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Cinq questions pour comprendre l'affaire Jacqueline Sauvage

Jacqueline Sauvage a été condamnée à dix ans de réclusion pour avoir tué son mari en septembre 2012, après des années de violences conjugales. Un large mouvement de soutien réclame à François Hollande de la gracier.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une marche de soutien à Jacqueline Sauvage, le 23 janvier 2016, place Bastille à Paris. (DENIS PREZAT / CITIZENSIDE / AFP)

"Libérez Jacqueline." Le slogan fait florès, depuis le 3 décembre 2015, date de la condamnation en appel de Jacqueline Sauvage à dix ans de réclusion, pour avoir tué son mari en 2012, après 47 ans d'enfer conjugal. Comité de soutien, pétition en ligne, appuis politiques... Ses soutiens font désormais pression sur les épaules de François Hollande, dans l'espoir d'une grâce présidentielle.

Pourquoi Jacqueline Sauvage est-elle en prison ?

Trois tirs dans le dos. Le 10 septembre 2012, Jacqueline Sauvage tire à trois reprises dans le dos de son mari, âgé de 65 ans, après plusieurs dizaines d'années d'enfer conjugal. La veille, le fils s'est suicidé et comme leur mère, les trois filles ont été violées et battues. "Notre père est décédé et pour moi, c'est un soulagement", déclare l'une d'elles à la barre, violée à l'âge de 16 ans et victime de graves violences alors qu'elle était devenue une adulte.

Pas de préméditation. Jacqueline Sauvage a été condamnée à dix années de réclusion par la cour d'assises du Loiret, en octobre. L'avocate générale avait requis entre 12 et 14 ans de prison, mais sans retenir la préméditation contre Jacqueline Sauvage. La peine a été confirmée en appel, le 3 décembre. "Aux violences de son mari, elle aurait dû répondre par un acte proportionné, immédiat et nécessaire", estime alors l'avocat général, Frédéric Chevallier.

Pourquoi cette décision est-elle critiquée ?

La légitime défense n'a pas été retenue. Jacqueline Sauvage est vite devenue un symbole pour les femmes victimes de violences. La justice n'a certes pas retenu la préméditation, mais elle n'a pas retenu non plus la légitime défense. Dès le lendemain du verdict, l'association Osez le féminisme a donc dénoncé un "déni de justice", appelant "à l'élargissement de la présomption de légitime défense aux femmes victimes de violences". Au-delà du seul cas de Jacqueline Sauvage, ses soutiens réclament donc une "révision de la loi sur la légitime défense".

Un manque de compréhension, selon les soutiens. Au cœur de l'audience, la présidente de la cour, Catherine Paffenhoff, a beaucoup questionné la passivité de l'épouse face à ce mari tyran, gros consommateur d'alcool, la non-dénonciation des coups, des incestes. Mais selon Suzie Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, Jacqueline Sauvage "était frappée sans cesse, elle était violée, les gamins étaient violés, elle n'a pas réussi à porter plainte parce qu'elle n'était pas aidée". Les trois filles de Jacqueline Sauvage – Sylvie, Carole et Fabienne – expliquent que leur mère "a souffert tout au long de sa vie de couple, victime de l'emprise de [leur] père, homme violent, tyrannique, pervers et incestueux".

Qui soutient Jacqueline Sauvage ?

Un comité de soutien. Il réclame la "libération immédiate" de Jacqueline Sauvage et est notamment représenté par la comédienne Eva Darlan. L'actrice Anny Duperey ou encore la productrice Fabienne Servan-Schreiber ont également apporté leur soutien. Par ailleurs, entre 100 et 200 personnes ont manifesté samedi 23 janvier, à Paris, pour demander la grâce de Jacqueline Sauvage, tandis que des militantes des Femen ont manifesté seins nus, vendredi, devant sa prison de Saran (Loiret). Une pétition lancée sur le site Change.org a déjà récolté plus de 365 000 signatures, mercredi matin.

Des politiques de tous bords. Les députées Les Républicains Nathalie Kosciusko-Morizet et Valérie Boyer ont rendu visite à Jacqueline Sauvage, dans sa prison. Valérie Pécresse, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France, s'est elle émue des "abominables sévices" subis par la condamnée, emboitant le pas au président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, qui a appelé le président à "rétablir la justice". Une demande de grâce présidentielle a été déposée par les trois filles de Jacqueline Sauvage, fin 2015. Le texte est déjà appuyé par une cinquantaine de parlementaires. La maire PS de Paris Anne Hidalgo, l'ancien élu écologiste Daniel Cohn-Bendit ou encore le dirigeant du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon ont également apporté leur soutien à Jacqueline Sauvage.

Une grâce présidentielle est-elle envisagée ?

La réponse de François Hollande est ambiguë. Tous les regards se tournent désormais vers l'Elysée. Le chef de l'Etat "a bien entendu la mobilisation", assure son entourage, mardi 26 janvier, mais "il y a une procédure, il faut suivre la procédure. Il faut des circonstances exceptionnelles". Rien ne garantit que François Hollande tranche en faveur d'une remise de peine. Lors de la campagne de 2012, il avait même critiqué ce droit régalien des anciens rois de France : il "rappelle quand même une autre conception du pouvoir".

Un précédent avec le plus ancien détenu de France. Cette grâce présidentielle, pourtant, a déjà permis de libérer le plus ancien détenu de France, Philippe El Shennawy, en janvier 2014. Permises par l'article 17 de la Constitution, ces requêtes obéissent à des procédures longues et complexes. Cette grâce, qui doit être contresignée par le garde des Sceaux, s'apparente à une suppression ou à une réduction de la peine, et non à une amnistie, puisque la condamnation reste inscrite au casier judiciaire.

Existe-t-il d'autres options ?

Nathalie Tomasini, une des deux avocates de Mme Sauvage, se prépare à demander dans les prochaines semaines un aménagement de peine devant le tribunal d'application des peines à Orléans. Un éventuel "relèvement de sûreté" permettrait de dispenser sa cliente de purger au moins la moitié de sa peine.

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