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Le tireur solitaire, "la peur de tous les services de renseignement"

Abdelhakim Dekhar était "indétectable", selon Bernard Squarcini. Pour l'ancien directeur central du renseignement intérieur, l'enjeu est aujourd'hui de trouver un moyen de localiser ces profils avant leur passage à l'acte.

Article rédigé par franceinfo - Audrey Goutard et Hervé Pozzo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Bernard Squarcini, alors directeur du renseignement intérieur, rue du Sergent-Vigné, à Toulouse (Haute-Garonne), où vivait Mohamed Merah, le 21 mars 2012. (MAXPPP)

Abdelhakim Dekhar reste muet. S'il a répondu aux questions concernant son état civil, il a fait valoir son "droit de se taire", comme l'y autorise le code de procédure pénale.

En garde à vue depuis son arrestation, mercredi 20 novembre, l'homme qui a tiré sur un assistant photographe de Libération et devant le siège de la Société générale à Paris n'a rien dit aux enquêteurs sur ses motivations. Dans des écrits trouvés par les enquêteurs, Abdelhakim Dekhar évoque un "complot fasciste", fustige la "gestion des banlieues" mais aussi le rôle des médias.

A la tête du renseignement intérieur au moment de l'affaire Merah, Bernard Squarcini estime que "nous sommes dans une crise sociétale et il y a donc chez certaines personnes une prédisposition au passage à l'acte." Abdelhakim Dekhar avait en plus "participé à l'élaboration d'une cellule de l'ultragauche autonome en 1994", rappelle-t-il. "Il avait, dans son délire paranoïaque, des objectifs à atteindre, et il les a atteints", juge l'ancien patron de la DCRI.

"Dans son délire paranoïaque il a atteint ses objectifs (A.Goutard/H.Pozzo - France tv)

Peu de gens avaient reconnu Abdelhakim Dekhar sur les photos diffusées par la police. Ce genre de personne solitaire, "indétectable", qui se fond dans la société et dont rien ne laisse présager un passage à l'acte, présente "un risque de plus en plus important", analyse Bernard Squarcini. "C'est la peur de tous les services de renseignement européens et étrangers".

"Nous n'avons pas l'arsenal juridique pour lutter contre ces profils. (A.Goutard/H.Pozzo - France télévisions)

Mais l'arsenal juridique n'est pas suffisant pour faire face à ce terrorisme d'un nouveau genre, regrette l'ancien directeur de la DCRI. "Dans notre régime de liberté individuel, il faut un cadre juridique pour voir évoluer l'individu jusqu'à l'acte qu'il va commettre." Circulation des armes, suivi des individus sortis de prison, des anciens patients d'instituts psychiatriques… Pour Bernard Squarcini, il faut se demander "quel modèle de sécurité nous voulons pour nos enfants et nos petits enfants". Car, explique-t-il, il y aura d'autres profils similaires à celui d'Abdelhakim Dekhar, qui se seront radicalisés seuls et sans attirer l'attention. L'enjeu est désormais de savoir comment "localiser cette tête d'épingle".

 

 Bernard Squarcini."Renseignement français : nouveaux enjeux" (Ellipses, 2013).

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