Colère et tristesse à Beaumont-sur-Oise après la mort d'un homme de 24 ans
Après plusieurs nuits de tensions dans cette ville de région parisienne de 9 000 habitants, la famille d'Adama Traoré appelle au calme mais réclame la vérité sur la mort du jeune homme lors de son arrestation par les gendarmes, lundi.
Le calme de cette fin de matinée ensoleillée tranche avec les violences de la nuit passée. La cité de Boyenval, à Beaumont-sur-Oise, se réveille doucement, jeudi 21 juillet, après deux soirées de cocktails Molotov, d'interpellations musclées et de voitures brûlées. Depuis la mort d'Adama Traoré, un jeune de 24 ans, environ 200 personnes laissent éclater leur colère à la tombée de la nuit dans plusieurs villes du Val-d'Oise. Les proches d'Adama se disent convaincus que le jeune homme a été victime d'une bavure commise par les gendarmes de la ville.
Devant les petits immeubles rectangulaires de Boyenval, amis et famille évoquent avec tristesse la perte d'un "mec bien" apprécié de tous. "C'était un grand frère, il avait toujours un mot positif. Pour moi, c'était une source d'inspiration", témoigne un ami d'enfance d'Adama. Mais, rapidement, la tristesse laisse place à la colère. "Vu les faits et la chronologie des événements, pour moi, il n'y a pas de doute, il a été victime d'une bavure et ils ont cherché à camoufler leurs erreurs", affirme sans trembler Lassana Traoré, le grand frère d'Adama.
Il n'y a que dans les locaux de la police que l'on peut mourir d'un malaise quand on est en bonne santé.
"On veut juste la vérité"
Pour les proches d'Adama, la fureur est à la hauteur de l'incompréhension. "Il y a des incohérences dans la chronologie des faits, dans leurs explications, s'agace Lassana Traoré, un coup on nous parle d'une extorsion de fonds, un coup d'un simple contrôle d'identité." En réalité, selon plusieurs sources, Adama aurait été arrêté par la gendarmerie alors qu'il s'interposait lors de l'interpellation de son frère. "On veut juste la vérité et la justice pour notre frère", ajoute le grand frère.
La famille du jeune homme dénonce aussi un "acharnement" des forces de l'ordre à l'encontre d'Adama. "Ils le connaissaient, on est dans un petit village ici mais, malgré ça, ils l'emmenaient en garde à vue s'il n'avait pas ses papiers sur lui", dénonce Lassana Traoré. Avec ses 9 000 habitants et sa petite cité d'une demi-douzaine d'immeubles, Beaumont-sur-Oise est effectivement plus proche du gros bourg périurbain que de la grande ville de banlieue parisienne.
Appel au calme
Sur le parking, près de l'entrée de leur immeuble, la famille nombreuse s'organise et se répartit les tâches entre rendez-vous à la mairie, rencontre avec l'avocat et les courses pour le ravitaillement. La grande sœur d'Adama, Mama Traoré, se prépare pour une visite à la préfecture afin d'obtenir l'autorisation d'organiser une marche en mémoire de son petit frère vendredi : "On souhaite organiser cette marche mais, surtout, on veut appeler au calme." Depuis mardi, la famille d'Adama assure qu'elle fait tout son possible pour contenir la violence qui couve dans la cité. "La jeunesse du quartier est blessée, mais on veut éviter que ça dégénère, on veut éviter de mettre de l'huile sur le feu", assure avec calme un beau-frère d'Adama.
La famille d'Adama ne comprend pas comment un jeune homme de 24 ans, a priori en bonne santé, adepte de musculation, de football et de course à pied, peut d'un seul coup mourir d'un malaise cardiaque lors d'une interpellation. L'autopsie a pourtant révélé que le jeune homme souffrait d'une "infection très grave", "touchant plusieurs organes" et qu'il ne portait pas de "traces de violences significatives". Mais la famille du jeune homme reste méfiante. "L'avocat nous a dit de ne pas tenir compte de l'autopsie, c'est loin d'être fini", explique Assa, une de ses sœurs.
Carcasses carbonisées
Parmi les habitants de la cité, certains commencent à exprimer une lassitude en raisons des tensions qui traversent le quartier. "Moi, j'ai vu les cocktails Molotov voler la nuit dernière, maintenant j'aimerais bien que ça s'arrête, lâche une résidente, on aimerait bien dormir la nuit et on s'inquiète pour nos voitures. De toute manière, cette violence, ça ne leur rendra pas Adama." Annie, une autre habitante confirme : "On est tous choqués et on commence à avoir peur."
Sur la place, juste devant la mairie, les stigmates de la colère sont encore présents. Deux voitures brûlées encombrent les places de parking. En raison des événements, la mairie comme la gendarmerie restent fermées. La maire de la ville, Nathalie Groux, tente d'apaiser la situation : "Je renouvelle mon appel au calme. Il faut attendre les résultats de l'enquête." L'édile tient à faire la différence entre les émeutes urbaines et l'épreuve traversée par la famille Traoré.
Ma priorité, c'est la sécurité des biens et des personnes, indépendamment du drame que vit la famille.
Nathalie Groux assure par ailleurs qu'il n'y a pas de problème particulier avec la cité de Boyenval. "J'ai une attention particulière pour ce quartier. Ils savent très bien qu'ils ont une oreille attentive à la mairie", assure Nathalie Groux. Ce n'est pas tout à fait l'avis des habitants de la cité. "Il n'y a pas d'encadrement, de MJC [Maison des jeunes et de la culture], constate Laurent, un voisin. Avant, sous Jospin, avec les emplois-jeunes, on avait des médiateurs. Désormais, les jeunes sont livrés à eux-mêmes".
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