"J'en ai marre de vivre ici, je vais déménager" : au lendemain de l'incendie à l'usine Lubrizol de Rouen, les habitants s'inquiètent
Un important incendie s'est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi dans une usine qui fabrique des additifs pour lubrifiants.
À l'usine Lubrizol de Rouen (Seine-Maritime), l'incendie qui s'est déclaré très tôt jeudi 26 septembre a été éteint dans la soirée. Mais l'inquiétude demeure chez certains habitants qui craignent des conséquences sur leur santé.
Au lendemain de l'incendie, dans le périmètre des 500 mètres, c'est-à-dire la zone de confinement décidée jeudi par les autorités, les volets des pavillons de brique rouge sont désormais ouverts. Les bus circulent à nouveau. On croise maintenant des promeneurs alors que le quartier, bouclé par des barrières et par des policiers, était complètement désert jeudi.
À la place du panache de fumée noire épaisse qui s'élevait au-dessus de Rouen et de son agglomération, le ciel est maintenant bleu. Il n'y a plus de trace de fumée, hormis un léger panache blanc. Reste néanmoins cette odeur âcre, désagréable, que l'on sent plus ou moins fortement, selon la direction du vent et selon l'endroit où l'on se trouve.
Encore quelques évacuations
Même si elle peut incommoder, cette odeur est normale, selon le préfet de région. "Il est possible que chez certaines personnes fragiles qui ont des insuffisances respiratoires, il y ait peut-être quelques maux de gorge, quelques maux de tête légers, mais il n'y a pas de raison objective d'être inquiet de cela", explique Pierre-André Durand.
Il ne faut pas que l'odeur conduise à saturer les standards des pompiers ou du 15
Pierre-André Durandà franceinfo
Vendredi matin encore, des habitants, gênés par l'odeur ou inquiets de l'air qu'ils respirent, se promenaient avec une écharpe ou un masque sur leur nez. Les locaux de France 3, situés dans le centre-ville de Rouen, ont été évacués dans la matinée, après qu'une salariée ait été prise de vomissements. Évacuation également au collège de Déville-les-Rouen où les élèves ont été invités à rentrer chez eux à cause de l'odeur.
Des risques pour la santé ?
La plupart des riverains sont rentrés dans leur appartement ou leur maison jeudi soir, après la levée de la mesure de confinement.
Malgré trois conférences de presse rassurantes et des propos voulus apaisants par le préfet, Laëtitia, qui habite à 250 mètres de l'usine, se pose toujours des questions. "On a toujours peur des conséquences pour dans quelques mois, dans quelques années, voire plus tard", raconte cette conductrice de métro. Les autorités disent pourtant qu'il n'y a pas de problème. "Oui, mais c'est faux, estime Laëtitia, ils mentent pour ne pas faire peur aux gens. Ils se voilent la face."
On peut choper n'importe quoi
Laëtitiaà franceinfo
Il n'y a pas de risque pour la santé, répètent les autorités. Les émissions de toxiques dans l'atmosphère ont été nulles ou quasi nulles, en tout cas sans danger. La seule difficulté concerne la Seine dont une partie située près de l'usine a été contaminée. Mais la pollution est désormais contenue par les barrages flottants.
Un manque d'information pointé par les habitants
Des habitants ont aussi regretté jeudi d'avoir dû patienter de longues heures avant de recevoir des informations sur ce qui était en train de se passer dans leur ville. Le préfet et les pompiers ont d'ailleurs répondu à ce sujet vendredi matin. Très rapidement, après le déclenchement de l'incendie, les autorités ont eu la certitude ou la quasi certitude qu'il n'y avait pas de caractère de gravité, en tout cas pour la population. Très tôt jeudi, les particules contenues dans la fumée ont pu être analysées.
Les pompiers ont réalisé des tests sur les produits qui s'échappaient, sur les émanations contenues dans la fumée,explique Jean-Yves Le Gal, colonel chez les pompiers de Seine-Maritime.
On a déclenché assez rapidement, dans la nuit de mercredi à jeudi, cette cellule qui a arpenté les rues de Rouen et les alentours pour voir ce qu'il se passait, pendant que les gens dormaient.
Jean-Yves Le Galà franceinfo
"Deuxième élément : on regarde avec nos collègues du Samu le nombre d'appels que l'on reçoit, s'il y a des malaises ou s'il y a des gens qui tombent dans les rues, etc. On n'avait aucun élément de cette nature. Ce sont tous ces éléments-là que l'on prend en compte pour jauger", détaille Jean-Yves Le Gal.
Déjà des incidents dans le passé
Cette entreprise, Lubrizol, avait déjà fait parler d'elle dans le passé pour des incidents. En 2013, il y avait eu une fuite de gaz nauséabond, incommodant. Cette fuite avait été ressentie jusqu'à Paris et même en Grande-Bretagne. En 2017, 17 manquements, 17 défaillances dont certaines concernaient la sécurité, ont été pointées lors d'un contrôle de l'usine.
Depuis, le site avait été inspecté à plusieurs reprises, notamment cette année. Tout était en ordre, les feux étaient au vert, insiste le préfet de région. Mais cette série d'incidents préoccupe Augusto, un riverain. "En 2013, il y a eu de très gros problèmes. Maintenant, elle prend feu. Cela fait peur, c'est trop dangereux. Je suis malade des poumons, je me demande si ce n'est pas suite à cela", s'interroge-t-il.
J'en ai marre d'habiter ici, je vais vendre et déménager, j'ai trop peur.
Augustoà franceinfo
L'enquête judiciaire devra désormais répondre à cette question posée par le préfet en personne : comment un site classé Seveso, placé sous surveillance, a-t-il pu être touché par un incendie de cette ampleur ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.