Affaire Maëlys : la reconstitution permet de "confronter" le mis en examen "aux incohérences ou aux invraisemblances de sa version"
Une reconstitution a été organisée dans la nuit de lundi à mardi, avec Nordahl Lelandais, pour éclaircir les circonstance de la mort de la petite Maëlys. Pour Vincent Charmoillaux, secrétaire national du Syndicat de la magistrature et ancien juge d'instruction, cela permet de confronter la personne mise en examen "aux incohérences ou aux invraisemblances de sa version".
Une reconstitution de la mort de la petite Maëlys a été organisée dans la nuit de lundi 24 à mardi 25 septembre avec Nordahl Lelandais, mis en examen dans l'affaire. Vincent Charmoillaux, secrétaire national du Syndicat de la magistrature et ancien juge d'instruction, explique lundi sur franceinfo qu'une reconstitution permet de "confronter [la personne mise en examen] aux incohérences ou aux invraisemblances de sa version".
franceinfo : La reconstitution sert-elle à visualiser le crime, à provoquer un déclic chez la personne mise en examen ?
Vincent Charmoillaux : À provoquer un déclic, mais pas toujours sur le moment. En fait, une reconstitution est quelque chose de très long, d'assez fastidieux, de très méticuleux. On va décomposer à l'extrême ce qui s'est passé. On passe parfois huit heures sur des actes qui ont duré une poignée de minutes.
C'est très haché, très formel, très codifié, mais s'il n'y a pas d'évolution spectaculaire sur les lieux, par contre, ça permet de constituer un matériel avec l'ensemble des albums photographiques, l'ensemble des constatations des experts qui permet derrière de travailler en interrogatoire avec la personne mise en examen, pour la confronter aux incohérences ou aux invraisemblances de sa version, telle qu'elle ressort de ce qu'elle a joué.
Comment se passe une reconstitution ?
C'est le juge d'instruction qui va être le chef d'orchestre en reconstitution, c'est-à-dire que c'est lui qui va demander à la personne mise en examen de rejouer ce qui s'est passé, parfois avec des figurants qui vont être soit des policiers, soit des acteurs, qu'on va positionner sur des indications de la personne mise en examen.
Et puis le juge d'instruction va arrêter aux moments clés, éventuellement en posant des questions à la personne pour préciser sa position, par exemple la position de son bras, ou s'il y a une arme, la manière dont l'arme est tenue et dans quelle direction. Et à chaque fois qu'il arrête, il va faire prendre des photos, sur un certain nombre d'angles qu'il détermine, à un policier de l'identité judiciaire, et on va s'arrêter à chaque fois. S'il y a plusieurs personnes présentes, on va rejouer la version de chaque personne. S'il y a des experts présents, on va s'arrêter parfois pour qu'ils prennent des mesures, fassent des constatations, ou donnent des indications sur ce qui est possible ou pas. Et on va parfois revenir en arrière pour vérifier un autre point. Il y a également les témoins qui peuvent être présents pour indiquer comment eux ont vu le positionnement des uns et des autres, par exemple.
La difficulté, c'est d'être confronté à la mauvaise volonté des suspects ?
Il y a parfois des mis en examen qui vont refuser par principe de participer à la reconstitution. Ils en ont le droit. Ils ont le droit au silence de toute façon dans les interrogatoires et je dirais que l'absence de geste dans la reconstitution, ce n'est guère que la prolongation du droit au silence. Après, vous avez plusieurs cas différents. Si par exemple, vous avez une personne dont la version est de dire "je n'étais pas là", "je n'ai rien à voir avec ça", ça n'a aucun sens de lui faire rejouer une scène à laquelle elle dit ne pas avoir participé.
Parfois, vous avez des gens qui reconnaissent un certain nombre de choses, qui reconnaissent avoir été sur les lieux, mais qui vont refuser de matérialiser ces gestes-là, pour une raison ou une autre, c'est leur droit. Après, c'est une stratégie de défense qui peut avoir sa légitimité, mais qui est quand même une forme d'obstruction, qui n'est pas toujours extrêmement bien vue même si elle peut s'expliquer ou être justifiée dans certains cas. C'est quand même un choix de défense qui doit être fait de manière réfléchie et avec prudence.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.