les auteurs soient retrouvés le plus vite possible et que l'enquête prospère. Je n'avais aucun doute sur l'enquête et la façon dont elle a été menée. Il y a eu une mobilisation exceptionnelle des forces de l'ordre de Dijon, il faut le dire.

Au-delà de ça, l'aspect médiatique, pour moi, est secondaire. Les associations, peut-être, se plaignent, d'une insuffisance à cet égard, mais moi je ne sais pas de quoi on parle. Il n'y a rien qui permette de dire qu'il y a eu un étouffement. J'ai participé à plusieurs interviews, y compris dans la presse nationale.

Il n'y a eu aucune sous-couverture consciente, ça me semble totalement hors de propos et, encore une fois, infondé.

Samuel Estève

à Franceinfo

Ou alors qu'on m'explique ce qui permet de dire ça. Mais moi, ça n'est pas ça qui me soucie. C'était d'abord de trouver les auteurs, c'est ça qui m'importait.

Et du point de vue des réactions politiques ? 

Je suis avocat, je défends et je soutiens. Je ne suis pas militant. Indépendamment des discours de la presse et des politiques, je défendrai jusqu'au bout et je ferai en sorte que les auteurs soient déclarés coupables. Le reste, ce n'est pas ma mission, pas mon problème. C'est peut-être celui des associations. Sur le plan pénal, l'aspect raciste sera pris en compte, c'est ça qui est important.

Comment les victimes de cette agression, vos clients, ont vécu cette polémique ? Ont-ils regretté que la qualification raciste mette du temps à être mise en avant ?

Non, je n'ai pas l'impression que, de la part des victimes, ce soit le discours ambiant, ni prioritaire. Ils étaient inquiets que les auteurs se trouvent dans la nature. Ils étaient dans la souffrance parce que les faits sont extrêmement violents : outre les blessures physiques, pour certains qui sont très graves, il faut aussi gérer les blessures psychologiques et le traumatisme. Que l'aspect raciste soit reconnu par le parquet, celui qui poursuit et conduit les investigations, voilà leur souci. Et puis leur satisfaction de voir les auteurs arrêtés, voilà de quoi ont parlé les victimes, pas de cette polémique. 

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