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Colis piégé à Lyon : l'arrestation du suspect a-t-elle été retardée à cause des élections européennes ?

Des figures et sympathisants du Rassemblement national accusent les autorités d'avoir repoussé l'interpellation à l'approche d'un scrutin à enjeux. Mais les éléments de l'enquête en notre possession infirment cette théorie.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des policiers le 27 mai 2019 à Oullins (Rhône), en banlieue lyonnaise, après l'arrestation d'un suspect dans l'enquête sur l'explosion d'un colis piégé. (NICOLAS LIPONNE / NURPHOTO / AFP)

Le principal suspect de l'attaque au colis piégé, dont l'explosion a fait 13 blessés vendredi 24 mai dans le centre-ville de Lyon, a été arrêté lundi. Mais d'après les confidences, sur BFMTV, du maire de la ville et ancien ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, le jeune homme d'origine algérienne avait été identifié dès le week-end et placé sous surveillance depuis dimanche.

Une déclaration qui a fait réagir des figures et sympathisants du Rassemblement national. Certains ont dénoncé une manœuvre politique destinée à cacher aux électeurs une information qui aurait pu influencer leur vote, alors qu'ils étaient appelés aux urnes pour les élections européennes

Un "timing scandaleux"

"C'est après l'élection que l'on apprend que le terroriste de Lyon est un ressortissant algérien. (...) Ce timing scandaleux est tout sauf un hasard...", a dénoncé mardi 28 mai la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen.

Sur CNews, le député RN Gilbert Collard a même avancé, "au risque prudent de [se] tromper", que les policiers avaient "logé assez rapidement" le suspect, mais qu'ils ont "peut-être" attendu pour l'arrêter "par sécurité électorale"

Quant au sulfureux membre du RN Jean Messiha, il évoque un choix fait "fort opportunément" pour ne pas "faire le jeu de l'extrême droite".

Un suspect identifié dimanche soir seulement

Pourtant, selon les informations de France 2, ce n'est que dimanche soir que les enquêteurs sont parvenus à identifier le suspect. Et s'ils ne l'ont arrêté que lundi, c'était parce qu'ils attendaient prudemment le bon moment pour fondre sur cet homme dont ils savaient peu de choses, précise Le Monde.

Jusque-là, l'auteur présumé de l'attaque était inconnu des services de police et de renseignement, selon une source policière à franceinfo. Ce que le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a confirmé. Et il ne présentait "pas de signes extérieurs qui montrent une radicalisation par le passé récent", d'après Gérard Collomb, sur franceinfo.

Pisté grâce à la vidéosurveillance

Dans les heures qui ont suivi l'explosion, les enquêteurs ont donc dû visionner des heures et des heures d'images de vidéosurveillance afin de retrouver le mystérieux cycliste suspecté d'avoir déposé le colis piégé. Plus de 300 fonctionnaires ont participé à ces investigations, jour et nuit, dès le vendredi. "On l'avait perdu à proximité du cœur de ville, a détaillé le maire de Lyon. Nos enquêteurs du Centre de protection ont regardé toutes les images de nos caméras une par une et l'ont progressivement retrouvé se dirigeant vers la banlieue d'Oullins. Et ensuite la vidéo-protection de la ville d'Oullins a permis de le localiser." Pour autant, il ne savait toujours pas qui il était. 

L'exploitation de ses données téléphoniques et de ses achats effectués sur internet ont alors permis de remonter jusqu'à lui. Selon les informations de franceinfo, l'homme s'est ainsi procuré divers produits, dont de l'eau oxygénée et de l'acétone, permettant de confectionner le TATP, l'explosif très instable utilisé dans l'attaque. Des piles ont également permis de remonter jusqu'à lui, selon les informations de France 2. Le travail de la police technique et scientifique sur les débris de l'engin explosif a aussi été déterminant. 

Arrêté en douceur après une filature

Une fois le suspect localisé à Oullins, une commune située au sud-ouest de Lyon, et identifié dimanche comme cet étudiant en informatique originaire d'Algérie, encore fallait-il l'interpeller. Problème : le jeune homme restait souvent chez lui, au domicile familial. Et selon une source policière à franceinfo, les policiers craignaient qu'"il y ait du TATP dans son appartement". Car, comme l'a souligné Christophe Castaner, "dès le début, il y avait un caractère étrange entre la disproportion d'un procédé technique très performant et un volume d'explosifs très faible. Il y a de vraies incohérences dans ce dossier."

Les enquêteurs "ont préféré attendre qu'il sorte, le laisser monter dans un bus, et lorsqu'il est descendu de ce bus, c'est là qu'ils l'ont arrêté dans un endroit calme où personne ne risquait d'être une victime collatérale de l'arrestation", a expliqué Gérard Collomb. Le suspect a ainsi été arrêté lundi matin "sans violence" sur la voie publique, dans le 7e arrondissement, à la descente d'un bus, après une filature des enquêteurs, selon une source proche du dossier à franceinfo.

Lors de la perquisition menée dans la foulée, les enquêteurs ont mis la main sur le vélo aperçu sur les images de vidéosurveillance, selon une source proche de l'enquête à franceinfo. Des produits nécessaires à la fabrication de la bombe ont également été retrouvés par les enquêteurs. Enfin, l'analyse des empreintes ADN relevées sur les restes du colis piégé a révélé que celles-ci correspondaient bien à celles du suspect.

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