Incendie à Aubervilliers : on vous explique la mise en examen d'un enfant de 10 ans
Le jeune garçon est soupçonné d'être à l'origine de l'incendie d'une tour HLM, qui a causé la mort de quatre personnes.
Les flammes ont tué une femme enceinte et ses trois enfants, et détruit plusieurs appartements. Un enfant de 10 ans a été mis en examen, lundi 30 juillet, à Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour "incendie volontaire ayant entraîné la mort" dans l'enquête sur l'incendie qui a ravagé une tour HLM, à Aubervilliers, jeudi dernier. Une décision qui a suscité de nombreuses réactions, en raison du jeune âge du garçon mis en cause.
Pour quelles raisons est-il mis en examen ?
"Il a joué avec un briquet et a mis le feu à un torchon. Il n'a pas réussi à éteindre le feu qui s'est propagé à l'appartement, puis aux appartements voisins", explique une source judiciaire, citée par l'AFP. L'incendie s'est ensuite propagé aux cinq derniers étages de l'immeuble. Une mère de 33 ans enceinte et ses enfants de 18 mois, 4 ans et 6 ans, sont morts.
Le mineur a été donc mis en examen, lundi, pour "incendie volontaire ayant entraîné la mort". "Ce n'est pas automatique, mais la loi prévoit la mise en examen des mineurs de moins de 13 ans pour les faits graves", explique à franceinfo une avocate de permanence à l'antenne des mineurs du barreau de Paris. "C'est bien le cas ici, puisqu'il y a eu plusieurs morts", ajoute-t-elle.
Comment se déroule la procédure ?
Pour les mineurs âgés de 10 à 13 ans, la garde à vue n'existe pas : elle est remplacée par une retenue judiciaire, qui ne peut en principe pas excéder 12 heures. L'enfant est ensuite présenté à un juge d'instruction des mineurs, qui peut décider de la mise en examen. Une enquête classique, avec d'éventuelles perquisitions et auditions de témoins, doit ensuite être menée, comme dans n'importe quelle affaire judiciaire. Une enquête sociale et un examen psychologique peuvent également être réalisés. À l'issue de l'enquête, le juge d'instruction peut décider d'un non-lieu ou estimer que l'enfant doit être jugé par un tribunal pour enfants ou une cour d'assises des mineurs, selon la gravité des faits.
Pourquoi l'enfant fait-il l'objet d'une "mesure d'éloignement" ?
Pendant la durée de la mise en examen, le juge de Bobigny a décidé de prendre une "mesure d'éloignement" afin que l'enfant ne reste pas dans la commune d'Aubervilliers. Il ne s'agit pas d'une sanction mais d'une "mesure présentencielle", dont le but est de "protéger l'enfant", explique l'antenne des mineurs du barreau de Paris. Il a été "placé chez son père, qui n'habite pas le département", précise Le Parisien.
Que risque-t-il ?
Un majeur jugé coupable d'incendie volontaire ayant entraîné la mort risquerait la prison à perpétuité. Mais que risque vraiment un enfant de 10 ans ? En France, "les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables", selon l'article 122-8 du code pénal. L'enfant peut donc être jugé responsable pénalement. Mais seules des mesures et sanctions éducatives peuvent être prises, et non des sanctions pénales. La liste de ces mesures va de "l'admonestation" (un avertissement adressé au mineur par un juge pour enfant) au placement dans une famille d'accueil (mesure qui n'est pas limitée dans le temps), en passant par les stages de formations civiques. "La prison n'est envisageable qu'à partir de 13 ans dans le cas d'affaires criminelles", explique Florence Neple, avocate présidente de la commission des mineurs au barreau de Lyon, dans Le Figaro.
Et ses parents ?
"Le parent qui l'a laissé sans surveillance pourrait être mis en examen pour délaissement", explique l'antenne des mineurs du barreau de Paris. Une atteinte punie de "sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende", précise l'article 227-1 du Code pénal.
Est-ce une procédure courante ?
Pour l'avocate de l'antenne des mineurs du barreau de Paris, "c'est une procédure rare", mais elle n'est pas inédite : "Cela permet aux victimes et leurs familles de se constituer partie civile et de demander réparation." En 2014, un enfant de 12 ans avait été mis en examen et son frère de 10 ans placé sous le statut de témoin assisté après un incendie qui avait coûté la vie à deux femmes. "C'est assez exceptionnel, et c'est plus souvent lié à des faits de dégâts matériels ou d'agressions sexuelles", explique Florence Neple au Figaro. Selon elle, si ces procédures sont rares, c'est simplement parce "qu'il n'y a pas beaucoup d'enfants de cet âge qui commettent des infractions aussi graves".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.