Jacques Chirac renvoyé devant la justice
La justice n'aura pas écouté le procureur de la République de Paris. Le Parquet avait demandé un non-lieu général dans l'affaire dite des “chargés de mission de la ville de Paris”. Finalement, il pourrait bien y avoir procès. Le principal protagoniste, l'ancien président de la République Jacques Chirac s'offre ainsi à 76 ans une première qu'il aurait préféré éviter : un ex-chef d'Etat devant la justice. Il devra répondre d'“abus de confiance” et de “détournement de fonds publics” pour la période de mars 1994 à mai 1995.
_ Deux anciens directeurs de cabinet, Rémi Chardon et Michel Roussin, sont également renvoyés.
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Reste que Jacques Chirac n'est pas encore devant le tribunal. Le Parquet peut faire appel et renvoyer le dossier devant la chambre d'instruction de Paris, dans un délai de six mois à un an.
Cet acte juridique doit sera le dernier de la juge Xavière Simeoni dans cette affaire. A sa demande, elle doit quitter son poste, à l'instruction des affaires financières, pour prendre d'autres fonctions dès la semaine prochaine. Elle aura été la seule à mettre en examen pour “détournement de fonds publics” l'ancien chef de l'Etat, impliqué dans d'autres affaires, mais en qualité de témoin assisté, comme à Nanterre.
Jacques Chirac n'est pas le seul à être passé dans son bureau. L'affaire vise 35 emplois présumés fictifs de “chargés de mission” à la mairie de Paris à l'époque où Jacques Chirac était maire, entre 1977 et 1995. Vingt-et-une personnes ont été mises en examen dont quatre anciens directeurs de cabinet du Jacques Chirac version “maire de Paris” : Robert Pandraud, Daniel Naftalski, Michel Roussin et Rémy Chardon -, l'ex-directeur de cabinet de Jean Tiberi (maire de1995 à 2001) et des bénéficiaires d'emplois présumés fictifs.
_ Parmi ceux-ci, Jean de Gaulle, petit-fils du général, un frère de Jean-Louis Debré,actuel président du Conseil constitutionnel, la femme de l'ancien ministre des Affaires étrangères Hervé de Charette, ou encore des élus chiraquiens de Corrèze.
PREJUDICE DE 5 MILLIONS D'EUROS
L'actuelle municipalité, dirigée par le socialiste Bertrand Delanoë demande à récupérer plusieurs millions d'euros dans cette affaire. La juge Simeoni a évalué le préjudice à cinq millions d'euros pour les contribuables parisiens.
_ Jacques Chirac ne s'est pas personnellement exprimé dans cette affaire, mais son entourage assure qu'il est “serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui reste en débat ne constitue un emploi fictif”.
Au cours des interrogatoires, l'ancien président de la République a nié toute malversation, même si certains contrats incriminés auraient été signés de sa main. Il a même affirmé ne pas se souvenir de certains cas. Mais il n'a pas tout réfuté, admettant que certaines personnes avaient été salariées par le Ville de Paris sans y travailler pour faciliter l'exercice de ses mandats.
10 ANS DE PRISON ET 150.000 EUROS D'AMENDE
A la complexité de l'affaire elle-même s'ajoute l'imbroglio juridique lié à l'immunité présidentielle dont Jacques Chirac a été couvert durant ses deux mandats à l'Elysée. Elle a gelé toute action de la justice et les faits sont maintenant anciens. C'est sur cet argument que s'était basé le Parquet pour demander le non-lieu général. La Cour de cassation, la plus haute juridiction française, avait pourtant écarté la prescription en 2007.
Jacques Chirac, s'il arrive finalement jusqu'à la barre du tribunal, risque d'écoper de dix ans de prison, dix ans d'inéligibilité et 150.000 euros d'amende. Dans l'affaire de Nanterre, Alain Juppé a par exemple été condamné à 14 mois de sursis et un an d'inéligibilité.
_ Dans toute l'histoire de France, seuls deux chefs d'Etat ont été jugés : Philippe Pétain pour sa collaboration avec l'Allemagne nazie et Louis XVI sous la Révolution.
Grégoire Lecalot, avec agences
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