Affaire Squarcini-LVMH : que reproche la justice à l'ancien patron du renseignement intérieur ?

L'ex-grand flic est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris, notamment accusé d'avoir, entre 2013 et 2016, mis en place un système de surveillance de François Ruffin et de l'association Fakir, usant même d'un "infiltré".
Article rédigé par Yannick Falt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Bernard Squarcini, alors directeur central du renseignement intérieur, à Paris, le 17 janvier 2012. (MARTIN BUREAU / AFP)

Un ancien patron du renseignement intérieur au tribunal. Bernard Squarcini est jugé à partir de mercredi 12 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris. Ce procès, qui doit durer 15 jours avec neuf autres prévenus dont un préfet, un ancien magistrat et d'autres policiers, doit permettre de statuer sur les accusations de trafic d’influence au profit de LVMH.

Bernard Squarcini est en effet soupçonné d'avoir utilisé illégalement ses réseaux au profit d'intérêts privés, essentiellement pour le groupe leader mondial des produits de luxe. C'est une très longue liste d'infractions qui sont reprochées à l'ex-grand flic : onze au total, dont détournement de fonds publics ou compromission du secret-défense.

Identification du maître chanteur de Bernard Arnaud

A 68 ans, celui qui est surnommé "le squale" est poursuivi à la fois pour des faits qui remontent à la période où il dirigeait le renseignement intérieur, qu’il a quitté en 2012, mais aussi après lorsqu'il a fondé, dès 2013, sa société de conseil, dont LVMH était le principal client pour quelque 2,2 millions d'euros facturés au géant du luxe.

Bernard Squarcini est jugé pour quatre affaires différentes, dont l'identification d'un maître chanteur qui s'en était pris à Bernard Arnaud, PDG du groupe de luxe. "Le squale" dirigeait alors la DCRI, l'ancêtre de la DGSI. Il s'agissait d'une "mission de protection du patrimoine économique français" se défend Bernard Squarcini.

"On essaie de juger la particularité des services de renseignements qui, par définition, sont opaques et ont un caractère secret. On n'a pas le quart du tiers des éléments matériels, ce qui fait que, la seule juridiction qui aurait le droit d'avoir ces éléments, c'est la chambre spécialisée du Conseil d'Etat", précise  Alix Canu-Bernard, qui défend Bernard Squarcini avec d'autres avocats. La défense va donc demander, avec peu de chance d'aboutir, un renvoi du procès pour tenter d'obtenir ce changement de juridiction.

Un système de surveillance complexe ?

Reste le volet le plus emblématique de ce procès : l'espionnage du député François Ruffin, quand il était journaliste militant à l'époque où il dirigeait Fakir, un journal engagé à gauche. À l'époque, surtout, où il tournait Merci patron !, un documentaire sur Bernard Arnault. François Ruffin inquiétait le groupe car il menaçait d'en perturber les assemblées générales.

Bernard Squarcini est soupçonné d'avoir mis en place tout un système de surveillance avec l'aide d'autres sociétés : poubelles fouillées, filatures, informations sur les membres de Fakir telles que les adresses, les téléphones, les orientations politiques, jusqu'au prénom des enfants, mais aussi la présence d'une "taupe" au sein du journal.

"L'enjeu est de comprendre comment il est possible qu'en France, une société comme LVMH puisse faire espionner un journaliste, faire infiltrer un journal avec le concours d'un haut fonctionnaire qui a été à la tête du renseignement intérieur pendant des années, indique Benjamin Sarfati, l'un des avocats de François Ruffin. Comment le groupe LVMH a-t-il pu bénéficier d'une convention judiciaire d'intérêt public qui lui permet d'échapper au procès et qui laisse comparaître seuls Bernard Squarcini et les autres exécutants de cette affaire ?", s'interroge-t-il.

Grâce à cette convention négociée avec la justice, LVMH a versé 10 millions d'euros pour échapper aux poursuites. François Ruffin et ses avocats citent donc Bernard Arnault à comparaître comme témoin. Une demande sans réponse pour l'instant.

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