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Evasion de Redoine Faïd : quelles failles ont-elles pu permettre au braqueur de s'échapper de la prison ?

Le célèbre braqueur s'est évadé pour la deuxième fois, dimanche, cueilli par un commando de trois complices qui ont détourné un hélicoptère. Un plan qui interroge sur la sécurité de la prison de Réau.

Article rédigé par franceinfo
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Le centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne), le 24 septembre 2013. Redoine Faïd s'en est évadé le 1er juillet 2018. (THOMAS SAMSON / AFP)

Où est Redoine Faïd ? Le braqueur récidiviste devenu une célébrité a été exfiltré de la prison de Réau (Seine-et-Marne), dimanche 1er juillet, par un commando de trois complices, à bord d'un hélicoptère dont le pilote était retenu en otage. Il purgeait notamment une peine de vingt-cinq ans de prison pour son rôle dans un braquage avorté qui avait causé la mort de la policière Aurélie Fouquet en 2010. Lundi, il est toujours en fuite, mais son sort n'est pas la seule question à faire débat.

Déjà auteur d'une première évasion en 2013 à Lille-Sequedin (Nord), le criminel de 46 ans s'est cette fois échappé d'un établissement inauguré en 2011 et présenté comme ultrasécurisé. Une mission d'inspection a débuté lundi dans l'établissement pour évaluer s'il y a eu ou non défaillance. Franceinfo répond aux multiples interrogations que pose cette évasion spectaculaire sur la sécurité des prisons.

Pourquoi n'y avait-il pas de filins de sécurité pour arrêter l'hélicoptère ?

Dimanche, à 11h20, un hélicoptère volant anormalement bas apparaît dans le ciel de Réau, et dépose des hommes lourdement armés dans la cour d'honneur de la prison, avant de rester en vol stationnaire pendant les dix minutes qu'il leur faudra pour exfiltrer Redoine Faïd. Le lieu n'a pas été choisi au hasard : il s'agit du "seul espace très restreint qui existait dans cette prison et qui n'était pas pourvu de filins anti-hélicoptère", a reconnu la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, dimanche.

Comment l'expliquer, alors que tout le reste de la prison en est pourvu ? "A priori, il n'y avait pas de raisons pour qu'il y ait des filins sur ce lieu-là", a poursuivi la garde des Sceaux. La cour d'honneur est un lieu de passage pour le personnel, les journalistes… "C'est un lieu où il n'y a normalement pas de détenus", explique la direction de l'administration pénitentiaire à franceinfo. Ils n'y passent que rarement et "quand ils le font, ils sont escortés". L'absence de filins de sécurité serait, selon l'administration, la norme pour un espace comme celui-ci.

Pourtant, lors de l'inauguration de la prison de Réau en 2011, "l'ensemble des organisations professionnelles" s'étaient émues de ce qui apparaissait déjà comme un point faible, assure à franceinfo Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat pénitentiaire Ufap-Unsa. "La spécificité de Réau, c'est que, dans cette cour d'honneur, vous avez une porte qui donne accès à un couloir menant au parloir, déplore-t-il. C'est la première chose qui saute aux yeux de quelqu'un qui connaît le fonctionnement des prisons." Et c'est ce chemin qu'a emprunté le commando, dimanche.

Est-il normal qu'aucun surveillant ne soit intervenu ?

L'évasion de Redoine Faïd a été filmée par un détenu, et les images mises en ligne sur les réseaux sociaux. On y voit l'hélicoptère s'envoler sous les applaudissements des détenus. Pas de trace, en revanche, des surveillants de la prison. Rien de plus normal, expliquent les syndicats. "Les surveillants ne sont pas armés", alors que les complices de Redoine Faïd l'étaient lourdement, rappelle à franceinfo Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat FO Pénitentiaire. "On peut s'estimer heureux que les gardiens n'aient pas croisé le commando." De plus, la rapidité de l'opération – dix minutes – explique la difficulté d'intervenir. 

Selon Martial Delabroye, le représentant FO de la prison de Réau, "il y avait un collègue qui était de l'autre côté, qui a entendu la disqueuse [utilisée par le commando pour découper des portes] et a eu le bon réflexe de se mettre à l'abri parce que ça aurait pu très mal se passer". "L'enjeu est de garantir leur sécurité et celle des autres, explique à franceinfo la direction de l'administration pénitentiaire. On ne peut que se féliciter qu'il n'y ait pas eu de blessés ni d'otages dans la prison."

En revanche, les surveillants qui se trouvent dans les miradors sont armés. Mais ils ont consigne de ne pas tirer en cas d'intrusion d'un engin aérien, explique l'administration pénitentiaire. Le risque serait de toucher un éventuel otage, ou une tierce personne, par une balle perdue, ou même de provoquer un crash de l'appareil, aux conséquences imprévisibles. "Effectivement, vu le nombre de séances de tir auxquelles ont droit les personnels, on ne sait pas ce qu'ils risqueraient de toucher", ironise Wilfried Fonck.

Un drone a-t-il pu survoler la prison pour repérer les lieux ?

Si on ignore comment les complices de Redoine Faïd ont préparé son évasion, Nicole Belloubet a suggéré une piste, dimanche : le commando avait "sans doute repéré les lieux par le biais de drones", a affirmé la ministre. Des survols de la prison ont en effet été constatés "il y a quelques mois"

Des faits qui ne sont pas rares, confirme le secrétaire général de FO Pénitentiaire, selon qui plusieurs autres prisons ont été concernées ces derniers mois. Des techniques permettent de lutter contre ces engins : en février, dans l'émission "Complément d'enquête", la prison de Lille-Sequedin faisait ainsi la démonstration d'une technique permettant d'intercepter les drones et de filmer leurs pilotes. Des brouilleurs d'ondes – comme il en existe pour les portables – sont également une piste, tout comme des drones anti-drones, ou même des rapaces dressés pour les intercepter. Mais aucun de ces dispositifs n'a encore été généralisé en France.

Quoi qu'il en soit, le problème des drones est "davantage lié à des parachutages de produits stupéfiants, armes et autres téléphones", estime Wilfried Fonck, de l'Ufap-Unsa. Il ne croit pas qu'ils aient servi aux complices de Redoine Faïd pour préparer leur coup, mais ne serait pas mécontent si cette évasion "permettait de faire bouger les lignes sur cette question dont l'administration n'a pas fait une priorité".

Comment les complices de Faïd connaissaient-ils le chemin par lequel il a été exfiltré ?

Une fois posés dans la cour d'honneur de la prison, les complices de Redoine Faïd ont ouvert les portes à l'aide d'une disqueuse et sont allés chercher le braqueur dans un box du parloir, où il rencontrait un de ses frères. Or le couloir qu'ils ont emprunté n'est pas un grand axe de circulation au sein de la prison. "On pourrait presque parler d'un parcours secret", affirme au Parisien Loïc Delbroc, représentant de l’Ufap-Unsa. Comment le commando en a-t-il eu connaissance ? 

"Ce sera tout l'enjeu de l'enquête", reconnaît la direction de l'administration pénitentiaire, pour qui ce passage n'est pas pour autant "secret""C'est un couloir d'intervention, qui permet aux personnels de se rendre plus rapidement à l'entrée de la prison sans faire le tour du bâtiment", explique Wilfried Fonck. Mais, selon lui, "l'accès est connu de familles et de détenus". À ses yeux, nul besoin, donc, de repérer les lieux avec un drone.

Les complices auraient aussi pu se procurer les plans de la prison, en bénéficiant de complicités. Un témoin cité par Le Parisien affirme que Redoine Faïd avait "noué des liens personnels avec les surveillants, se faisant parfois livrer le café dans sa cellule". Le secrétaire général de FO Pénitentiaire souligne aussi, sur franceinfo, "qu'il y a des entreprises privées qui travaillent à l'intérieur et qui ont les plans".

Un détenu qui s'est déjà évadé fait-il l'objet d'un dispositif spécifique ?

Redoine Faïd n'était pas un détenu comme les autres. "Il est inscrit sur la fameuse liste des DPS, les détenus particulièrement signalés", rappelle l'administration pénitentiaire, ce qui implique des contraintes renforcées, "notamment sur les sorties, les escortes lors de ses déplacements, etc." Il était détenu à l'isolement depuis novembre à Réau, un centre pénitentiaire qui dispose d'un quartier maison centrale. La prison bénéficie d'une sécurité renforcée par rapport aux normes de ce type d'établissements, "justement parce qu'il a été prévu qu'elle puisse accueillir des DPS dans son quartier d'isolement".

Insuffisant aux yeux d'Emmanuel Baudin, de FO, pour qui le choix de l'établissement est le principal facteur qui a permis l'évasion de Redoine Faïd. "On aurait dû le mettre dans une vraie maison centrale", où il n'y aurait pas eu de faille comme l'absence de filins anti-hélicoptère, estime-t-il. "A Condé-sur-Sarthe (Orne) ou à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais)", deux prisons plus modernes et sécurisées, "il n'aurait jamais essayé de s'évader. Ce sont des bunkers, il n'y a qu'une seule porte pour y entrer." Son homologue de l'Ufap-Unsa, Wilfried Fonck, déplore également que les détenus risquant de s'évader ne soient plus transférés dans de nouveaux établissements "tous les trois ou quatre mois" pour les empêcher de prendre leurs repères. Redoine Faïd était à Réau depuis près de huit mois. "Sans doute faut-il une rotation plus fréquente", a estimé, dimanche, la ministre de la Justice.

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