"Absolument pas crédible" : deux ans de prison avec sursis requis contre Cory Le Guen
Un personnage rocambolesque était jugé, jeudi 2 février, en correctionnel au tribunal judiciaire de Paris. Il s'appelle Cory Le Guen et comparaissait pour deux escroqueries en 2015 et 2016. Le trentenaire traîne derrière lui déjà 18 condamnations pour des faits du même genre. Aujourd'hui il dit avoir tourné le dos à la délinquance et s'être engagé avec honnêteté dans une carrière de journaliste. Il devait répondre jeudi pour de faux CV, fausses lettres de recommandation et fausses factures.
En 2015, Cory Le Guen postule comme responsable client dans une grande compagnie d’assurance libanaise. Sur le CV qu’il envoie : il a un baccalauréat obtenu au lycée français de Washington, un diplôme d’école de commerce, des années d’expérience auprès de plusieurs hommes d’affaires dont Bernard Arnault. Il fournit des lettres dithyrambiques de ses ex-employeurs. C’était "le candidat parfait" dira la chargée de recrutement. Après cinq entretiens, il décroche l’emploi payé 6 250 euros par mois. Le hic, c’est que tout est faux. Le patron le découvrira des mois plus tard. Alerté quand on l'informe que Cory Le Guen a falsifié une facture de l’agence immobilière qui lui loue son appartement pour faire payer par l’entreprise 4 500 euros d’arriérés de loyers.
"Ça ne tient pas dans la bouche d’un tel mythomane"
Devant les enquêteurs, comme à la barre Cory Le Guen qui n’a pas le baccalauréat et a surtout eu des petits jobs et un emploi de steward reconnait les faux CV et fausses lettres. Mais avec un certain aplomb fait remarquer : "Ils étaient très contents de moi, je correspondais à ce qu'ils voulaient. J'ai été disponible à toute heure. C’est ce qui compte, le bon feeling a existé."
"J'ai juste menti sur le CV car sans ça, je n’aurais pas eu le poste."
Cory Le Guenau tribunal de Paris
À propos de la facture falsifiée, il assure que c’est son patron qui lui avait demandé de procéder ainsi car il voulait l’aider sans que son fils ne flaire le coup de pouce financier. "Un peu de bon sens ça ne tient pas dans la bouche d’un tel mythomane", commente l’avocat du PDG. "Absolument pas crédible", ajoutera le procureur.
Dix-huit condamnations à son casier judiciaire
Dans cette affaire, le passé de Cory Le Guen ne joue pas en sa faveur. Il a 18 condamnations à son casier judiciaire, le plus souvent pour "escroquerie" ou "usurpation d'identité". Il porte encore un bracelet électronique à la cheville, purgeant une peine prononcée contre lui pour s’être fait passer pour le neveu de Brigitte Macron. Les témoignages ne manquent pas de personnes qui dans les années 2000-2010 l’ont connu magistrat au parquet de Paris, représentant du roi de Thaïlande, fils du ministre Jean-Marie Le Guen, avant de réaliser que tout cela n'était qu'inventions.
La présidente du tribunal aujourd’hui lui demande : "Pourquoi vous inventez-vous en 2015 une vie d'ex-assistant de personnalités ?" L'intéressé à l'aise réplique : "Cela donne du folklore, du cachet." "Aujourd’hui vous êtes donc journaliste indépendant ?", poursuit la présidente. "Oui, enfin si j’y arrive malgré les confrères dans la salle qui écrivent sur moi…", répond-il. "Des journalistes qui écrasent une personne en réinsertion", plaidera même son avocat. Celui qui est titulaire depuis deux ans de la carte de presse se présente comme pigiste spécialiste du monde carcéral qu'il connait en effet bien vu son passé. "Pourquoi avoir choisi ce métier qui implique une rigueur vis-à-vis de la réalité, vous qui avez un rapport compliqué à la vérité ?", demande le procureur. "Peut-être que je veux maintenant être à l’extrémité inverse de ce que j'ai pu être", lâche Cory Le Guen en souriant.
Pas de prison ferme requise
Le procureur n’a pas été complètement convaincu. Le représentant du parquet note que Cory Le Guen se décharge en permanence de toute responsabilité : "S'il a fait une fausse facture pour obtenir 4 000 euros c’est en fait que son patron lui a demandé. S'il n'a pas terminé ses études de droit récemment entamées, c’est à cause a-t-il expliqué à la barre d’une camarade qui l’en empêche. Si sa carrière de journaliste est compromise, c’est à cause des journalistes présents dans la salle d’audience. S'il a été arrêté en Italie, puis en Pologne, c’est car Interpol n’avait pas effacé comme elle aurait dû le faire la fiche rouge qui avait été rédigée contre lui mais qui n’était plus valable."
Le procureur a demandé deux ans de prison avec sursis. Pas de prison ferme pour laisser une chance à celui qui promet avoir eu un "déclic" lors de sa dernière période de détention, celui qui dit tourner le dos à son passé délinquant, celui qui voit chaque semaine un psychologue pour "avancer" désormais. Le tribunal rendra sa décision le 9 mars.
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