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Abdelhakim Dekhar, "le tireur de Libé et de BFM" en novembre 2013, est condamné à 25 ans de prison

Sa peine est assortie d'une période de sûreté des deux tiers.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Abdelhakim Dekhar, le "tireur de Libé", devant la cour d'assises de Paris au premier jour de son procès, le 17 novembre 2017. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Il avait été qualifié d'"ennemi public numéro un" pendant cinq jours de traque. Une peine de 25 ans de réclusion criminelle a été prononcée, vendredi 24 novembre, contre Abdelhakim Dekhar, "le tireur de Libé", jugé depuis une semaine devant la cour d'assises de Paris pour tentatives d'assassinat et séquestration. Sa peine est assortie d'une période de sûreté des deux tiers.

Avant que la cour ne se retire pour délibérer, l'accusé n'a pas souhaité s'exprimer. Voici les quatre temps forts de son procès.

La ligne de défense de Dekhar, qui souhaitait "une mort romantique"

Abdelhakim Dekhar, qui se présente comme un "intellectuel", s'est plusieurs fois emporté en parlant politique pendant son procès, évoquant aussi bien la colonisation de l'Algérie que la crise de la sidérurgie dans l'est de la France, les banlieues etc... Mais dès le premier jour, vendredi dernier, il a raconté son "désespoir" et expliqué avoir "voulu scénariser son suicide". Il était "dans un projet de suicide par intermédiaire" : il voulait que "la police le tue". Il souhaitait "une mort romantique" pour ne pas être perçu "comme un loser" par ses enfants qui avaient alors 5 et 7 ans. Il ne les voit plus depuis sa séparation d'avec leur mère suite à des violences.

Pour rappel, son périple armé avait démarré à BFMTV, puis Abdelhakim Dekhar avait grièvement blessé un assistant photographe à Libération, avant de tirer à la Société générale. 

Je voulais intimider les gens. (...) Mais à aucun moment je n'ai voulu m'en prendre à la personne humaine.

Abdelhakim Dekhar

à son procès

Pourquoi ne pas avoir pris une arme factice ?, a interrogé la cour d'assises. "J'avais fait des recherches sur internet sur les armes factices. Je voulais que mon intimidation soit crédible", a expliqué l'accusé, qui a acheté dans une cité de Saint-Denis un fusil à pompe qu'il a chargé avec des cartouches utilisées par les chasseurs de sangliers. A Libération, il dit avoir tiré dans "la confusion et la panique", une version mise à mal par un expert en balistique.

La lettre poignante du photographe César lue à l'audience

"C'est au-dessus de mes forces. Depuis maintenant quatre ans, je lutte pour me reconstruire." L'assistant-photographe qui a été grièvement blessé par balle en novembre 2013 au journal Libération, a préféré ne pas venir témoigner mercredi. Il a expliqué dans une lettre qu'il n'en avait pas la force. Elle a été lue devant la cour d'assises par son avocat, Me Charles-Emmanuel Soussen.

"Mes cicatrices et ma douleur dans le bas des côtes me rappellent au quotidien ce que j'ai vécu et ce que je vis", écrit César Sébastien.

Me retrouver (...) avec l'homme qui a failli arrêter ma vie me tétanise.

César Sébastien, photographe

dans une lettre lue au procès

César a été blessé grièvement au niveau du thorax. Le projectile est passé à quelques millimètres de son coeur. Il était alors âgé de 23 ans.

La victime "a mis dix à douze mois à se remettre de ses blessures", a expliqué son avocat. Une fois qu'il s'est senti mieux physiquement, c'est au niveau psychologique qu'il se portait "beaucoup moins bien".

Les justifications de l'hébergeur de l'accusé, qui dit "s'être fait embarquer" dans cette affaire

Sébastien Lemoine, jugé aux côtés d'Abdelhakim Dekhar pour destruction de preuves, dont le fusil que "le tireur de Libé" a utilisé dans son périple armé, a affirmé s'"être fait embarquer" malgré lui dans cette affaire.

Alors que Sébastien Lemoine rentrait d'un séjour en Espagne le 18 novembre 2013 au soir, Abdelhakim Dekhar, qu'il avait rencontré plusieurs années auparavant à Londres et qu'il avait hébergé pendant plusieurs semaines, a sonné à sa porte. Le tireur qui avait déjà frappé à BFMTV, Libération, et à la Société Générale. Il lui a alors raconté ce qu'il avait fait.

Les choses me paraissaient romancées. Je me demandais s'il mentait ou pas.

Sébastien Lemoine

devant la cour d'assises

"Je me suis fait embarquer dans cette histoire malgré moi", a poursuivi Sébastien Lemoine. Le lendemain, quand il voit dans les médias qu'Abdelhakim Dekhar, qui n'était pas encore identifié, était "l'ennemi public numéro 1", il "tombe des nues".

Ce n'est pourtant que le 20 novembre  que Sébastien Lemoine est allé voir la police pour dénoncer Abdelhakim Dekhar, ce qui a mis fin à une traque de cinq jours.

Le témoignage des enquêteurs, qui décrivent un "menteur pathologique" 

"Violent", "menteur pathologique", mégalomane : les enquêteurs ont dressé lundi devant la cour d'assises de Paris un portrait très noir d'Abdelhakim Dekhar. Le premier policier appelé à la barre a décrit "un décalage" chez Abdelhakim Dekhar "entre sa vie rêvée de Robin des Bois, et sa vie beaucoup plus médiocre, aux conséquences dramatiques".

Cet enquêteur a évoqué "un homme violent quand les choses ne vont pas dans son sens", qui avait "une relation conflictuelle avec une grande partie de sa famille". Quand il était jeune, il s'était montré "très violent avec son père et sa mère"; il avait mis "un coup de poing au visage" à sa soeur.

Le diplôme en philosophie qu'il affirme avoir obtenu? Son rôle d'agent secret pour les services algériens et français? "Une affabulation", répond le policier.

En Angleterre, où il a vécu de la fin des années 1990 à 2013, il avait tenté de convaincre une collègue de travail, rencontrée par un enquêteur qui s'est rendu en Grande-Bretagne, qu'il était journaliste freelance, qu'il avait combattu dans la Légion étrangère en Bosnie, que ses parents étaient morts dans un accident de voiture.

Le verdict est attendu dans la soirée de vendredi.

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