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Récit Var : du départ de feu sur une aire d'autoroute à l'incendie dantesque du massif des Maures, deux jours de lutte contre les flammes

Plus de 5 000 hectares sont partis en fumée dans le Var depuis lundi soir, et deux personnes ont été tuées dans la catastrophe. Il s'agit du plus important feu de forêt qui frappe ce département depuis vingt ans.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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A Gonfaron (Var), le 17 août 2021. (NICOLAS TUCAT / AFP)

C'est une course folle contre le temps et les flammes qui se poursuit. Plus de 1 200 pompiers restent déployés, mercredi 18 août, dans le département du Var pour essayer de maîtriser l'immense feu qui a dévoré des milliers d'hectares en deux jours. L'incendie progresse à une vitesse effrénée, rarement observée. Attisées par le mistral, les flammes ont fait des dégâts colossaux dans cette région touristique connue pour ses forêts et ses vignobles.

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Plusieurs communes ont été encerclées par le feu et plus de 7 000 personnes ont été évacuées par mesure de précaution. Mercredi dans l'après-midi, le bilan humain s'établissait à 2 morts et 24 blessés légers. Les deux personnes qui ont été tuées ont péri à Grimaud. Leurs corps calcinés ont été retrouvés dans une maison ravagée par les flammes. L'incendie, qui a parcouru plus de 6 000 hectares et en a totalement brûlé 5 000, est le plus important dans le département depuis vingt ans. Franceinfo revient sur les origines de ce sinistre.

Un mégot jeté par un conducteur ?

Il n'est pas encore 18 heures, lundi 16 août, quand un incendie se déclare sur une aire de l'autoroute varoise A57, à hauteur de Gonfaron, à une centaine de kilomètres au nord-est de Toulon. L'origine du départ du feu n'est pas encore connue, mais pour le service départemental d'incendie et de secours du Var (Sdis), une faute humaine n'est pas à exclure : "L'enquête inter-services est en cours, il n'est pas impossible que ce soit un jet de cigarette, vu d'où il est parti", a fait savoir le colonel Eric Grohin, directeur du Sdis du département, mardi.

En très peu de temps, le foyer se propage aux massifs alentours, asséchés par les épisodes caniculaires des derniers jours. Les pompiers déployés sur place constatent que les flammes évoluent rapidement, attisées par le mistral qui souffle en rafales. Le feu s'attaque au massif des Maures, cette petite chaîne montagneuse située dans l'arrière-pays du très touristique Saint-Tropez.

Dans la soirée, l'incendie devient incontrôlable. Les autorités évacuent les habitants et vacanciers de plusieurs communes, plus de 7 000 personnes au total. "On pouvait voir le feu littéralement avancer et on avait cette impression d'être encerclés. Notre propriétaire nous a demandé de prendre nos affaires et de nous tenir prêts à partir", rapporte une femme après avoir été mise à l'abri.

Des habitants et des touristes évacués

Plusieurs axes de circulation sont fermés par les autorités pour faciliter l'intervention des secours. Dans la hâte, habitants et touristes sont acheminés vers des centres d'hébergement d'urgence. Certains doivent se contenter d'abris de fortune, à l'instar de ces vacanciers ayant passé la nuit sur la plage, sur des transats. D'autres tentent de sauver ce qu'ils peuvent dans leur départ : des éleveurs réussissent ainsi à évacuer plusieurs chevaux. 

Des chevaux sont évacués près du Luc (Var), dans la nuit de lundi à mardi 17 août. (JEAN FRAN?OIS OTTONELLO / MAXPPP)

Le temps presse : dans la nuit de lundi à mardi, des "rafales de 80 km/h" sont enregistrées. Le vent pousse alors "le feu à une vitesse de 5 km/h", rapporte Carlo Zaglia, officier du Sdis du Var à franceinfo. Une vitesse particulièrement élevée, à laquelle les soldats du feu sont peu habitués. "Les ingrédients du cocktail explosif étaient présents et ça n'a pas loupé."

La défense des hameaux

Face à un feu qui se propage quatre fois plus vite qu'un incendie classique, les pompiers se concentrent sur la défense des villages et des hameaux "Avec les sautes de feu de 700-800 mètres, on ne peut pas grand-chose, si ce n'est préserver les vies humaines et les maisons", concède le colonel Eric Grohin dans la journée de mardi.

Emmanuel Macron, en visite au Luc (Var), où a été installé le poste de commande des opérations de lutte contre l'incendie, mardi après-midi, remercie les sauveteurs et assure que "le pire a été évité". Mais les heures suivantes le contredisent. Une personne est retrouvée morte dans la soirée.


Le président, Emmanuel Macron, et le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, au Luc (Var), mardi 17 août, où a été installé le poste de commandement des opérations de lutte contre l'incendie. (TOMASELLI ANTOINE / MAXPPP)

Les flammes continuent de progresser. Mardi soir, les gendarmes procèdent à de nouvelles évacuations "très périlleuses" de personnes résidant au nord du village de La Garde-Freinet. "Il y a plein de reprises de feu dans tous les sens, la partie est loin d'être gagnée", explique alors le capitaine des pompiers du Var, Olivier Pecot. Le vent s'est relevé, a un peu tourné, et le feu commence à toucher des zones pas encore impactées". Et à Gonfaron, où a démarré l'incendie lundi, la pression ne retombe pas.

Dans la nuit de mardi à mercredi, la progression ralentit sensiblement : "On a une petite accalmie grâce au vent qui a baissé, mais cela va reprendre dans la matinée", rapportent les pompiers à France Bleu Provence. Onze Canadair (sur les 12 dont la France dispose), trois hélicoptères et deux Dash intervenus mardi reprennent leurs rotations mercredi matin, mais l'incendie ne devrait pour autant pas être stoppé dans la journée : "Nous allons mettre plusieurs jours pour l'éteindre définitivement", insiste le capitaine Olivier Pecot, du Sdis du Var, sur franceinfo.

La moitié de la réserve des Maures ravagée

Si une centaine d'habitations ont été touchées par les flammes, comme le rapporte mercredi France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur, la plupart des dommages enregistrés se concentrent dans la réserve naturelle de la plaine des Maures, située juste au nord du massif du même nom. La moitié de l'espace naturel est partie en fumée, selon France Bleu Provence. "C'est une catastrophe, car c'est l'un des derniers spots abritant la tortue d'Hermann", une espèce protégée vivant dans la zone, déplorait mardi Concha Agero, directrice adjointe de l'Office français de la biodiversité. Des tortues brûlées ont déjà été retrouvées. D'autres ont peut-être réussi à s'enfouir sous terre pour survivre.

La France avait été jusqu'ici relativement épargnée par les feux qui ont dévasté des milliers d'hectares et fait des dizaines de victimes dans plusieurs pays méditerranéens, de la Turquie à l'Algérie en passant par la Grèce. Selon la base de données Prométhée, environ 2 340 hectares ont brûlé en région méditerranéenne (quatre régions concernées) en France en 2021, contre 7 698 en 2020. Mais ce nouvel incendie devrait inverser la tendance.

Mercredi, en raison "d'une évolution défavorable de l'incendie" et "du vent d'Est" provoquant d'importants panaches de fumée, l'autoroute A57 a été fermée dans les deux sens. Ces émanations de fumées se déplacent et sont si importantes qu'un avis de pollution atmosphérique a été émis en Corse, à plusieurs centaines de kilomètres de l'incendie.

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